II. première partie

2.2K 140 2
                                    

Point de vue de Sophia

Jeudi 7 Décembre

    Années après années, j'ai rêvé du plus profond de mes nuits enfantines à revenir, ici sur ma terre natale. Mais revenir après tout ce qu'il s'y étais passé, tout ce que j'ai su et que je n'ai pas vu de mes propres yeux, tout ce que j'ai entendu des fines lèvres gercées de ma mère. Ses mots marqués à jamais dans ma mémoire avant que je m'effondre au sol en pleure et qu'elle ne me rejoigne. J'ai cette impression que cet instant a duré des heures, des jours et peut être même plus, c'est assez flou, à vrai dire je n'avais plus aucune notion, je ne voyais plus, mes yeux étaient ternis par mes larmes, mes mains tremblaient je le sens encore en moi et mes oreilles bourdonnaient en se répétant ses mots.

Mon supplice a continué les nuits suivantes, ses mots se répétaient, mais aussi et surtout les derniers instant en compagnie de mon père, tous d'autant plus mémorable, mais qui aujourd'hui ne sont considérés que comme un tissu de mensonge. Un vulgaire masque de tirades toutes plus fausses qu'il a porté et qu'il semble encore avoir à l'instant même, tandis qu'il se dirige vers moi, mes pensées partent et je ne peux lui rendre ce sourire si insignifiant et banal qu'il aborde. Je veux simplement courir à la vue de cette marque de tendresse, loin de cette mascarade, partir et ne plus le revoir.

Pourtant je suis là, figée, assise à le fixer à me demander pourquoi je suis revenue, pourquoi je lui ai téléphoné, pourquoi j'ai voulu le voir.. Toutes ses questions me prennent évidemment de cours, quand il se pose finalement en face de moi et son regard, son sourire me ramène quelques instant plus tard sur cette chaise quoique confortable mais qui me semble totalement dure et froide en l'instant même. Et mes songes deviennent plus clairs, lorsqu'il lève sa main, ses doigts se rapproche dangereusement de mon visage et je ne peux que reculer face à cet inconnu, qui se trouve malheureusement être mon père biologique.

- Qu'est-ce que tu fais là? je souffle, suite à son geste que j'ai rejeté, mais au final je crois que celui-ci reflète aussi sa simple présence face à moi, même si cette interrogation n'a pas de sens, puisque c'est moi qui lui est demandé de venir. il sourit simplement et seulement, il sourit et alors que j'essaie de comprendre, l'instant suivant il pose ses yeux sur le menu et l'attrape pour le consulter. ma demande ne semble rien lui faire, comme-ci je n'étais qu'insignifiante et que je ne méritais même pas son attention. ou bien est-il devenu muet? ou bien complètement amnésique? ou juste débile?

Je n'arrive à savoir si il a vraiment changé, bien qu'il soit certain que oui, mes souvenirs me font faux bons et je ne peux leurs en vouloir, car il y a bien longtemps que j'ai souhaité l'oublier. J'étais encore jeune à l'époque, je ne faisais même pas un mètre, je souriais, j'étais insouciante, totalement naïve et pleine de vie, je courrais partout. Puis un jour je me suis effondrée et comme tous les enfants il arrive un moment où on perd toute cette naïveté, pour ma part je l'ai enterré le jour même où il nous a abandonné. Pire que la mort, pire que la maladie, il a souhaité nous laissé, il n'en a pas été contraint et je crois que c'est pire que tout, bien que le reste soit déjà horrible, se faire renier sans raison apparente est le plus douloureux. Je peux encore en sentir les effets, les fragments brisés, depuis ce jour toujours éparpillés en moi, qui se cognent à mes quelques brides de souvenirs joyeux avec lui. Ils prenne le dessus et me rappelle qui il est vraiment: un monstre, à part entière.

Cela doit faire quelques minutes qu'il est là, devant moi, sur cette chaîne avoisinant la mienne à regarder la carte du restaurant, tandis que je suis encore perdue loin dans mes pensées, je ne me comprends pas. Et mon seul souhait, ma seule échappatoire est d'envoyer tout valser, de lui dire ses quatre vérités sur ce qu'il nous a fait à nous, sa famille et de partir loin pour ne plus jamais revenir mettre les pieds ici. Sauf que se serait trop simple, se serait abandonné et ce n'est pas dans mes habitudes et encore moins dans mon éducation maternelle, je dois lui faire face, je dois lui parler, m'expliquer et avancer. Marcher fièrement dans cette ville qui a été autrefois mienne, pour lui prouver que je peux de nouveau vivre ici sans lui, comme on en a eu l'habitude ces dernières années. Mais cette fois-ci il va le voir de ses propres yeux et j'espère bien qu'il va le regretter, parce que je vais lui faire passer le goût du sang pour l'amertume de toutes ces fois où il m'a promit tant de choses. Il va le regretter et s'en mordre les doigts pendant que je vais succomber à toute chose ne l'incluant au grand jamais.

Christmas ContractOù les histoires vivent. Découvrez maintenant