Chapitre 116

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- Allez chercher des chaises, dit enfin Tom, brisant le long silence qui s'était incrusté. Cinq.

Des gardes hochèrent la tête et sortirent de la pièce. Le silence dura jusqu'à leur retour. Avec les cinq chaises supplémentaires, nous pûmes tous nous assoir, même Math qui traina sa chaise jusqu'à côté de son père. Il ne semblait pas décider à le lâcher d'une semelle avant un bon moment.

- Alors ? dit à nouveau Tom. Vous avez rien à m'expliquer ?

Nous nous regardâmes tous. Personne n'avait envie de parler.

- Le vieux nous a envoyé un monstre sur le dos, dit Simmer. Il en avait marre de nous savoir en vie. C'était un nouveau clone... un peu différent de nous, en revanche, dit-il avec un second regard en coin vers nous. Le vieux lui avait dit que nous voulions le tuer, c'est pourquoi il s'était décidé à nous tuer en premier. Mais on a gagné et il est mort et enterré.

- Eh bien, Miö, t'avais de bonnes raisons de vouloir sa mort, en fin de compte, dit Tom en secouant la tête. J'avais refusé de croire qu'un homme seul à une centaine de kilomètres d'ici pouvait vraiment être une menace, d'une quelconque manière... C'est ma faute, tout ça.

- Non, dis-je en baissant les yeux sur mes mains croisées sur les genoux. J'étais en colère quand je disais ça, je n'avais pas réfléchi. Je croyais pas plus que toi qu'il saurait être une menace... pas à ce point, pour sûr.

Tom hocha la tête, laissant planer un nouveau silence.

- Vous allez bien, sinon ? dit-il enfin. Besoin de soin médical ? Je sais que la tour n'est pas trop solide, mais on a déménagé les instruments médicaux dans l'édifice d'à côté, pour l'instant. Et Remi est en vie, je suppose que c'est bien de le préciser, avec... tout ça...

- Je serais pas contre, dit Simmer. Je me suis pris un coup qui m'a laissé K.O. pour plusieurs minutes... j'ai encore mal un peu partout.

- Ceux qui le veulent, suivez Creg, dit-il avec un signe de tête au garde en question. Amène-les à l'hôpital, s'il te plait.

Creg hocha la tête, puis ouvrit la porte pour nous inciter à le suivre. Simmer passa la porte, suivi de Seth et d'Hadrien qui s'était pris un coup de sabot derrière la tête. Il ne restait plus qu'Albert, Riley et moi.

- Ceux qui reste, vous pouvez aller à vos chambres, pour dormir... ou essayer.

- Je réussirais jamais à dormir, dit Albert. (Il leva les yeux vers Math, qui se faisait oublier dans son coin.) Va falloir que tu me montres un film. Sharkado ?

- Sharknado ? dit Math en levant un sourcil. Pourquoi ?

- Ça faisait partie de mon plan, pour... tu vois..., dis-je dans un haussement d'épaule. Comme dans Sharknado.

Math leva son deuxième sourcil, perplexe.

- Des requins qui tombent du ciel ? Comment... Quoi, tu te transformes en requin ?! s'écria-t-il soudain.

- Math, laisse-les tranquilles, ils ont eu une journée de merde. Allez, dit Tom avec un petit mouvement de main. Tous au dodo. Toi aussi, Math ! On parlera de la suite demain matin.

Math poussa un petit soupire d'ennuis, puis se leva de sa chaise pour sortir. Je me levai à mon tour pour le suivre, puisque nos chambres étaient toutes dans le même coin de ce château. Albert et Riley nous suivaient aussi, à quelques pas de distances. J'entrai dans ma chambre et Math se faufila à l'intérieur en fermant derrière lui. Il alluma l'ampoule au plafond pendant que je lui tournai le dos, cherchant un pyjama dans mon armoire.

- Sinon... tu vas bien ? demanda Math.

Je ricanai, trouvant la question trop ridicule pour prendre la peine d'y répondre. Je posai mon pyjama au pied du lit et sautai pour y atterrir de dos. Aussitôt que ma tête entra en contact avec l'oreiller, une décharge électrique me fit sursauter et grogner de douleur. Je me redressai, touchant ma nuque du bout des doigts.

- Ça va ? demanda à nouveau Math, un peu plus sérieux.

- J'ai une puce abimée dans la tête, qu'est-ce que tu crois ? Ça fait mal aussitôt que je la touche. Je demanderai à Remi demain de la retirer.

Math hocha la tête, regardant ailleurs. Je me levai à nouveau du lit et allai à la fenêtre que j'ouvris en grand pour un peu de fraicheur.

- Et émotionnellement, ça va ?

- T'as pas fini, avec tes questions ? m'énervai-je en me retournant vers lui.

- Désolé.

Math baissa la tête, nerveux. Après quelques secondes d'hésitation, il se retourna pour ouvrir la porte.

- Non, je vais pas bien, dis-je enfin. (Math referma la porte et se retourna à moitié vers moi.) Télio est mort, aujourd'hui. Arthur également. On sait pas encore, peut-être que Léo et Aël aussi. On a tous frôlé la mort, aujourd'hui. Et le monstre, Frodo... (Je baissai le ton, de peur de me faire entendre par Albert ou Riley, même si leurs chambres étaient à l'autre bout du corridor.) Il était pas encore mort quand on l'a enterré. C'est moi qui avais dit aux autres qu'il était mort. Je voulais juste... me débarrasser d'un problème, tu vois. Simmer aurait essayé de le sauver et de le ramener ici, avec nous. Mais ça n'aurait mené à rien, il grandit tellement vite, il serait mort de vieillesse en deux ou trois semaines ! J'ai fait ce que j'avais à faire, tu vois, mais... plus j'y pense, plus je regrette. Il était une victime tout autant que nous, dans cette histoire. Il n'y avait qu'un seul monstre, et c'est le vieux. J'ai l'impression d'avoir mis mon énergie au mauvais endroit...

- T'as fait de ton mieux, dit Math en secouant la tête. J'aurais probablement fait la même chose. Écoute, tu n'es pas le seul responsable dans tout ce qui se passe dans le monde. Essaie de relaxer, un peu. Tout va se remettre en place en peu de temps.

Je hochai la tête, sans grande conviction, et reportai mon attention à ce que je voyais par la fenêtre. Quelque chose attira mon œil, mais il passa trop vite pour me laisser le temps de voir vraiment ce que c'était. Probablement une chauvesouris.

- Je vais aller me coucher, dit Math. Si l'envie de parler te prend, t'as qu'à venir me réveiller, c'est pas un problème. Viens quand tu veux, OK ? Bonne nuit, Miö.

- Bonne nuit, répondis-je d'une voix morne.

Math sorti de la chambre, fermant la porte derrière lui. J'entendis ses pas s'éloigner dans le corridor, lentement. Il marchait avec une infinie lenteur, peut-être qu'il s'attendait à ce que je coure le rattraper.

Jemis mon pyjama, éteignis la lumière et me couchai de côté dans le lit. Je fustout de même incapable de dormir de toute la nuit.

Miö (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant