tome 3 - Chapitre 87

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- Quoi ? Non, dit-il en se cachant la joue. C'est juste... Chloé. La brunette, ajouta-t-il devant mon air perdu. Elle m'a embrassé. Elle embrasse trop bien, c'était... génial. Mais ensuite, je me suis souvenu qu'il était mieux pour moi arrêter de mentir, et j'ai dit être Télio. C'est la petite amie de Seth. Ensuite, elle m'a giflé.

- T'es tellement con, soupirai-je en levant les yeux au ciel.

- Bah, c'est pas de ma faute ! Je savais pas, moi, que Seth avait une petite amie ! Sérieux, tu le savais, toi ?

- Non, avouai-je.

- Quand elle m'a vue, elle a demandé si j'étais Seth. J'ai dit oui, dit-il dans un haussement d'épaules. Et c'est elle qui m'a embrassé. Sinon... c'est quoi, la mission ? demanda-t-il, embarrassé.

- Sauver Riley. Il a fugué.

- Oh, le con...

- C'est dans nos gênes, il faut croire.

- Il est parti chez le vieux ?

- Apparemment. Faut le sortir de là. Viens.

Télio hocha platement la tête. Il retira les souliers qu'il avait au pied et les abandonna dans le milieu du chemin.

- Je n'aurais pas dû dire qui je suis, grogna-t-il. Je serais encore là-bas et tu ne m'aurais pas retrouvé.

- Karma, Télio, le karma !

- OK, plus de mensonge ! dit-il dans une grimace. J'ai assez donné.

Télio se transforma en hibou et prit de l'altitude en quelques battements d'ailes. Je me transformai à mon tour en chauvesouris, puis suivis mon clone dans le ciel. Nous arrivions tous juste d'une longue route depuis la cité Digora, et il fallait encore que nous en fassions une autre, tout aussi longue, dans la direction opposée. Ce sera une longue journée...

En deux pauses et quatre heures de vol supplémentaire, nous étions arrivés devant la grange du vieux. Je me transformai, puis me laissai tomber dans l'herbe pour une dernière petite pause avant l'action. Télio me regarda du coin de l'œil, intrigué, avant de s'assoir devant moi.

- Qu'est-ce que tu fais ? On est arrivé ; il faut passer à l'action.

- Je suis juste... tellement tanné, soufflai-je. Ça devait être fini, tout ça !

- Relaxe, Miö, dit Télio en levant les yeux au ciel. C'est juste Riley, pas un troisième village entier à sauver. On le sort de là, et c'est tout.

- Ouais, mais le vieux ? Et si Riley continu a fugué, par après, pour venir ici ?

- Pas s'il vient vivre à la cité avec nous ; il ne saura pas sauter le mur.

- Mais les portes du mur seront ouvertes. C'est Tom qui l'a dit. Tu sais, Tom le roi ? (Télio ne répondit rien, à court d'arguments.) Il faut tuer le vieux. Au moins, on sera assuré qu'il ne pourra plus faire de mal à Riley, ni à je ne sais quel clone il reste encore dans la nature, qui s'amuse à rôder autour.

- Le tuer ? dit Télio dans une grimace. Un pauvre vieux monsieur... qui est, techniquement, notre père ?

- Un pauvre vieux monsieur qui, techniquement, a tué une bonne vingtaine de ses fils. Et qui va continuer, s'il en trouve d'autres.

- Si seulement il était déjà mort, quand je l'avais poussé dans les escaliers, soupira Télio. Ç'aurait été plus simple. Lève-toi, grosses fesses, faut sauver le minou.

- Grosses fesses toi-même.

Je me levai, époussetant les brins d'herbe qui étaient restés accrochés à ma combinaison pendant que Télio me faisait des grimaces, puis marchai vers la maison. Plus j'avançais, plus le stress montait. J'étais entré deux fois dans cette maison, et à chaque fois, ça ne s'était pas bien terminé pour moi. La dernière fois, surtout. Je m'étais fait avoir par le vieux ; j'avais ensuite passé plusieurs heures coincées sous ma forme de chauvesouris, et sous son intelligence quasi nulle, aussi. Le vieux m'avait littéralement transformé en torchon inutile. Et c'était certainement ce qu'il avait fait avec Riley, en ce moment même.

Je pris une grande inspiration, essayant de retrouver un peu de courage, puis passai la porte, secondé par Télio.

- Riley ! appela Télio.

- Chut, t'es con ! m'énervai-je en lui donnant un coup de coude dans le ventre. Il ne répondra pas.

Juste pour me contredire, un miaulement se fit entendre, faible, sous nos pieds. Télio me rendit le coup de coude dans les côtes, puis me dépassa pour arriver le premier à la cuisine, où il y avait la trappe menant à la cave. Comme la première fois que j'étais venu, la trappe était ouverte, juste assez pour laisser passer un petit chat. Télio essaya de soulever la trappe, grognant sous l'effort, sans arriver au moindre résultat.

- Riley ! appela à nouveau Télio, ignorant mon regard noir. Viens, c'est nous ! Miö et Télio ! Allez, sort de là !

Cette fois, Riley ne répondit pas d'un miaulement. Seul le silence nous répondit.

- Tu entends le vieux, quelque part ? me demanda Télio.

Je haussai les épaules en secouant la tête. Je n'entendais rien, mais justement, la première fois, je ne l'avais pas plus entendu. Tellement que Sammy et moi avions cru que le vieux était en fait un fantôme.

- Bon, j'y vais. T'as qu'à monter la garde.

Télio hocha la tête à contrecœur ; sa forme de hibou était peut-être assez petite, mais il n'avait pas la coordination pour se faufiler dans l'ouverture. Il était fait pour voler, pas pour ramper. Moi, j'étais plus ou moins dans le même bateau, mais j'étais tout de même capable d'avancer à quatre pattes, pour passer par l'ouverture. Aussitôt fait, je me transformai à nouveau, accroupi sur la première marche de l'escalier, puis regardais dans chaque recoin de la pièce. Les lits, les aquariums qui nous avaient fait naitre, les instruments médicaux sur les comptoirs... Tout ça me donnait des frissons dans le dos.

Je descendis lentement les escaliers, une marche à la fois. Arrivé en bas, j'explorai la place, les sens en alerte. J'essayai d'ignorer les aquariums, cherchant d'autres indices de la présence de Riley. Mais cette pièce n'était pas si grande que ça, et j'avais rapidement fait le tour. Il n'y avait rien.

En passant près d'une large planche de bois adossé au mur, je sentis un léger courant d'air sur mon bras. Je plissai les yeux, regardant la planche, puis l'attrapai pour la repousser légèrement. Caché derrière, il y avait une porte. Je repoussai complètement la planche puis passai dans la nouvelle pièce. Cette fois, il ne me fallut pas longtemps pour trouver enfin Riley.

Dans cette pièce, pas plus grande que l'autre, il n'y avait que des lits. Sur le premier, devant moi, il y avait un petit chat roux rayé, une perfusion dans la patte. Un liquide bleuâtre s'immisçait lentement en lui, alors que Riley semblait complètement dans les vapes.

Je fis un pas vers lui, mais au même moment, je me rendis compte de la présence du vieux, de l'autre côté du lit. En croisant mon regard, son sourire s'illumina. Il se leva de sa chaise pour m'approcher, mais je levai aussitôt les poings en signe d'avertissement.

- T'approches pas, le vieux, ou je te tue.

- J'aime pas quand tu m'appelles le vieux, dit-il en faisant la moue, ignorant complètement ma menace. Tu sais que tu peux m'appeler papa, je te le répète tout le temps !

- Et moi, je te dis de ne pas m'approcher ! hurlai-je alors qu'il faisait un pas de plus. Recule !

- Ou sinon quoi ? dit le vieux dans un air d'ennuis. Tu vas me tuer ?

- Oui, m'énervai-je. Exactement.

- Ah, soupira-t-il. Bravo. T'es de corvée. Et n'essaie pas de faire comme si tu ne le méritais pas ! C'est malpoli, ce que tu me fais.

Je baissai les poings, que j'avais toujours aussi serré. Ce vieux sénile me tapait sérieusement sur le système. Ça me faisait un peu mal d'en finir comme ça, mais il n'y avait pas moyen d'y aller à la loyale avec lui, il ne voulait rien comprendre. Alors, à bout de nerfs, je lui balançai le poing en pleine mâchoire.

Là, il aurait dû s'effondrer, sans toujours comprendre ce qui se passait. Il m'aurait ordonné de préparer le diner, sans faire plus de cas. Malheureusement, il avait bien compris la menace depuis le début, et il était prêt. Il évita agilement mon coup de poing et, d'un même mouvement, m'enfonça une seringue dans le cou.

Admirez le glorieux héros que je suis, se faire botter les fesses par un petit vieux. Je n'eus même pas le temps de hurler le nom de Télio, ne produisant qu'un faible « Tel... ooooh » avant de m'effondrer au pied de mon papa.

Miö (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant