Miö (En Réécriture)

Chapitre 74

- Moi, je trouve que ça sonne bien, dit Télio qui avançait derrière nous alors que nous passions les premiers arbres de la forêt. C'est quoi, cette histoire d'Edmund et de lampe torche ? Je connais pas.

- Un classique, sept histoires, trois films... marmonna Math.

- Si y'a sept histoires, pourquoi seulement trois films ?

- Ah, ça, c'est l'un des grands mystères de la vie.

Télio n'insista pas, peut-être à regret en réalisant qu'il ne pourra peut-être plus jamais infiltrer le cinéma de Digora. Nous continuâmes notre route lentement, en silence, alors que Télio répondait à tous les chouettes et hiboux qui passaient par là ; c'était peut-être pour la simple raison que Télio était là, mais ils semblaient être particulièrement nombreux. Ce qui me rendait assez mal à l'aise, car les hiboux se nourrissaient parfois de chauvesouris.

Il nous fallut finalement un peu plus de quinze minutes pour trouver la rivière. Une fois arrivé, je bus à ma soif, puis me couchai à même le sol, sur l'herbe, puis sifflai pour attirer ma chère Bernadette, qui n'était surement pas trop loin. Mais en entendant Télio dire toute sorte de mots doux, seul dans son coin, et que je tournai la tête pour le voir, une chouette effraie – et effrayante – perché sur son genou, en face de lui, je compris qu'aucune chauvesouris ne se risquera à nous approcher cette nuit.

- T'as vu ça, murmura Math qui s'était installées un mètre plus loin, qui regardait lui aussi Télio dire à la chouette comment elle était mignonne en flattant ses ailes. Je rirais plus jamais de toi et de tes chauvesouris, promis.

- Je suis pas aussi bizarre que ça, avec mes chauvesouris ?

Math tourna la tête vers moi, grimaçant.

- Si, dit-il à regret. Vous êtes aussi bizarre l'un que l'autre. C'est juste l'espèce qui change. Toute façon, faut avouer que les chouettes – même les chouettes effraies – sont bien plus mignonnes que tes chauvesouris.

Je grognai, ne trouvant plus quoi dire là-dessus, puis me couchai, tournant le dos aux autres pour ne plus les voir.

J'étais sur le point de m'endormir, bercé par les sons d'animaux nocturnes tout autour de nous. Je fermai les yeux, glissai les mains sous ma tête pour m'en servir d'oreiller. Ça allait surement finir par me faire mal, mais il valait mieux avoir mal aux mains qu'au cou.

- Eh, Miö ? murmura Math un peu plus loin. Tu ne m'as toujours pas dit ce que c'est, le plan.

J'ouvris les yeux en soupirant. Le plan. Pourquoi fallait-il toujours que ce soit moi qui le trouve ?

- Quel plan ? demandai-je.

- Bah, tu sais... C'est beau de faire le rebelle de la société, mais tu survivras pas longtemps en dehors de Digora. Qu'est-ce que tu vas faire ?

Je fermai à nouveau les yeux.

- J'en sais rien, murmurai-je tout bas. On verra demain, OK ?

Math marmonna un « Mmh, mm », sans grande conviction. J'avais cette désagréable impression qu'il était convaincu que j'allais mourir à la fin de l'histoire. Et moi aussi.

Le lendemain, je fus le deuxième réveillé. La chouette de Télio s'était envolée, une chauvesouris s'était donc risquée à m'approcher, pour s'endormir au creux de mon épaule. Je me relevai doucement, prenant la petite boule de poil pour la poser au sol près de moi. Elle étira une aile, puis l'autre, en bâillant. Je l'observai attentivement, vérifiant ces petites particularités qui la différenciaient d'autres espèces de chauvesouris. Pas de doute, c'était Bernadette, ou au moins la même espèce.