Chapitre 114

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Léo

Ma tête était sur le point d'exploser. Je n'avais jamais ressenti un mal aussi intense. Je me sentais sur le point d'évanouir, mais bien sûr, ça ne venait pas. J'aurais aimé sombrer dans l'inconscience, quand bien même que je ne me réveillerais plus jamais par la suite. Je voulais que ça cesse.

Étendu au sol, je levai des yeux suppliants vers Aël, qui restait figer, à genoux devant moi. Enfin, Aël se leva d'un bon et alla chercher la tablette qui était toujours sur l'armoire et la ramena devant moi. Il s'agenouilla à nouveau pour regarder l'écran, les lèvres tremblantes sous le stress.

- Je comprends rien, dit-il, au bord des larmes. Je sais pas lire !

- M... montre, murmurai-je difficilement.

Aël souleva l'écran et l'inclina pour que je puisse la lire. Il y avait plusieurs diagrammes, montrant mon état de santé. Malgré la souffrance que j'éprouvais, il y était écrit que tout allait bien. Mais ce qui attira mon attention, ce fut un cercle vert, écrit « contrôle, ON ». Je tendis le doigt pour appuyer dessus, le bras étonnamment lourd.

Avant que je ne puisse l'atteindre, quelqu'un arracha la tablette des mains d'Aël et lui envoya en même temps un coup de pied dans la mâchoire, le faisant tomber de dos au sol. Il se retourna pour cracher du sang, et je levai les yeux pour voir que papa s'était relevé malgré le venin que lui avait donné Aël. Il éclata de rire, puis envoya un nouveau coup de pied à Aël au même endroit pour l'empêcher de se relever.

- Tu croyais vraiment que, à avoir créé un être comme toi, je ne me serais pas immunisé contre ton venin ?

Nouveau coup de pied, cette fois dans l'estomac. Aël gémit de douleur, et je fermai les yeux, répugné.

- Papa... Arrête...

- Oh non, y'a plus de papa qui tienne. Tu as essayé de me tuer. Maintenant, je te déteste, tout autant que les autres. Il est temps pour vous deux de mourir.

Un dernier coup de pied, pour s'assurer qu'il ne se relèvera pas, puis nous tourna le dos pour aller fouiller dans un tiroir. Il en ressortit un vieux pistolet colt qui, je devais bien l'avouer, avait de la classe. Il retira le cran de sureté avec un crrlac. Je fermai les yeux, ne voulant pas voir ce qui suivrait.

Mais aucun coup de feu ne vint. J'ouvris à nouveau les yeux pour voir papa qui regardait un peu partout avec des yeux de fous. Aël s'était transformé et caché dans un coin. À la taille qu'il avait, dans la semi-pénombre de la cave, il faudrait chercher longtemps pour le trouver.

- Tant pis pour lui, dit papa en se retournant vers moi. Ça me fait de la peine, mon petit Léo, mais tu seras le premier à mourir.

Il pointa le pistolet droit sur ma tête. Il eut un dernier petit sourire désolé, puis appuya sur la détente.

Au même moment, une forme lui tomba sur la main, faisant dévier le pistolet une seconde avant que la balle sorte. Plutôt que se ficher entre mes deux yeux, elle s'enfonça directement dans mon épaule. Je la ressentis à peine, la puce me faisait déjà tellement mal qu'il m'était impossible d'avoir plus mal. Tout ce qu'elle réussit à faire fut de me pousser pour que j'atterrisse dos au sol, plutôt que sur le côté.

Je penchai la tête pour voir ce qui se passait, commençant à avoir de la difficulté à retenir mes yeux ouverts. Je le savais, il suffirait que je les ferme pour sombrer enfin dans l'inconscience et ne plus ressentir cette douleur. Mais, étrangement, le sort d'Aël m'importait.

Cette forme mystérieuse qui était tombée sur la main de papa, c'était lui. Il avait grimpé au plafond et s'était laissé tomber juste au bon endroit pour repousser ma mort de quelques secondes - avec un peu de chance, une minute entière.

C'en était presque drôle à voir. Assumant totalement ces gènes de Spider-man, Aël avait tissé une toile depuis la main de papa et se balançait au niveau de ses genoux, montants et descendants alors que papa essayait tant bien que mal de le dégager en battant des mains comme s'il essayait de s'envoler. À chaque fois que papa réussissait à le toucher, Aël le mordait. Quand bien même qu'il n'avait plus de venin, une morsure restait douloureuse, lui arrachant un petit cri à chaque fois.

Réussissant enfin à avoir un peu d'élan, Aël, toujours suspendu à sa toile, s'agrippa à ses jambes et se mit à tourner autour, essayant de lui coincer les jambes. Ça ne marchera pas, pensai-je aussitôt. Les toiles d'araignée sont peut-être aussi résistantes que des fils de fer, mais à leur épaisseur, ça ne valait pas grand-chose. Ça avait au moins le mérite de faire paniquer papa, qui avait beau battre des jambes et se frapper les cuisses du plat des mains, il ne réussissait jamais à le toucher, et Aël revenait toujours pour refaire sa toile.

C'est qu'une distraction. Ça va peut-être durer un petit moment, mais ensuite...

Bien sûr. C'était une distraction. Aël voulait que je fasse moi-même la suite. Comment, dans mon état ? J'arrivais à peine à rester conscient.

Dans un ultime effort de volonté, je réussis à me retourner sur le ventre, et ensuite à quatre pattes. La balle dans mon épaule me fit grincer des dents, la puce dans ma cervelle me faisait tourner de la tête. Mon corps entier tremblait en rythme des décharges électriques, me faisant bégayer dès que j'essayais d'ouvrir la bouche. Je me mordis la langue, bandai les muscles de toutes mes forces et lentement, très lentement, réussi à me relever. Mon cœur pompait à une telle vitesse que, je le savais, j'avais très peu de temps avant d'évanouir. Ou de vomir.

Je fouillai la pièce des yeux, sentant mon front s'inonder de sueur à l'effort d'être debout, puis trouvai enfin ce que je cherchai ; la tablette. Papa l'avait posé sur son plan de travail, à côté de son matériel médical. J'avançai dans cette direction, un petit pas à la fois. Papa, dans sa tentative de se débarrasser d'Aël qui continuait de tisser sa toile autour de lui, en était à faire la danse de la pluie sous ses mouvements ridicules. Pour l'instant, il me tournait le dos.

Arrivé à la tablette, j'appuyai d'un doigt tremblant sur le bouton « contrôle, ON », qui changea pour « OFF ». Aussitôt, les décharges électriques qui me parcouraient s'arrêtèrent, mais la balle dans mon épaule n'en devint que plus douloureuse. Je m'accrochais au bureau, à deux doigts d'évanouir. J'arrivai à peine à voir ce qui était inscrit à l'écran. J'approchai mon visage pour mieux voir et trouvai, tout en haut de l'écran, aligné dans des petits rectangles, les noms « Miö, Arthur, Riley, Frodo ». J'appuyai sur Miö, appuyai ensuite sur le bouton « contrôle, ON », et refit la même chose pour les autres. Aussitôt terminé, je pris la tablette à bout de bras et la lançai contre le mur. En atterrissant au sol, son écran était si craquelé qu'il aurait été impossible d'y lire quelque chose.

- Aaaarg !

Je me retournai en sursaut, le cœur au bord des dents. Papa s'était délaissé d'Aël pour s'élancer vers moi, me prendre par les épaules et me secouer sauvagement. La douleur dans mon épaule était telle que je n'arrivai plus à comprendre ce qu'il me crachait à la figure.

Tout ce que je pus comprendre, ce fut un énorme pow, quand Aël avait ramassé le colt au sol, avait visé sa tête, et avait tiré.

Sans plus personne pour me retenir, je m'écrasai au sol et fermai les yeux, à bout de force. Quelqu'un me secoua vigoureusement et j'ouvris un œil pour voir Aël, la gueule en sang et un grand sourire au visage. Il lui manquait une dent.

- Je l'ai tué, dit-il, sa voix semblant me provenir d'une seconde dimension. J'ai tué le vieux ! Un danger en moins. Reste plus que le monstre.

Je grognai en guise de réponse. Aël m'aida à me relever, passa mon bras autour de ses épaules, et nous montâmes les escaliers. Il avait hâte de partir d'ici, et étrangement, moi aussi.

Nous sortîmes dehors, à l'air frais. Ça faisait du bien. Aël continua d'avancer, m'entrainant avec lui dans le champ.

- Aël, attends... Il faut...

Je grimaçai, incapable d'en dire plus.

- Quoi ? s'étonna Aël en s'arrêtant. On a oublié un truc important ? Il faut faire quoi ? Merde, dis-le !

Incapable de le retenir, je me laissai tomber à genoux pour vomir mes tripes. Aël fit un bon sur le côté, dégouté.

- Ça va, dis-je quand j'eus terminé de gaspiller mon dernier repas. Je me sens déjà mieux.

- C'était dégueulasse.

Miö (En Réécriture)Where stories live. Discover now