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ANNABELLA

- Vous n'avez pas fait ça ? rit la jeune femme.

- Et comment que je l'ai fait ! m'exclamai-je. Comment voulais-tu que je me retienne ?

- C'est vrai que c'était bien trop tentant, approuva Luba. Mais quand-même, c'était osé.

- Le coach Hedge leur a interdit de se retrouver seuls tous les deux après ça. Je me suis senti légèrement coupable.

- Même si c'était excellent ? sourit-elle.

- C'est mon lot de consolation, ris-je. Si tu avais vu leurs têtes ! Au moins, je ne suis pas une inconnue. Je connais Percy depuis à peu près six ans, presque sept même, et Annabeth depuis dix ans. Ils sont un peu ma famille. En fait, me corrigeai-je, ils sont littéralement ma famille.

- Comment faites-vous pour vous en sortir ? demanda Luba avec une lueur admirative dans le regard. Sérieusement, si il y avait autant de personnes dans ma famille...

- J'ai abandonné ma raison en chemin, souris-je. Et je t'en supplie, tutoies-moi.

- Vous êtes la Suprême, rappela-t-elle.

- Je me vois plus comme une sorte de régente en attendant la prochaine Suprême.

Elle rosit légèrement et ajouta :

- Vous... Tu es la personne la plus puissante que je connaisse, et pourtant, au Château, je vis entourée de personnes puissantes.

- Et ce n'est pas ce qui fait de moi quelqu'un de recommandable, soupirai-je. Je suis heureuse de voir que vous avez accepté de dîner en ma compagnie.

- Je ne pouvais pas refuser, dit-elle.

- Vous pouviez, assurai-je.

- Pardon, rit-elle. Je ne voulais pas refuser.

J'ai senti mes propres joues me brûler, me trahissant, et son sourire s'est fait plus éclatant. Encore une fois, je me suis rendue compte d'à quel point elle était belle. Ses cheveux reflétaient la lumière des lampes, et lesdites lampes rendaient son sourire encore plus brillant. Je l'avais observée toute la soirée, et je connaissais la plupart de ses mimiques et habitudes. Son nez se plissait quand elle souriait, elle avait ce frémissement de la narine dès qu'elle riait, elle pinçait souvent les lèvres en me regardant, comme si elle retenait un sourire... Souvent, elle frottait l'ongle de son auriculaire avec son pouce.

Nous sommes rentrées au Château en marchant côte à côte. Nous riions, et sa compagnie m'était de plus en plus plaisante. J'arrivais presque à savoir ce qu'elle allait dire avant qu'elle ne le prononce, et je m'amusais à terminer ses phrases sous son air surpris.

Soudainement, une femme cria :

- Vous !

Son cri était presque animal, il tenait plus du rugissement. C'était une démone, et elle s'est littéralement jetée sur moi, à corps perdu. Comme un réflexe, un rayon doré s'enroula autour de mes doigts avant de se projeter vers l'attaquante. Luba leva un bouclier autour de nous.

Le corps de l'inconnue s'affaissa, agité de soubresauts, mais finit par s'arrêter. Le silence se fit dans la rue, encore fréquentée à cette heure. Personne ne l'avait vue arriver. Les boucliers de Luba s'abaissèrent, et j'ai reculé de quelques pas.

- Skaïpra...

Les mots se sont échappés d'entre ses lèvres, comme un dernier soupir. C'en était un. Elle était morte. Je l'avais tuée.

Là où le premier instinct de Luba avait été de me protéger, le mien avait était de tuer. Je méritais le nom qu'elle m'avait donné. Skaïpra, la Reine du Sang.

[TOME 4]L'Amour du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant