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C'est sous un ciel entièrement dégagé que la voiture s'élance sur une route fantôme. Pas un seul conducteur pour nous déranger, et pendant quelques instants, je me suis laissée aller à la pensée qu'il n'y avait qu'elle et moi. Dans le véhicule, un silence doux règne, alors qu'on approche de la ville. Les lampadaires sur les collines embellissent le paysage et je ne réalise toujours pas que nous avons pu fuir nos amis, dans un pays totalement étranger et inconnu, je ne sais pas où cela nous mène, mais cette adrénaline refuse de me quitter.

Abigail avait prit la route vers le sud, nous rapprochant de la mer qu'on ne cessait d'observer sur le balcon de notre chambre.

Mon téléphone se met à sonner, et de multiples notifications s'affichent sur mon écran. Ils sont vraiment en colère mais ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux même. Quelle idée de nous laisser glander à la maison tandis qu'ils vivaient l'un des plus beaux moments de leur vie. Même si je dois avouer que dévaster leur environnement avec Abigail n'était pas pour me déplaire.

— Tu devrais éteindre ton téléphone, suggère Abigail. Il va finir par exploser.

Je le mets seulement en mode silencieux. Une dizaine de minutes plus tard, nous arrivons dans un petit quartier décoré de toute cette architecture typiquement italienne, une avalanche de guirlandes lumineuses au balcon des petites maisonnettes m'éblouissent à peine, et je trouve l'atmosphère tellement chaleureuse. Je ne saurais l'expliquer.

Alors que je contemple les alentours, toujours aussi émerveillée, elle arrête la voiture dans une longue allée, il y a du monde autour de nous, la ville est active, c'est samedi soir après tout.

Je suis Abigail lorsqu'elle enlève sa ceinture et on sort de la voiture. Lorsque mes pieds rencontrent le sol, je me rends tout simplement compte que je n'ai qu'une paire de chaussettes – dépareillées qui plus est – pour me couvrir. Une fois que mon acolyte réalise ce fait, elle me regarde à la fois avec désespoir et amusement.

— Mary, j'espère que c'est une blague, dit-elle en passant les mains sur son visage.

— Quoi? m'exclame-je sur la défensive. Comment aurais-je pu mettre une paire de chaussures quand toi, tu as décidé, seule, de nous mettre dans une cavale improvisée?

Le monde autour de nous nous jettent des regards parfois méprisant, face à notre discussion qui leur est totalement étrangère, en plus du fait qu'une folle aux chaussettes désassortis s'égosille comme si la rue lui appartenait.

— Mais ce n'est pas si grave, il suffit que tu me portes sur ton dos, suggère-je en haussant les épaules.

Je sais que la possibilité d'errer dans la rue en chaussettes n'est pas si dramatique, et que même si c'était le cas, nous pourrions seulement rester dans la voiture à poireauter, jusqu'à avoir le courage de retourner chez nous. Mais je n'en ai pas du tout envie, car aucune de ces options n'incluent le fait que je puisse la faire chier. Car, depuis peu, c'est devenu une réelle passion.

— Alors là ! Dit-elle en reculant vivement. Ce n'est pas pour être méchante mais la tétraplégie, ça m'a jamais fait rêver, tu vois?

— Mais non, j'suis légère comme une plume, tu vas voir, dis-je en lui agrippant les épaules.

Elle s'esclaffe avant que je n'abandonne. Suite à ce rire, un silence maladroit s'installe. Ce n'est pas comme si nous avions un plan. Nous sommes deux fugitives, sans un sous, dans un pays totalement étranger.

— On fait quoi? déclare-je pour briser le silence.

— Je n'en sais rien, dit-elle en s'élançant dans la rue comme si j'étais apte à la suivre.

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