– Oui ?

– Amaya. Oui ! Tu vois ! Je peux le dire ! Amaya ! Amaya ! Alors, c'est parti, tu veux tout savoir ?

– Oui, s'il te plaît. J'aimerais réussir à mieux te comprendre. »

Il acquiesça légèrement et pris une longue, rauque et difficile respiration. Il ferma les yeux quelques secondes. J'attendis silencieusement.

S'appuyant sur l'immobilité qui nous environnait, il commença son récit.

« Quand j'avais quinze ans... »

Un hoquet de surprise amusée m'échappa.

« Quoi ? Pourquoi tu ris ? Ça fait longtemps, c'était il y a plus de deux ans. »

Je ne pus m'empêcher de sourire tant cela lui semblait loin ces deux années .

« Mais arrête Myriam ! Bon, quand j'avais quinze ans, mon meilleur pote, Adrien, s'est mis à sortir dans des soirées un peu bizarres. J'ai cru qu'il virait gothique, ou homo, ou les deux. Pas que ça m'aurait dérangé en vrai, je m'en fiche tant qu'ils ne me draguent pas. »

Je ris sous cape, me souvenant de sa surprise vexée lors de ma réaction à Marina, à notre arrivée chez la meute.

« Quoi, tu ris encore ? J'aurais dû tenter la comédie plutôt que le vampirisme... »

Un son horrible, qui devait être un rire, fit tressauter sa poitrine. Un rictus de douleur lui déforma le visage. Il respira doucement, très attentivement, ferma les yeux et reprit :

« Adrien donc, on était potes depuis la quatrième et, franchement, il était ni gothique ni homo. Il aimait les filles comme tous les gamins tu sais.

– Comme les ados les aiment, avec enthousiasme mais mal et sans discernement. »

Il sourit, un peu incertain, puis plus franchement.

« Oui, c'est ça ! C'était un rasta, sans dreadlocks parce que ses parents étaient contre. Il écoutait du reggae, portait trop de couleurs et connaissait toutes les techniques pour faire pousser du cannabis alors qu'il savait même pas rouler une clope. Il avait du Bob Marley à citer pour toutes les occasions. C'était un vrai tu vois. »

J'opinai. C'était exactement le genre de garçon qui me faisaient craquer à leur âge.

« Ben, un jour comme ça, il a arrêté de porter des chemises colorées, il s'est coupé les cheveux et laissé pousser les cernes.

– Quel changement !

– J'te l'fais pas dire, attends la suite. Adrien était pas mal, dans son genre de beau gosse mélancolique. Ca avait un certain effet sur les filles . Il s'est mis à fumer et à boire, comme un gars de vingt ans en pleine rupture scolaire. Sauf qu'il avait quinze ans, de bons résultats à l'école et pas de problèmes particuliers. Je ne crois même pas qu'il ait eu la moindre peine de cœur en fait, il avait un succès incompréhensible, alors que moi, je tombais fou amoureux et je galérais. Personne ne percevait mon potentiel de séduction, c'était, ça aussi, incompréhensible. »

Il souriait vaguement sous son masque de souffrance, se moquant de lui-même et je ne pus m'empêcher de rigoler.

« Et bien sûr, ça te fait rire... »

Il soupira et s'étouffa ce faisant. Une quinte de toux l'épuisa et il passa un temps beaucoup trop long à respirer à petites goulées affolées avant de réussir à se calmer. Finalement, il ferma les yeux et reprit son histoire. Je me sentais totalement impuissante et désolée de le voir si mal.

Le Chant de la LuneNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ