Chapitre 2 - la meute du Lozère

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Sur le parking, il y avait deux 4x4 noirs semblables et floqués aux couleurs de la meute qui nous attendaient. Le rouge me monta aux joues quand je me rendis compte du nombre de curieux qui attendaient aux alentours en espérant voir passer un loup-garou connu.
Fort heureusement, l'alpha ne l'était pas. C'est l'oncle de Nathan, Marc Delorme, qui était le visage public de la meute et personne ne réagit avant que nous soyons entrés dans les voitures.

« Vous vous déplacez toujours de façon aussi... Visibles ? »

Ma question s'adressait à Maurice qui était monté dans la même voiture que Nathan et moi alors que Victor avait pris place, avec ses deux hommes, dans l'autre voiture.

« Non m'dame. En fait, nous n'utilisons les véhicules floqués que pour les sorties officielles. Je crois que si le chef a demandé qu'on les prenne aujourd'hui c'était pour être certain que, dans l'hypothèse probable où les vampires aient des espions dans le coin, ils soient bien tenus au courant du fait que Nathan était de retour sous notre garde.

– Ah, d'accord, c'est malin. 

– Victor est un garçon intelligent. »

Je levai un sourcil étonné au « garçon » utilisé par Maurice, mais ne relevai pas. Je notai pourtant l'information. Peut-être que Maurice était beaucoup plus vieux que son alpha. Qu'est-ce que ça m'apprenait sur les loups-garous... ? Aucune idée.

Je m'étais installée sur la banquette arrière avec Nathan. Maurice était donc seul à l'avant mais je constatais avec amusement qu'il me lançait régulièrement un regard via le rétroviseur central. Décidant de l'ignorer, je me laissais absorber par les paysages en train de défiler. Le trajet allait durer un certain temps. Je n'étais pas tout à fait sûre de la localisation exacte de la meute, même si c'était une information publique, car je n'avais jamais eu la curiosité de me renseigner. Je savais quand même, grâce au nom de la meute »du Mont Lozère« que nous nous rendions sur ce massif, ce qui indiquait un minimum d'une heure de route.
En me faisant cette réflexion je me dis que Victor était arrivé très rapidement suite au coup de fil de Maurice. Encore un truc à noter mais dont je ne savais que faire.

Je remarquais que j'étais très tendue et, autant pour m'occuper que par nécessité, j'entrepris de détendre chaque muscle de mon corps comme on me l'avait appris en sophrologie.

Je fus tirée de ma somnolence par la manœuvre brusque de la voiture s'arrêtant sur le bas côté, la portière de Nathan qui s'ouvrait à la volée et le bruit du pauvre garçon vomissant son déjeuner. Il n 'avait pas de chance ce petit, devoir vivre en Lozère et avoir le mal des transports c'était un peu comme être allergique aux platanes et vivre dans le sud de la France dans un infini printemps.

Ce n'est pas que le mal des transports. Le manque du sang de vampire peut aussi donner des nausées.

Ça avait l'air d'être une belle merde ce sang de vampire, je veux dire, au-delà de contribuer à transformer les gens en vampire. Je lançais tout de même un regard compatissant à Nathan lorsqu'il regagna la voiture et lui tapotais le bras. Il avait la peau glacée et moite. Je réprimais une grimace de dégoût. Pauvre petit.

« Nous sommes encore loin ? Demandais-je à Maurice pour essayer de détourner l'attention de Nathan.

– Non pas du tout ! Nous arrivons d'ici quelques minutes. »

Surprise, je regardais autour de moi. Je m'étais assoupie en essayant de me détendre, ce qui était une sorte de réussite critique, mais je n'avais donc pas du tout suivi le trajet. Nous nous trouvions sur des plateaux de granite assez représentatifs du Mont Lozère : de gros cailloux, des genêts, quelques vaches, une route étroite et sinueuse et une vue grandiose vers le sud. Impossible de déterminer avec précision où nous nous trouvions. Je ravalais ma frustration, la prochaine fois je ferai en sorte de ne pas m'endormir en chemin.

Très vite nous quittâmes la route principale pour un chemin de terre dont l'entrée était indiquée par un grand panneau indiquant qu'au bout de ce chemin se trouvait « La Meute du Mont Lozère, une authentique meute de loups-garous sauvages ! » Le panneau représentait un loup hurlant à la lune, sur fond bleu nuit avec les arbres de la forêt se découpant en ombres chinoises. Plus naze tu meurs.

Un petit rire m'échappa et je croisais le regard amusé de Maurice dans le rétroviseur. Il haussa les épaules et murmura « Il faut bien vivre. »

Le petit chemin descendait dans une vallée boisée au cœur de laquelle une éclaircie laissait place à de charmants petits chalets en bois, de capacités différentes, parmi lesquels se promenaient nonchalamment quelques gros chiens. Ces derniers regardèrent passer la voiture en remuant légèrement la queue, comme s'ils accueillaient l'un des leurs de retour chez lui. D'ailleurs, à y regarder de plus près, plus on s'approchait d'eux, plus ces chiens étaient bizarres...

« Salut Luc, salut Ed ! Cria Maurice depuis la fenêtre ouverte. Tout roule ? »

Les deux loups remuèrent la queue plus franchement et opinèrent la tête dans un mouvement très humain.
Je les regardais la bouche ouverte et les yeux écarquillés, ils étaient sublimes. Gigantesques, presque un mètre au garrot, de très longues pattes, une fourrure magnifique qui cachait un corps probablement musculeux à en croire leur démarche souple et légère. L'un était d'une couleur grise très classique pour les loups tandis que l'autre tirait plus vers le roux. Leurs yeux étaient du même jaune d'or que ceux de Victor lorsqu'il s'était énervé ce matin.

Les loups étaient incroyablement charismatiques et transpiraient la confiance tranquille du prédateur sûr de sa puissance.

Maurice continua sa route et nous arrivâmes à une barrière gardée par un homme qui portait une sorte d'uniforme vert foncé. Il aurait pu ressembler à un garde de l'ONF mais il ne portait pas de badges. Maurice s'arrête à sa hauteur :

« Salut Fred, je suis de retour avec le neveu de Marc et une invitée de Victor.

– Madame Petit ? Demanda le dénommé Fred.

– Oui, c'est ça.

– Ok, allez-y. »

La barrière se leva doucement, nous laissant nous avancer plus avant dans le bois.

« Les touristes ne passent pas la barrière, c'est au bout de ce chemin que vit réellement la meute. Le village de chalets est notre offre d'hébergement pour les visiteurs. Deux ou trois loups sont toujours de garde là-bas, ils amusent les enfants, impressionnent les adultes et veillent à ce qu'il n'arrive rien à personne. C'est une partie de ce qui fait la bonne image de la meute. C'est important.

– D'accord, merci pour l'explication. »

A nouveau son regard amusé dans le rétroviseur. Je lui souris.

Quelques minutes de cahotage plus tard nous arrivâmes en vue d'une gigantesque ferme fortifiée, le chemin arrivait sur la ferme par le nord et contournait le bâtiment massif, nous permettant de l'observer à loisir. Elle était vraiment immense, toute habillée de grosses pierres granitiques. Il n'y avait aucune ouverture sur la face nord. Le toit en lauze sur lequel poussait de la mousse donnait à cette construction la petite touche en plus qui en faisait presque quelque chose de féerique.

La face sud, par contre, avait un tout autre cachet. 

Le Chant de la LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant