« Certainement pas lui, certainement pas moi... »

Grès se redressa, sa nuque craquant dans le mouvement.

« Parle-moi de lui... »

Je m'étirai et me retournai vers lui. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais plus croisé son regard gris... Depuis...Trop longtemps. Était-il jaloux ? Est-ce que je lui avais manqué ? Pourquoi était-il au courant de mes aventures ? J'aurais dû être fâchée contre lui. Mais je ne l'étais pas. J'étais heureuse de le voir, de respirer son odeur, de sentir son corps contre le mien. Au fond de moi, depuis longtemps, je savais qu'il ne serait jamais mien. Grès était hors du monde. Parfois, durant ces longues périodes où il disparaissait, j'en venais à croire qu'il n'avait jamais existé, un fantasme parmi d'autres.

Autant profiter de ce moment alors, et répondre à ses questions.

« Il est... Blond, j'esquisse un sourire, doux, patient, attentif... Attentionné même. Souriant... »

Grès sourit.

« Un gentil garçon en bref....

– Exactement... »

Je me rapprochai pour retourner me blottir dans ces bras qui m'avaient tellement manqué.

« Et elle... ? »

Ses lèvres effleurant mon oreille, il souffla les mots comme lui seul savait le faire. Je frissonnai.

« Elle... »

Je bloquai. Je sentis à nouveau ce raz de marée d'émotions monter de mon ventre et menacer de tout emporter.

Il sourit et leva les yeux au ciel d'un air faussement excédé.

« Laisse-moi deviner... Elle, c'est une surprise, quelque chose de nouveau et de follement attirant. Elle, c'est une douce crampe qui ronge ton ventre... »

J'opinai légèrement. Doucement, il passa sa main sous mon menton et de deux doigts le souleva, forçant la rencontre de nos regards.

« Mais c'est également beaucoup d'autres choses... »

Je fermai les yeux, Grès m'attira contre lui, là, tout près de son cœur qui battait puissamment.

« Est-ce que tu aurais enfin trouvé quelqu'un à ma mesure ? »

Je lui murmurai à quel point il était idiot.

« Est-ce que tu aurais enfin trouvé un regard qui sache percer ta carapace aussi bien que le mien ? »

Avais-je entendu une pointe d'ironie ? Je levai mes yeux vers les siens et lui souris.

« Personne ne me comprendra jamais aussi bien que toi... »

Grès esquissa un sourire carnassier, mais ses yeux restèrent doux. Il me regarda longuement et fit la moue.

« Myriam... Crois-tu réellement que tu puisses continuer indéfiniment à te voiler la face ? »

Blessée, je baissai les yeux. Il avait raison après tout. Je ne pouvais pas continuellement passer mon tour. Je ne pouvais pas continuellement faire comme si je ne voyais pas.

Je poussai un soupir et fermai les yeux.

Je n'avais pas envie de réfléchir à ça. Je n'avais pas envie de devoir admettre que le choix était déjà fait. Je n'avais pas, non plus, envie de réaliser que ce choix n'était, de toute éternité, pas mon premier choix.

La main de Grès se baladait tendrement dans mon dos alors qu'il murmura à mon oreille :

« J'ai bien peur que cette fois encore, le gentil garçon soit évincé par un rêve d'interdit. »

Le Chant de la LuneWhere stories live. Discover now