[TOME 4]L'Amour du Temps

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LUKE

Je n'ai pas repris le poste de maître d'armes, et Annabella non plus. Elle ne le disait pas, mais je savais qu'elle avait peur de tuer quelqu'un dans une crise. Nous nous battions quand-même de temps en temps, entre nous, ou avec d'autres pensionnaires. 

Généralement, Annabella passait du temps avec Isaac et Lisa, les entraînant à utiliser leurs pouvoirs. J'avais remarqué qu'Isaac était plus puissant, et Lisa aussi l'avait remarqué. Elle en devenait un peu jalouse, même si la plupart du temps, Annabella essayait de les traiter de la même manière. Parfois, on voyait carrément qu'elle préférait Isaac. 

Le fils de Cronos l'appréciait aussi beaucoup : en fait, il l'admirait. Ce que je pouvais comprendre, qui ne l'aurait pas admirée ! 

- Il est fort, m'affirma Annabella un jour. J'ai peur que Cronos ne s'en prenne à lui.

- Physiquement ou mentalement ?

- Comme il s'est appliqué à me rendre folle, ces dernières années. Envoyer des rêves, faire des compromis, des promesses en l'air, menacer, répondit-elle. On sait tous les deux de quoi il est capable. 

Je pinçai les lèvres. J'en savais effectivement quelque chose. Peut-être que nous étions tous les deux les personnes les mieux placées pour parler de ça. 

- Et pour Lisa ? demandai-je. 

- Lisa ? répéta-t-elle. 

- Lisa, continuai-je. Ton père s'en prend aux gens aigris, comme moi. Tu te rappelles ? Il s'est servi de la cause pour m'avoir. Et tu vois bien que Lisa est tout le temps grincheuse, quand, avec Isaac...

Les pièces du puzzle semblaient s'assembler dans la tête d'Annabella, ce qui lui donnait un visage plutôt intéressant. 

- Le pouvoir, fit-elle en pâlissant. C'est notre défaut fatal. Il veut l'avoir comme ça. Lui promettre le pouvoir. Elle ne va pas résister. 

Nous nous regardâmes en comprenant, au même moment. Elle avait été bizarre, dans le genre plus que d'habitude, depuis deux jours, et nous venions seulement de comprendre pourquoi. Elle allait partir. 

- L'identité des deux, grogna Annabella. Parce qu'elle est une traîtresse, et Isaac est des nôtres... Cronos reviendra quand on s'en rendre compte. 

Nos regards se tournèrent vers la colonie, derrière nous. Nous étions alors près du lac. En même temps, nous nous mîmes à courir. Annabella était paniquée, alors j'essayais de garder mon calme. Il fallait bien que l'un de nous deux ait la tête froide. 

Elle débarqua au centre de la colonie. 

- Où est Lisa ? cria-t-elle. 

- Annabella... fit une petite voix.

Elle se tourna vers Isaac en même temps que moi. Un hologramme flottait au-dessus de sa tête, et je vis Annabella prendre de grandes inspirations pour se calmer. 

- Cet enfoiré, jura-t-elle en frappant un mur. Il en profite pour les revendiquer ! Je vais lui arracher la tête, avant qu'il arrache la mienne !

Je lui saisis les poignets pour l'immobiliser, mais elle se défit de mon emprise. Comme la petite tornade qu'elle était, elle se mit à hurler des paroles sans aucun sens, de tous côtés. Au final, elle s'immobilisa, et se tourna vers moi. 

- Cette petite, me dit-elle. Je vais lui arracher les yeux, les bouillir, et les lui faire manger. 

- Est-ce que tu disais la même chose de moi ? tentai-je de plaisanter. 

- Avec toi, c'était pire, grogna-t-elle. Il faut qu'on aille voir Chiron et M. D.. Si elle a disparu, on sait ce que ça veut dire.

- C'est qui, elle ? demanda Teresa, qui passait apparemment par là. 

-Lisa, lâcha Annabella. Cette petite conne est une traîtresse, elle est avec Cronos. Et maintenant qu'on a la certitude qu'Isaac et elle sont ses enfants, ça veut dire qu'une partie de la prophétie s'est réalisée, et que mon père est de retour. 

Suite à cette annonce, les conseillers-en-chef se réunirent à nouveau, cette fois-ci pour savoir comment le sacrifice devait être réalisé. D'après Annabella, cela signifiait qu'elle devait se sacrifier d'elle-même, mais d'après Clarisse, ça voulait dire qu'on devait la jeter dans la gueule du loup. Je maintenais quant à moi, que Lisa aussi était la fille du temps. 

- Comme si elle allait se sacrifier, cracha Annabella. 

ANNABELLA

Je ne savais plus quoi faire. J'avais localisé quelques entrepôts qu'il allait falloir surveiller, puisque les troupes de Cronos allaient certainement s'y établir. Nous connaissions ses objectifs. Nous savions déjà beaucoup de choses, et il nous manquait juste le plus important. 

Après sa revendication, je redoublai d'efforts avec Isaac. Quelque part, il me faisait un peu penser à Julian. Pas dans son apparence physique, mais dans la manière d'être.

- Tu te sens bien ? lui demandai-je après lui avoir appris de nouvelles astuces pour battre quelqu'un rapidement en duel à l'épée.

- Ouais, fit-il en se tordant les mains. 

- Tu t'inquiètes ?

- On va vraiment partir en guerre ? soupira-t-il. 

Je le serrai contre moi.

- Tu vas t'en sortir. Mais il y a autre chose, hein ?

Il passa une main dans ses cheveux, semblant hésiter. 

- C'est plus personnel, hésita-t-il. Toi, avec Luke, tout est tellement simple et normal...

- Luke et moi, on se connait depuis des années, fis-je remarquer. 

- Je voyais ça autrement, continua-t-il. Enfin... je crois que j'aime les garçons. 

Je pense que rien n'aurait pu me faire plus plaisir. J'étai certainement la première personne à qui il se confiait, et c'était énorme, ce qu'il me faisait. J'en étais plus qu'honorée. 

- C'est génial, déclarai-je. Est-ce que... Tu as peur ?

- Je vois comment c'est, parfois, pour Nico et Will, dit Isaac. Et, j'ai peur qu'on se moque de moi.

- Il faut que tu t'en amuses. Cultive tes différences, et tu verras que les gens ne te le feront plus remarquer. Et crois-moi, la plupart des gens ici sont tolérants, il y a juste Drew, parfois... 

Je grimaçai. Il avait compris où je voulais en venir. 

- Merci, sourit-il. 

- C'est normal, fis-je en emmêlant ses cheveux. 

Il s'éloigna ensuite, et je rejoignis Luke avec un soupir. Il me serra contre lui. 

- Il est de retour, soufflai-je. Je n'arrive pas à y croire. 

- Moi non plus, répondit-il. Je ne veux pas y croire.