Hunter

Chapitre Soixante-neuf

HUNTER

La pièce est étrangement calme. Aucun son, aucun mouvement. La chambre de l'ex copain de Grace, respire par contre cette odeur d'après sexe. Munie de ma lampe de portable, je vois dans quel état la chambre est et je plains mentalement le personnel à la charge de l'entretien des lieux. Il y a des vêtements par terre, des croûtes de pizza et des fonds de bouteilles d'alcool. Sans parler de l'odeur évidente de drogue qui plane dans la pièce. 

En fait, ça n'a pas été si difficile d'entrer dans leur suite. Calvin s'y connait en serrure. Quelque chose me dit que je ne veux pas découvrir d'où il sort ses connaissances. Le mec a ses secrets et je comprends totalement. Après tout, on a tous les nôtres, et je ne suis pas le dernier.

Calvin a réussi à l'ouvrir sans même parvenir à les réveiller, sans même parvenir à faire grimper mon inquiétude de se faire repérer. C'est un réel pro. A moins qu'ils soient tellement défoncés que rien ne puisse les perturber.

Je regarde furtivement la pièce. L'ex copain de Grace est allongé sur un lit, seulement couvert d'un drap blanc. Une fille que je devine déjà jolie -elle a de longues frisettes foncées qui lui tombent dans le dos- est assoupie sur son torse. Je n'ai pas besoin de vérifier, je sais déjà qu'ils sont tous les deux nus, ce qui multiplie mes chances de trouver des fringues. 

Calvin s'approche de moi. Il se met à chuchoter dans mon oreille, et même si je sais que c'est lui, je ne peux pas m'empêcher de sursauter quand il pose sa main sur mon épaule.

- Leurs bagages sont là-bas.

Son index pointe une table de chevet, celle près du type. Instinctivement, j'oriente mon portable dans la direction qu'il vient de m'indiquer. Un grand sac de voyage de marque repose sur le même genre de chaise qu'il y avait dans la suite où j'ai laissé Rain. Je me demande ce qu'elle fait d'ailleurs. J'espère qu'elle ne s'est pas endormie. Même si la voir endormie est un magnifique tableau, j'aimerais mieux qu'elle soit éveillée. Et puis en plus, elle m'a avoué qu'il lui était impossible de dormir avec cette saleté de peignoir.

- OK, surveille les pendant que je fouille leurs affaires.

Cette phrase a un goût bizarre. Je la prononce trop naturellement, à croire que je suis habitué à faire ce genre de sale coup. Calvin doit me sentir différent parce qu'il s'empresse de me retoucher l'épaule. Chez lui, ça semble normal.

- Tu es sûr de toi ? Je peux le faire à ta place si ça te dérange.

- Tout roule, Cal. Je gère.

J'imagine qu'il hoche la tête. Je ne prends pas le temps de vérifier. Dans ma tête, j'essaie de me convaincre qu'en effet, je gère. C'est difficile en sachant que deux personnes respirent paisiblement à côté de vous alors que vous vous apprêtez sans scrupule à les voler. Ça me fait moins culpabiliser quand je me rappelle de l'histoire de Calvin, avec Grace. L'idiot de mec étendu sur le lit m'oblige à le dévisager. Tout devient plus facile tout à coup.

Mes mains explorent à tâtons dans le grand sac du type. Le truc c'est que Calvin m'éclaire maladroitement, ce qui m'oblige à chercher à l'aveugle. Je devine que je touche des slips à la lanière épaisse qui borde certains tissus. Pour le reste, ça peut aussi bien être des shorts, des t-shirts, ce genre de vêtements plus ou moins informes. Vu la taille du mec à qui ça appartient -il doit faire un bon mètre quatre-vingt- ça devrait m'aller, et encore plus à Rain. J'extirpe une poignée de tissu en espérant avoir trouvé de quoi nous fringuer.

- Ça devrait aller, dis-je à Cal en lui tendant les fringues. 

Je suis soudain aveuglé par sa lumière. Sa petite surprise me fait reculer et tout à coup, je perds pied. De justesse, je me rattrape à la table de chevet, ça m'évite de tomber nez à nez ou plutôt corps à corps avec le type du lit. Seulement, ma chute créé un sacré boucan. Je bloque ma respiration sous le coup. Calvin me regarde et en l'espace d'une seconde, je crois voir la mine d'un mec affolé. Ce dont je ne croyais pas envisageable sur son visage. Tout à l'air si paisible chez lui, si calme.