Chapitre 60 ✅

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— OK, j'ai une idée. Pas vraiment un plan, dis-je alors que Seth poussait un long soupir théâtral. Mais c'est déjà mieux que rien. Vous deux, restez là, et si tout se passe comme je le prévois, je reviendrais assez vite. Sinon, bah... je crierais. « Au secours ! », c'est assez simple, je crois ? Et toi, dis-je en me tournant vers Aëlle, tu viens avec moi.

— Moi ? s'étonna-t-elle.

— Toi.

— Mais, je... (Elle leva les yeux vers Seth et Arthur, nerveux.) Enfin, je suis pas la plus forte, ni rien...

— C'est pas pour tes muscles que j'ai accepté que tu viennes avec moi. Sinon, j'aurais insisté pour avoir Simmer.

Aëlle hocha la tête, convaincue de mon argument, alors que je me mordais la langue. À avoir le choix, j'aurais tout de même pris Simmer.

— Suis-moi et ne pose pas de questions. À bientôt, ajoutai-je pour Seth et Arthur.

Ils me répondirent d'un signe de tête et je me retournai pour aller vers le village, Aëlle à côté de moi. Il ne nous fallut que deux minutes de marches pour arriver au centre de la rue qui la traversait. Aëlle regardait de tout côté d'un air désintéressé ; ça ressemblait assez à son propre village, mais en moins grand.

Nous avançâmes silencieusement jusqu'à la maison de Samy. Je regardai par la fenêtre, étant convaincu que Télio serait là, mais non, la chambre était vide. Sans me laisser décourager, j'allai cette fois chez sa tante. Télio y était, dormant dans son lit. À voir comment les couvertures étaient retournées et entortillées autour de lui, il n'avait certainement pas eu un sommeil paisible.

La fenêtre était déjà entrouverte de quelques centimètres. Je la soulevai plus grand, doucement pour ne pas la faire grincer – tout, dans ce village, était si vieux qu'il fallait s'y attendre de n'importe quoi. Mais cette fois, elle n'émit aucun son. Je laissai passer Aëlle en premier, qui se faufila gracieusement dans la chambre de Télio sans le moindre bruit. J'y entrai à mon tour et m'approchai de Télio. C'était le moment de le réveiller, mais j'avais peur qu'il crie, ou je ne sais quoi. Alors je plaquai ma paume contre sa bouche. Télio ouvrit des yeux grands comme des soucoupes, j'entendis pratiquement tous ses muscles se raidirent. Quand il sembla enfin se rendre compte que c'était moi, il se détendit, repoussant ma main. Il se mit assis dans le lit, dévisageant successivement Aëlle et moi.

— Qu'est-ce que vous faites là ? murmura-t-il tout bas, lançant des regards nerveux vers la porte de la chambre.

— On est venu te sauver. Habille-toi, on fout le camp.

— Non.

Télio secoua vigoureusement la tête, comme pour se convaincre lui-même que c'était la bonne décision. Il s'allongea à nouveau dans le lit, remontant ses couvertures jusqu'à son menton, les yeux fixés au plafond.

— Non, répéta-t-il. Va-t'en, Miö. Ou... peu importe qui tu es, dit-il en fronçant les sourcils et me lançant un petit regard discret.

— Oui, c'est moi, dis-je en riant.

Si nous étions rendus à un point où même Télio ne savait plus lequel j'étais, c'était grave !

— Va-t'en, répéta Télio. Allez-vous-en. Y'a rien à faire pour ma cause.

— Oh si, je te laisserai pas crever comme un con ! m'énervai-je.

— Mais je le suis, dit Télio d'une toute petite voix.

Je haussai les sourcils, étonné. J'avais déjà remarqué que, depuis que je l'avais emmené avec moi chez le vieux, il s'était mis à changer. Ses yeux s'étaient enfin ouverts sur le monde, en quelque sorte. Il avait de plus en plus conscience de ce qu'il faisait et de ce qu'il disait – il s'excusait quand un mensonge lui échappait, par exemple. Et plusieurs petites choses subtiles. Mais c'était la première fois qu'il affirmait avec tant de sincérité dans la voix qu'il n'était qu'un con.

Miö (En Réécriture)Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz