Chapitre 74

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En à peine un peu plus de dix minutes, Télio, Math et moi avions couru à pleine vitesse les cinq kilomètres qui nous séparaient de la forêt, et ce en incluant le détour pour ne pas être vus par les gardes qui surveillaient les portes du côté sud du mur. Une fois arrivé à l'abri des arbres, j'étais penché, les mains sur les genoux, tentant de reprendre mon souffle, Télio était appuyé à un arbre, une main devant sa blessure au ventre et le visage rouge. Math, pour sa part, faisait les cent pas, impatient de continuer. Rien qu'à voir son endurance, comparé à la mienne, je savais que j'avais négligé les entrainements depuis trop longtemps. Je commençai vraiment à ramollir. Et Math l'avait remarqué.

- Allez, Miö, relève-toi ! Il faut continuer ! J'ai pas abandonné mon père pour faire à peine dix minutes de randonnée !

- Premièrement, on courrait à près de quarante kilomètres-heure, si c'est pas plus, on en aurait fait pas plus de trois s'il avait fallu trainer ton père ; ça nous aurait pris, minimum, deux heures. Et deux heures à se faire trainer, ça lui aurait fait mal, autant à lui qu'à nous, il aurait hurlé de douleur malgré les médocs, on aurait fini par attirer l'attention, d'une manière comme une autre, et on aurait fini tous mort, ou pas, dans le deuxième cas, ce serait encore nous qui les aurions tués, dis-je en pointant successivement Télio et moi. Donc, ta petite randonnée, tu peux te la foutre au cul.

Math en resta bouche bée, arrêtant enfin de faire les cent pas. J'avais réussi à faire disparaitre son impatience.

- Et deuxièmement ? demanda-t-il timidement.

- Deuxièmement, on n'ira pas plus loin cette nuit. On n'y voit rien dans le noir. On va se rendre jusqu'à la rivière, et on campera là.

Math hocha la tête, les yeux rivés au sol. La lune était à peine suffisance pour déceler ces traits, mais je savais que mon ton dur l'avait attristé. Bien évidemment, il était encore triste d'avoir dû abandonner son père. Ça s'était passé il y avait tout juste dix minutes.

Math s'assit au sol et fouilla dans son sac quelques instants, avant d'en ressortir une lampe torche.

- Avec ça, on pourra faire un bout de chemin en plus ?

- On s'arrête à la rivière, répétai-je.

- Et elle est loin ?

- Un autre dix minutes à pied.

Math hocha à nouveau la tête.

- Tu te rends même pas compte à quel point c'est précieux, une lampe torche, dit Télio en secouant la tête.

- Ouais, t'es comme Edmund dans Narnia, dis-je.

- Et t'es qui, toi ? Reine Lucy ? répliqua Math en passant son sac sur son dos et allumant sa lampe torche, qu'il pointa en direction de la forêt.

Sous le faible éclairage de la lampe, la forêt avait un aspect particulièrement lugubre, avec ses ombres mouvantes et les bruits d'animaux nocturnes. J'entendis un ululement de chouette, et je tournai instinctivement les yeux vers Télio, me demandant s'il ne s'était pas transformé pendant qu'on ne le regardait pas. Il répondit aux ululements par un doux sifflement, les yeux brillants.

- Allez, Edmund. Prend les devants, c'est toi qui nous éclaires. T'as qu'à aller tout droit, la rivière n'est vraiment pas difficile à trouver.

- J'y vais seulement si t'arrêtes de m'appeler comme ça, dit-il en avançant de quelque pas. Tu commences vraiment à avoir le même humour que Télio.

- Si j'avais le même humour, je t'aurais appelé Mathématique.

- L'un comme l'autre, j'aime pas, grogna-t-il.

Miö (En Réécriture)Where stories live. Discover now