Les Enfants du monde souterrain

Le Tunnel de lumière

Le Lapin de sable fut attablé dans la salle à manger en compagnie d'autres invités. Tous portèrent une armure brillante surmontée d'une cape noire, une tête d'animal à la place de celle d'un humanoïde. La grosse bête verte fit honte aux autres convives de part son apparence monstrueuse et  son absence de tenue de soirée. Mais ce ne fut pas le sujet de discussion des hybrides qui furent en train de manger d'importantes masses de viande. L'invité à tête de dragon planta ses crocs géants dans un rôti noir. Celui à tête d'aigle baissa la tête dans son assiette afin de casser la coquille des œufs pour en boire le jaune. L'hybride à tête de bœuf rongea un morceau de steak, dont la graisse dégoulinante s'écoula dans un pichet de lait, tandis que le convive à tête de loup croqua bruyamment dans ses saucisses.

L'invité à tête de chien et celui à tête de lézard léchèrent leurs assiettes en se tenant la main quand le Lapin de sable se tourna vers le spectateur qui observa la scène. Sa voix décharnée lui dit :

_ "Viens manger avec nous sur la table !"

Entendant cela, tous les convives tournèrent la tête vers le témoin de la scène, le fixant avec leurs yeux verts luisants. Le spectateur ne bougea pas alors que son cœur battit rapidement. Fâché qu'il ne vienne pas, l'hybride à tête de poisson vint le chercher. Le spectateur ne réussit pas se défendre et fut emporté. Il ne sentit pas le choque de la table lorsqu'on le lâcha dessus, mais vit ses frères et sœurs étendus sur des plateaux en argents. 

Nathaniel se réveilla en sursaut dans son lit. Sans attendre, il se redressa et regarda dans la chambre s'il n'y eut personne. À part ses frères, aucun intrus fut présent. Seule anomalie, sa peluche cheval fut au le sol. Nathaniel se pencha pour la rattraper, elle eut toujours ses trois pattes. Malgré les efforts de sa mère pour lui expliquer, pendant qu'elle recousit le trou laissé par l'absence du membre, l'arrachement accidentel de la patte, Nathaniel persista à croire qu'il s'agit du Lapin de sable. 

Nathaniel serra son cheval sans nom contre lui et essaya de se recoucher. Il s'allongea sur le lit mais se releva directement lorsqu'il entendit un craquement, probablement causé par les murs du manoir. Il ferma les yeux à nouveau mais l'horloge du couloir sonna minuit. Cela réveilla quelque peu ses frères qui se rendormirent aussitôt. Pour Nathaniel, sa mère n'alla pas tarder à rentrer. Alors il décida de se lever et de rejoindre sa chambre. Il ouvrit doucement la porte pour ne pas réveiller Wilhelm et partit dans le couloir. Une fois à l'extérieur, il courut jusqu'à la chambre de sa mère. 

Bien que vide, il fut très vite effrayé par le silence pesant du couloir et se colla contre la porte de la chambre maternelle. Toujours fermée, il regretta rapidement d'avoir quitté son lit lorsqu'il fut saisi par la peur et le froid. Peut-être eut-il dû attendre plutôt que de rester dans le couloir à la vue d'un certain croque-mitaine. Il s'appuya contre la porte, celle-ci s'ouvrit. Nathaniel tomba sur le sol de la chambre. La tête tournée vers le plafond, il se réjouit de l'ouverture de la porte. Il se mit rapidement sur ses jambes et la ferma pour bloquer les parasites de la nuit que craignent les enfants.

Cela fait, il courut jusqu'au lit et sauta pour atteindre le haut. Mais le lit fut trop haut pour qu'il y monte. En effet, sa mère disposa d'un grand et large lit mais également très haut. C'est elle qui aida ses enfants à monter pour qu'ils puissent dormir avec elle. Le petit garçon sauta plusieurs fois pour essayer d'atteindre le sommet, s'agrippant aux draps pour soutenir sa prise, mais finit par abandonner, fatigué par ses efforts. Il réfléchit un léger moment sur le sol puis se mit à la recherche d'un promontoire pour s'aider. Il balaya la chambre en détail jusqu'à ce que son regard se pose sur un coffre à côté de la commode de sa mère. Il s'approcha de l'immense boite et constata qu'il fut entrouvert. 

Que put contenir ce coffre inconnu ? Et bien Nathaniel ne réfléchit pas une seule seconde et souleva le haut du coffre pour regarder. Des morceaux de tissus et des livres furent disposés dans le coffre. Rien d'intéressant finalement. Le petit garçon ferma complètement le coffre et chercha après ses poignets. Dès qu'il en trouva une, il la saisit et tira dessus de toutes ses forces. Bien trop lourd pour lui, le coffre ne bougea pas d'un pouce malgré les efforts de Nathaniel. Mais le garçonnet n'abandonna pas et continua de tirer. Et c'est au bout de plusieurs secondes à reculer dans tous les sens que le coffre se décala de quelques centimètres du mur. Mais à bout de force, Nathaniel lâcha et s'effondra, à bout de souffle.