Chapitre 3 - La vie secrète des prédateurs

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C'était bien sûr une autre histoire pour Guillaume et Marc. D'après ce que je compris, Marc n'avait jamais répondu à Guillaume. Il lui avait expliqué une fois ou deux pourquoi il n'avait pu tenter de changer sa mère en raison de son choix. Mais il n'avait pas expliqué ce choix à son fils, lui assénant que les raisons n'appartenaient qu'à sa mère. Puis il s'était tut et avait enduré la colère de l'adolescent durant de longs mois... Jusqu'à ce fameux lundi où il avait perdu son calme.

Il m'expliqua d'un air penaud que, s'il allait mieux, la mort de sa compagne était toujours une blessure douloureuse en lui. Or, supporter les reproches de Guillaume qui le rendait responsable de son décès était très dur pour lui. Petit à petit, il a accumulé tant de ressentiment et de colère qu'il n'a pu s'empêcher de répondre à son fils. Non pas en lui expliquant, mais en le remettant à sa place d'enfant de la meute, devant respecter et écouter ses aînés.

Cette nuit-là vers vingt-trois heures trente, Guillaume est sorti de la maison. Marc l'a entendu partir à pied mais il l'a laissé faire. Il s'est dit que l'adolescent avait besoin de s'aérer la tête après la dispute de la soirée et qu'un tour en forêt ne lui ferait pas de mal.

Le lendemain matin, Marc avait d'abord pensé à une fugue, comme cela peut arriver après une dispute familiale. Il s'est dit que son fils devait être parti chez un copain, il lui a laissé un message sur son téléphone pour s'excuser et a laissé couler. Dans l'après midi, il a reçu un sms du lycée le prévenant que son fils ne s'était pas présenté en cours ce jour-là. Cela ne ressemblait pas à Guillaume et Marc s'est mis à s'inquiéter. Alors, pour se rassurer, Marc s'est rendu chez les copains de son fils. En personne, oui, parce que face à face, les loups-garous pouvaient détecter les mensonges.

Aucun des amis de Guillaume ne l'avait vu ni seulement eu de ses nouvelles depuis la veille. Cette fois vraiment inquiet, Marc avait alerté son alpha en rentrant de sa petite enquête. Le mercredi matin, dès les premières lueurs du jour, les meilleurs limiers de la meute étaient partis remonter la trace de Guillaume. Ils étaient vite revenus.
En effet, Guillaume avait rejoint la route goudronnée par laquelle Maurice nous avait amené le matin, puis il a marché deux kilomètres vers le sud et là, sa trace a subitement disparu.

La théorie la plus probable était qu'il serait monté dans un véhicule. Les loups-garous n'avaient trouvé aucun signe de lutte à l'endroit où la trace avait disparu, mais ça ne signifiait pas que quelqu'un n'avait pas abusé de la crédulité du jeune homme pour l'enlever.

Bien entendu, le service de renseignements de Victor avait ensuite cherché à localiser Guillaume. Sans succès. La dernière position connue de son téléphone était le village le plus proche, mardi à une heure vint du matin. Son ordinateur avait été mis à la disposition des loups-garous les plus doués en informatique. Ils avaient assez rapidement réussi à le déverrouiller et son contenu avait été fouillé, tout comme son historique internet et ses réseaux sociaux.

Rien d'intéressant n'avait été trouvé. En fait, strictement rien de compromettant pour l'adolescent. Il n'y avait aucune conversation archivée sur ses réseaux sociaux et ses publications étaient toutes parfaitement consensuelles, traitant de sauvegarder la nature ou relayant les événements du coin. Son historique internet était vierge de tout ce qui pouvait être propre à l'historique internet d'un jeune homme de dix-sept ans. Son ordinateur ne contenait aucun élément personnel. Pas de photo, pas de textes, rien.

Les informaticiens de la meute en avaient déduit, fin psychologues, qu'ils n'étaient pas les premiers à avoir piraté l'ordinateur de Guillaume, ou que ce dernier avait planifié sa fuite.

La population locale avait été interrogée, mais personne ne se rappelait quoique ce soit de particulier cette nuit-là Même pas un chien mal luné, ou une bagarre de chats. Ça avait apparemment été la nuit la plus calme du village depuis plusieurs dizaines d'années. En tout cas, c'est ce qu'avait conclu Victor dans un soupir.

Le Chant de la LuneWhere stories live. Discover now