Ne supportant plus ses changements de sujet, je m'élançai vers lui pour lui voler son feutre. Malgré qu'il regardait encore la télé, il s'était préparé à mon attaque. Il décapuchonna le stylo et le pointa vers moi comme s'il s'agissait d'une épée. Je lui agrippai le poignet pour l'éloigner de mon visage, tentant de le lui arracher de mon autre main, mais Télio m'attrapa le deuxième bras. À court de main, Télio me donna un coup de pied sur la jambe et je lui écrasai le pied. Il tomba dos sur le canapé, puis il m'enfonça son genou dans le ventre. Il me poussa au sol et me grimpa dessus, stylo en l'air. Trois centimètres en séparaient la pointe de mon front quand je parvins à le faire basculer de côté. Je le dominai à mon tour, réussissant enfin à lui prendre le feutre, prêt à lui faire un beau dessin au visage par pure vengeance.

— Stop ! s'écria Cynthia qui avait réussi à réprimer son hilarité. Arrête, Miö, lâche-le !

— Ouais, lâche-moi !

Je soupirai, capitulant. Je me levai et tendis une main pour Télio. Il accepta mon aide en riant, et quand il fut debout, je lui fis une longue ligne sur sa joue avec le stylo avant qu'il ne se dégage en grognant. Ce fut mon tour de rire.

— Ah, Miö, soupira Cynthia en secouant mollement la tête. Je t'ai connu plus mature que ça.

— Non, c'est bien ! s'écria Télio. Il est en voie de retirer le balai qu'il a dans le cul !

— Attends un peu que j'en enfonce un dans le tien !

— C'est ton rêve, de m'enfoncer un truc dans le cul ? dit Télio dans une grimace.

— Seigneur, vous n'allez pas la fermer ?! s'exclama Cynthia. Lavez-vous le visage et sortez de mon appart ! Bien sûr, Miö, tu seras toujours le bienvenu ici, dit-elle en reprenant un ton plus doux, mais pas avec lui !

— Et pourquoi pas ? dit Télio d'un air attristé, la main sur le cœur. On n'est techniquement la même personne !

— On est jumeau, pas clone ! m'énervai-je. Allez, viens !

Télio ne répliqua rien et me suivit jusqu'à la salle de bain. Je lui donnai une serviette pendant que j'essayai d'effacer ma moustache à coup de savon et d'eau chaude.

— Je savais qu'il y avait quelque chose. Tu peux jamais rester tranquille.

— Oh, ça va, c'était juste une blague... Mais c'était une belle vengeance ; j'ai dû te trainer de la tour jusqu'ici, hier soir ! Ça parait pas, mais t'es lourd !

Je haussai les épaules dans un grognement. J'avais réussi à effacer le côté droit de la moustache et je m'attaquai maintenant au gauche ; Télio avait déjà terminé de retirer la ligne sur sa joue, ne laissant qu'une plaque de peau rosie. Je croisai son regard dans la glace, tous deux dans la même position, à s'essuyer le visage avec une serviette. Ça me tordait toujours un peu l'estomac à nous voir côte à côte et si identique. Moi-même, je devais chercher les différences, et elles étaient rares ; ses cheveux à peine plus pâles que les miens, les deux centimètres qu'il avait de plus que moi. Le reste ne s'apercevait pas dans le miroir, devant nous.

— Tu ressembles à Hitler, avec plus qu'un milieu de moustache, dit Télio.

Il leva le bras en l'air en marmonnant heil hydra ! et je pouffai de rire en comprenant qu'il tenait ses références historiques de Captain America. Télio ne réalisait même pas qu'il avait dit, mais je me rendis compte par la suite que sa soudaine morosité était due à autre chose. Je ne savais pas ce que c'était, mais il semblait triste, alors qu'il continuait de regarder nos reflets dans le miroir.

— Ça va pas ? demandai-je.

— Oh si, numéro un ! dit-il en faisant un grand sourire.

Mais c'était évident, son sourire était faux.

Miö (En Réécriture)Where stories live. Discover now