Une étrange sensation m'envahit, emplissant tout mon être comme de l'eau qui coule. Une partie de moi se réjouit de savoir que Björn va enfin faire quelque chose qui le rend heureux, et pourtant, une autre, plus égoïste, se prend à espérer qu'il reste. A quel moment me suis-je rapprochée de lui au point de penser qu'il va me manquer, lorsqu'il ne sera plus là ?

Ce n'était pas assez. Ces plusieurs mois où nous nous moquions de nos familles respectives, que ce soit par message ou lors des repas, n'étaient pas assez pour moi.

Je ne réalise que maintenant que j'ai besoin de lui, ici, avec moi, pour pouvoir survivre aux prochains mois. Nate, Gemma ou Bruce ne peuvent pas remplacer ce lien que j'ai avec Björn.

Dès que cette pensée a émergé dans ma pensée, je me sens coupable de l'avoir pensée. C'est injuste de ma part de le penser. Pourtant, il s'agit bien de la vérité.

-Tout v a bien ?

Björn agite sa main devant mes yeux afin de me faire revenir à la réalité. Je lève mes yeux bleus vers lui, et lui adresse un sourire qui se veut convainquant.

-Il va falloir que tu y ailles, lâché-je.

Il acquiesce lentement, en silence, avant de jeter un regard derrière son épaule, à l'endroit où d'autres personnes passent entre les portes des douanes. Un second rappel se fait entendre, et Björn me regarde à nouveau, une lueur de peine se reflétant dans ses iris.

Il lève la main, et je m'attends à ce qu'il me prenne dans ses bras, ou quelque chose du même genre, mais il n'en fait rien. Il tend le bras vers mon sac, paume ouverte.

-Donne-moi ton téléphone, ordonne-t-il.

Je fronce les sourcils, légèrement perdue ; néanmoins, je m'exécute, et le regarde taper durant plusieurs secondes sur mon cellulaire, avant qu'il ne me le rende.

-J'ai jeté mon ancien portable et sa carte SIM, m'apprend-t-il. Mais j'ai une carte prépayée, juste au cas où. Si ça ne va pas, envoie-moi un message, d'accord ?

Les passagers sont appelés une troisième et dernière fois, et je me raidis.

-D'accord, soufflé-je du bout des lèvres.

-Viens-là, maintenant.

Il m'ouvre ses bras et je m'y blottis avec reconnaissance, les paupières closes. Son menton repose sur le sommet de ma tête, nous restons dans cette position durant plusieurs secondes, avant qu'il ne brise le silence.

-Dommage que je n'aie le droit qu'à un câlin, et pas plus, plaisante-t-il.

Mes épaules sont secouées par mon rire.

-Tant pis pour toi, le nargué-je. Tu n'avais qu'à pas te faire de faux espoirs.

-Je suis certain que je vais te manquer à mort, dans le fond.

Je m'arrache à son étreinte et hausse les sourcils dans un geste faussement dédaigneux.

-Dans deux semaines, je ne saurai même plus qui tu es, le contredis-je.

Je mens. Dans deux semaines, je me demanderai toujours s'il va bien, s'il se plaît là-bas. Et si ce n'est pas le cas ? Que fera-t-il dans ce cas ? J'hésite à lui poser la question, avant de me raviser. Mieux vaut aller dans son sens, d'autant qu'il s'agit de la dernière fois que je le vois.

-Il faut que j'y aille, annonce-t-il, toujours en me regardant.

-Exact, appuyé-je. Vous n'êtes pas une star, monsieur Shoeas, alors cessez de vous faire attendre de cette manière.

HOMELESS (Tome 1)حيث تعيش القصص. اكتشف الآن