Hunter

Chapitre Soixante-neuf

Mes yeux se dirigent vers le lit. Dans mon corps, c'est la panique et la peur qui me mangent. Je décèle quelques mouvements et ce qui ressemble à des gémissements. Une goutte de sueur coule le long de mon visage. Si ils se réveillent, je ne saurais pas quoi leur raconter pour expliquer notre présence. Je réfléchis tout de même à un mensonge. Au bout d'un moment, aucun des deux ne manifestent un seul des signes d'un réveil prématuré, alors je tente de reprendre une constance en respirant un bon coup.

Quand Calvin m'aide à me relever dans la plus grande discrétion dont il peut faire preuve, je réalise la violence de ma chute. J'ai une douleur indéfinissable qui m'attaque la hanche. Mais là dans le noir, dans cette situation, je ne préfère pas en toucher un mot à Cal. On est encore sur un terrain dangereux ici. 

- Tirons-nous d'ici, Hunter. Je ne fais pas confiance à ce mec, tout à l'heure j'ai bien cru le voir ouvrir un œil. 

Je me redresse doucement. La révélation de Calvin n'augure rien de bon, mais je préfère croire que ce n'était qu'une hallucination. Ça ne m'étonnerait pas qu'il soit un peu paranoïaque sur les bords. Au vue de son niveau de vie, c'est bien possible.

- Pas si vite, il faut encore qu'on venge Grace.

Je chuchote, mais avec ce silence imposant, on dirait bien que je crie. 

- Qu'on venge Grace ? C'est pas déjà fait ? (Ses yeux se posent sur les fringues que je tiens à la main). Barrons-nous, c'était moins une tout de suite ! On s'est déjà assez risqué en venant ici.

C'est la raison qui lui fait dire ses mots. Et si je n'étais pas déterminé et un peu moins en colère, j'aurais sans doute laissé tomber. Pourtant, c'est hors de question. Je n'abandonne pas. Les souvenirs qui m'ont frappé tout à l'heure en sont sûrement pour quelque chose. Ils alimentent mon impulsivité, mon insatiable haine. Je me mets à réfléchir. 

- Très bien. Prends ça, et donne-les à Rain. Dis-lui que ça appartient à la caisse des objets trouvés. Je termine le boulot, et je vous rejoins.

J'espère que Calvin lit toute la détermination dans mon regard parce que je ne reculerai pas. Le sien, j'ai l'impression qu'il est brisé, incompris et sans doute vidé. 

- Ne fais pas ça, Hunter. Qu'est-ce qui te prend ? Tu as ce que tu voulais, non ? Ces vêtements, ces retrouvailles avec Rain... Tu as ce que tu voulais.

- Je ne sais pas.

- Quoi ? Comment ça tu ne sais pas ?

Les images de mon enfance défilent dans ma tête. Les images que j'ai ramené sans le vouloir, sans comprendre pourquoi elles m'apparaissent maintenant. Autour d'elles, des centaines de points d'interrogation gravitent pour me narguer, pour accroître mon impuissance. Je n'aurais pas tout ce que je veux tant que ces points d'interrogation ne se transforment pas en points pour de bon.

Alors je regarde Calvin une dernière fois. Des explosifs sortent de ma bouche.

- Il faut que j'aille voir mon père. 

De nouveau, une expression que je n'avais pas encore vu chez lui m'observe étrangement. Ce doit être de la perplexité mélangé à du scepticisme. Il doit me prendre pour un dingue si ça ne lui a pas déjà effleuré l'esprit. 

- Ton père ? Maintenant, sérieusement ?

- Je dois savoir des choses. J'en ai besoin.

- T'es devenu fou ou quoi ? On est à plus de deux heures de route de Londres. Il est minuit passé, tu ne peux pas partir comme ça sur un coup de tête parce que tu dois "savoir des choses". Enfin raisonne-toi !

Je l'entends parler, mais je ne l'écoute pas tellement. De toute façon, ma décision est prise, je pars maintenant. Tant qu'il fait nuit, tant que personne ne peut me voir.

- Je pars Calvin. J'ai juste une chose à te demander : entre dans la suite de Rain et prends mes clés de voiture. 

Il fronce les sourcils.

- C'est vraiment culotté ce que tu me demandes. Tu ne comptes pas dire au revoir à Rain ? Désolé mon vieux, mais c'est un comportement de lâche que tu adoptes là.

- Fais-le OK, pas la peine de discuter. 

Calvin est le premier à quitter la chambre. Moi, j'ai une dernière chose à faire avant de partir de cet endroit. Dans le plus grand silence possible, je viens rejoindre le côté où la fille dort. Je découvre un téléphone sur la table de chevet. Peut-être que quelqu'un a envie que justice soit faîte parce que son téléphone n'est pas verrouillé. Je le saisis en faisant défilé ses contacts. Assez rapidement, je tombe sur un contact renommé "Mon amour d'homme". Il ne m'en faut pas plus pour comprendre que c'est une femme mariée. Je prends quand même le temps de vérifier son annulaire. Un gros diamant m'accueille.

Alors dans la suite des choses, je tape un message à son véritable mari, lui intimant de la rejoindre dans cette chambre de suite, pour une surprise pleine de luxure. La minute qui suit, il répond par l'affirmative avec qui plus est, deux smileys, un clin d'œil coquin et une langue sortie de la bouche.

Je repose le téléphone à sa place puis je sors de la chambre. 

Comme prévu, Calvin m'attend devant la suite. Il a un pied contre le mur et l'autre reposant à terre. Ses yeux de fouines me toisent. Ils sont impénétrables, même pour moi. Je ne sais pas ce qu'il pense, pourtant, ça ne doit pas être loin du mépris, et de la déception peut-être.

- Elle dormait, j'ai déposé les vêtements sur une chaise. (Il me tend les clés). Tiens. Je veillerai sur elle le temps que tu reviennes. J'espère vraiment que ta fuite vaudra le coup. Je n'ai pas prévu de pleurer avec une autre femme bientôt.

Il doit faire référence à Grace. Calvin est un empathique. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles il me tient dans ses bras en ce moment. De cette façon désespérée et énormément féminine. 

- Rentre-vite. Et rentre entier.

Je me détache de lui en hochant la tête. Je n'ai pas assez de courage en moi pour réveiller Rain, pour lui dire que l'on va encore être séparé. Alors je suis peut-être un lâche. Mais mieux vaut un lâche déterminé à un ignorant terrifié. A mon retour, j'aurais des réponses à mes côtés. Et tout ce que ça engendrera. Le bon et le mauvais.

Petit chapitre du mois de Janvier. 

Enjoy. Et faîtes en sorte de passer une bonne année. a+