Une fois rassasié, je sortis de la serre par la même ouverture dans le plastique et m'envolai à nouveau pour aller tout droit chez Debbie. Je savais que, pour faire un peu avancer les choses vers ma cause, Math et son père Tom étaient ceux qu'il me fallait. Mais pour l'instant, Debbie était plus importante. Ça faisait beaucoup trop longtemps que je ne lui avais pas parlé.

Je me posai sur le rebord de la fenêtre de sa chambre comme je l'avais fait si souvent et frappai doucement le verre de ma griffe. Je ne la voyais nulle part dans la pièce, mais je me rendis compte que c'était parce qu'elle était ensevelie sous les couvertures de son lit. Je pensais aussitôt à partir, mais c'était trop tard, car elle en ressortait déjà. Elle m'ouvrit la fenêtre en bâillant, me laissant une belle vue de l'intérieur de sa bouche, et j'entrai en me transformant.

— Salut ! dis-je en souriant. Et désolé, je voulais pas te réveiller... si j'avais remarqué que tu dormais, je serais repassé, heum... demain matin ?

— Ça va, je suis contente que tu sois là, dit-elle en secouant la tête. Et je préfère que tu viennes maintenant que demain matin. Mais je suis étonné que tu ne sois pas venu plus tôt.

— J'étais... occupé, dis-je maladroitement.

— Des rumeurs courent, dit Debbie en perdant son sourire. Dis-moi que c'est faux, s'il te plait.

— Qu'est-ce que t'as entendu ?

— Que Télio et toi, vous avez tué le roi.

Je secouai la tête à mon tour, le moral dans les orteils. J'allai m'assoir sur le lit, glissant mes pieds sous les couvertures. Debbie s'installa en face de moi, les bras enroulés autour de ses jambes.

— C'est Télio qui a tué le roi, je n'y suis pour rien, dis-je platement.

— C'est ce que je pensais, souffla Debbie.

— Mais je l'ai aidé à se sauver. J'aurai pu l'attraper et le livrer au garde ; il était là, à mes pieds. Mais je l'ai poussé vers la fenêtre.

Debbie garda le silence un long moment. Je baisai les yeux, ne pouvant supporter son regard plein de honte à mon égard.

— Je vois, dit-elle enfin. C'est parce que c'est ton jumeau, tu ne pouvais pas accepter l'idée de l'envoyer en prison, malgré tous ces défauts.

— En partie, marmonnai-je. Mais c'est surtout pour ce qu'avait dit le roi, juste avant de... tu vois. Je n'avais pas vraiment compris, mais j'avais des doutes...

Je levai les yeux vers Debbie, me demandant si elle m'aimera toujours après lui avoir avoué ce que je suis. J'avais déjà remarqué que ses sentiments semblaient faiblir légèrement... Après ça, ils auront peut-être faibli énormément. Mais est-ce que je pouvais lui mentir sur un sujet aussi gros ? Même si je voulais, je n'y arriverais pas.

— OK, je te raconte tout... à condition que tu me laisses t'embrasser.

Debbie éclata de rire, avant de cacher sa bouche de ses doigts et de regarder en direction de la porte.

— Tes parents dorment, ils ronflent tous les deux.

Debbie posa sa main sur son cœur en soufflant, l'air exagérément soulagé. Je m'approchai d'elle et passai une main derrière sa tête pour l'attirer à moi. Debbie s'allongea sur le lit et je lâchai sa tête pour qu'elle soit plus confortable sur les couvertures, mais elle partit par en arrière alors que je me retrouvai à embrasser son menton. Debbie éclata à nouveau de rire, si fort que ses parents arrêtèrent de ronfler.

— Debbie ? s'écria sa mère, deux pièces plus loin.

— Ça va ! dit Debbie, peinant à refouler son fou rire. Je suis juste... tombé du lit !

Je me mordis la lèvre pour m'empêcher de rire avec elle, puis reculai pour attraper ses jambes et la tirer plus au centre. Je m'allongeai au-dessus d'elle, lui laissai trois secondes pour reprendre son souffle, puis l'embrassai à nouveau, enroulant mes doigts dans ses cheveux.

J'en aurais oublié tout le merdier de ces deux derniers jours, tellement c'était bon. Ça faisait si longtemps que nous ne nous étions pas embrassées ainsi ; beaucoup trop longtemps à mon gout. Sans même que je m'en rende compte, ma main s'était faufilée sous le teeshirt de Debbie, sur sa hanche, et montait encore. Mais je remarquai parfaitement les siennes qui abaissaient doucement la fermeture éclair de ma combinaison. Je sursautai, détachant mes lèvres de celles de Debbie avec un petit bruit mouillé.

— Miö... murmura-t-elle. Ça va. Je m'en fiche de tes cicatrices.

Sa main continuait de descendre. Je l'attrapai et la plaquai contre ma poitrine.

— Non, c'est pas ça... il faut encore que je t'explique...

— Ça peut attendre.

— Mais j'ai peur que tu ne veuilles plus de moi. Et j'aurais l'impression de te violer si je suis pour le dire après... qu'on fasse ça.

— Miö, dit à nouveau Debbie. Quand bien même que tu aurais toi-même tué le roi, j'ai attendu ce moment trop longtemps pour être convaincante en parlant de viole.

— Depuis... si longtemps que ça ?

— Depuis la toute première fois que je t'ai vu, dit-elle en rougissant. Tu te souviens, quand je m'étais cassé le poignet, l'an dernier ?

— Et que t'es allé voir Jeremy pour qu'il te soigne, continuai-je à sa place. Quand tu étais dans la salle d'attente, j'étais assis en face de toi. On se regardait droit dans les yeux, dans un grand silence, pendant près de vingt minutes avant que Marissa vienne te dire que tu pouvais aller voir Jeremy dans son bureau. J'étais super angoissé, et je n'avais aucune idée pourquoi. Dès que t'es partie, je suis allé me cacher dans ma chambre tout le reste de la journée pour éviter de te croiser à nouveau.

— Sauf que je suis revenu quelques semaines plus tard pour retirer le plâtre et on a pratiquement fait un face à face, dit Debbie avec un sourire. Et boum, l'amitié en est née.

— « L'amitié » n'aura pas duré longtemps ! dis-je avec un clin d'œil.

— Enfin, tout ça pour dire qu'à l'époque, ma petite cervelle stupide avait des manies bien stupides... je les dirais pas toutes, tu vas me prendre pour une cinglée. Mais il y en a une... qui consistait à faire un palmarès des mecs avec qui je voudrais coucher. Tu es, depuis ce jour, le numéro un, dit-elle avec un sourire.

— Ah. Cool. C'est qui, le numéro 2 ? Et 3, et 4... il était long, ce palmarès ?

— C'est sans importance. C'était juste pour dire que... que je parle beaucoup trop.

Debbie m'embrassa, comme pour m'empêcher de répliquer, mais je reculai la tête.

— Sérieux, c'était qui, le numéro 2 ?

— Tait-toi, Miö...

— Je veux savoir.

Debbie m'embrassa à nouveau, puis me mordit férocement la lèvre inférieure. Elle me poussa ensuite de côté, me faisant tomber de dos à côté d'elle sur le lit, puis elle me grimpa dessus à califourchon. Cette fois, je n'y tenais plus. Elle pouvait bien faire tout ce qu'elle voulait de moi, j'étais toute oui !

*

Debbie et moi étions couchés l'un à côté de l'autre dans son lit, elle dans mes bras. Elle avait le visage enfoncé dans mon cou depuis si longtemps que je me demandai bien comment elle faisait pour respirer. Mais tant qu'elle ne se plaignait pas, j'étais trop bien pour bouger. Il était même possible qu'elle se soit endormie.

— Debbie, murmurai-je.

Je passai doucement ma main dans ses cheveux, mais elle dormait comme une buche. Oh, après tout, pourquoi maintenant ? Je parlerais demain matin...

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