- Et moi donc, soupirai-je tout en cachant le sourire noir qui menaçait de s'afficher sur mes lèvres.

- Il faut qu'on discute, déclara-t-elle en posant son journal.

- On va discuter comme une mère et une fille? demandai-je cyniquement. Ça n'est jamais arrivé, je crois.

- Et tu sais très bien pourquoi.

- Est-ce que tu vas encore rejeter toute la faute sur moi ? demandai-je. Ou est-ce que pour une fois, tu vas assumer ta part de responsabilité, maman?

A ma grande surprise, elle a enfoui son visage entre ses mains et soupiré. 

- J'ai fini par comprendre, Annabella. Et laisse-moi finir, prévint-elle en m'agitant un doigt sous le nez, je te vois déjà ouvrir la bouche. J'ai passé de longues années au Château, après que tu m'aies ramené. Je t'ai beaucoup observée, et je n'arrêtais pas de me dire... Que ce n'était pas possible. Ma fille ne pouvait pas avoir accompli tout ça ! J'étais tellement fière de toi, Annabella, et je le suis toujours. Les premières années où tu m'as connue, après que ton père ait disparu...

- Ne l'appelle pas comme ça.

- Quoi ? s'étonna-t-elle.

- Ne l'appelle pas "ton père". Ce qu'il a fait n'avait rien de paternel.

- Oh, bien. Tu l'appelles papa, pourtant.

- Ironiquement.

- J'aurais du m'en douter. Alors, après que Cronos ait disparu, je me suis laissée aller, je le reconnais. Entre alcool et cigarettes. Mais parfois, je n'avais plus conscience de mes mouvements, et ça n'avait rien à voir avec le fait que j'étais saoule presque tout le temps. C'était autre chose, comme si... Comme s'il ne restait qu'une part de moi.

- Une mania... murmurai-je.

- Comment ? demanda-t-elle.

- Ce sont des esprits devenus fous, expliquai-je. L'ombre de soi-même, la pire partie de la personnalité. C'était comme si tous tes doutes et tes peurs s'étaient personnifiés.

Elle a froncé les sourcils.

- C'est maléfique, ça, non ?

- Et comment, soupirai-je. Ce sont des débris, et Gaïa en avait utilisé une pour essayer de rallier Jason Grace à sa cause. Ça n'a heureusement pas fonctionné. Et le père d'une amie... Bref.

- Tu viens de me traiter de débris ? a-t-elle souri.

- Entre autre, répondis-je.

- Je suis désolée, souffla-t-elle. Pour tout ce que j'ai pu te faire.

- C'est la première fois qu'on discute sans essayer de s'étriper, fis-je remarquer.

- Et tu trouves ça comment ?

- Mieux. J'aurais des problèmes avec la justice, si j'étripais tous ceux qui osent m'adresser la parole, plaisantai-je.

- J'apprécie ta maîtrise, déclara-t-elle.

J'éclatai de rire. Je découvrais ma mère sous un autre jour, je me rendais compte qu'elle me ressemblait plus que je ne l'avais imaginé, aussi bien physiquement que mentalement. Ou peut-être que c'était moi qui lui ressemblait, finalement.

- Dis, demandai-je en prenant une gorgée de mon café, pourquoi tu as coupé les ponts avec ta famille ?

- J'ai rencontré ton père peu après mon retour sur Terre, et je savais que mon père désapprouverait ma relation. Alors j'ai préféré rester loin. Quand je t'ai eue... Tu sais ce que je suis devenue.

[TOME 4]L'Amour du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant