Chapitre 22

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Aussitôt que Mathias en était venu à la conclusion que la personne qu'ils cherchaient était bel et bien Martha, il avait évidemment couru droit vers Mitsu pour le prendre à parti et lui faire part de sa théorie :

— Je crois que c'est Martha, lui souffla-t-il alors qu'il le traînait par le bras loin des oreilles indiscrètes.

— Martha ? Sérieusement, Mathias ?

Mitsu lui donnait du regard supérieur, sa spécialité quand son collègue venait lui partager une théorie conspirationniste de son cru - il était un habitué. Le châtain se mordit les lèvres, il aurait dû se douter que la réaction à son annonce ne serait pas « Mais c'est bien sûr ! » mais ça lui cassait tout de même les pieds, il tenta de défendre sa position :

— De tous les gens ici, c'est certainement celle dont on n'aurait jamais soupçonné qu'elle puisse être un pion ennemi ! Regarde là à sourire à tout le monde et à se les mettre dans la poche, en moins de 15 jours elle est devenu la reine de l'open-space et elle est prête à se faire couronner si tu vois ce que je veux dire.

— T'exagères, c'est une vieille dame qui se retrouve piégée avec 100 des humains qui ne soient pas les plus sympas qui soient... Si elle se trouve une vocation de leader et qu'elle nous permet de survivre moi je ne dis pas non...

Mathias soupira une nouvelle fois et lui lâcha enfin le bras, ils avaient atteint un des magasins vidés depuis bien longtemps, ancienne confiserie devenue de facto un endroit tranquille pour parler. Ce n'était pas parce qu'on était sous terre qu'il fallait se laisser aller, avait d'ailleurs dit Dom' en se servant généreusement avant la pénurie.

— Moi, je penche toujours pour Elisabeth, reprit Mitsu.

— Elisabeth ne ferait pas de mal à une mouche.

— Elisabeth sait se servir d'une arme - elle leur avait avoué au détour d'une énième discussion sur la nécessité de se protéger -, Elisabeth a des choses à cacher grosses comme elle et Elisabeth se mêle très peu aux affaires des autres. Elle a le profil type d'une espionne et tout ce que tu peux trouver de distrayant chez elle ne changera jamais cette vérité.

Il ponctua sa diatribe d'un coup du plat de la main sur la poitrine de son ami et collègue, qui aussi aimable et serviable qu'il était avait la fâcheuse tendance de laisser ses sentiments passer par dessus son cerveau de temps en temps. Celui-ci plissa les lèvres et ne répondit d'abord rien, il se savait d'un avis différent de Mitsu mais était tellement persuadé du bien fondé de sa trouvaille qu'il ne comprenait pas pourquoi il devait se battre pour la faire accepter.

— Écoute, Mathias - il chercha ses mots un instant -, ça fait bientôt 15 jours qu'on est là 24 heures sur 24 collés à des gens qu'on ne connaissait pas avant, c'est normal d'être biaisé sur eux parce ce sont tout simplement les seules personnes avec qui nous sommes en contact, mais avoue... Avoue que cette gamine, elle est bizarre !

Ils se toisèrent en silence, chacun engoncé dans son propre avis et absolument pas prêt à céder un pouce de terrain à l'autre.

— Ok, finit par admettre Mathias. Ok, mais admets que Martha aussi est bizarre.

Mitsu acquiesça dans un sourire contrit : ils penchaient chacun d'un côté et de l'autre de la balance mais ils admettaient tous deux qu'effectivement il y avait du vrai dans le discours de l'autre.

— Très bien, continua le châtain, on fait quoi ?

— Je suppose qu'on continue à garder un œil sur eux mais qu'on écarte personne de la liste des suspects, conclut Mitsu. Sujet suivant : le tremblement de terre.

— Une autre attaque ?

— Probable. Une tentative d'accéder aux sous-sols, peut-être. Je n'ai jamais entendu parler d'activités sismiques dans cette partie de la région ou alors les Eugénistes se mettent à jouer avec les éléments... Ça serait le pompon.

Il se frappa le front du plat de la main et haussa les épaules, comme pour balayer cette idée ridicule. Par réflexe, il passa une main dans son dos pour vérifier que l'arme qu'il portait désormais en permanence était bien à sa place, chaque jour qui passait semblait amener une raison de plus de s'armer au cas où les choses dérapaient.

— Je suppose que tu ne vas pas aider une seule seconde à aller brûler ces cadavres ? s'enquit l'Asiatique.

— Bien sûr que non.

Mathias s'en frottait les mains, littéralement, devant un Mitsu désabusé :

— Comment tu peux être flic et avoir une telle peur des corps sans vie, ça me dépasse.

— Je n'aime pas les vers, que veux-tu ? Sujet suivant, Jean.

Le brun gonfla les joues avant de souffler bruyamment : la pression ne réussissait vraiment pas à Mathias.

Certes, cette brute de Jean continuait à rouler des mécaniques auprès de tout le monde mais il avait bien vite cessé sa campagne de désinformation concernant les deux policiers et Elisabeth. Pour une raison obscure, il n'avait jamais ne serait-ce qu'effleurer le sujet de Martha lors de ses discours désobligeants - Mitsu était persuadé qu'il retrouvait une mère sous une autre forme en cette vieille dame - mais depuis quelques jours, il avait tout simplement arrêté.

— Quoi, Jean ?

— Je trouve qu'il surveille beaucoup Eli'.

— Et je trouve que tu surveilles beaucoup Elisabeth aussi pour quelqu'un qui ne la soupçonne pas.

Piqué au vif, le châtain se tut, admettant par là-même sa faute.

— Je suis sous tension, admit-il.

— Tout le monde est sous tension, mais j'ai l'impression que tu prends un peu trop ça à cœur. Tu devrais essayer de te reposer.

— Bonne idée, Mitsu, je vais aller m'aérer et peut-être même aller faire quelques longueurs à la piscine pour ça, tiens !

Tout le sarcasme du monde transpirait de ces mots, il se permit même de donner une bonne vieille tape dans le dos du brun pour illustrer ses propos. Ce dernier ne fit rien de plus que de claquer de la langue pour répondre, avant de reprendre sur un sujet totalement différent :

— Et sinon tu connais Bob ? Parce qu'apparemment, tu lui as tapé dans l'œil.

Juste après la Fin du MondeWhere stories live. Discover now