Chapitre Cinquante-six

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HUNTER

J'avance mollement vers la grande porte. La double-porte que j'ai ouverte et fermé tant de fois. Mais aujourd'hui, j'ai le pressentiment que je fais ça pour la dernière fois. Je ne veux pas partir défaitiste, ni jouer le faux optimiste, alors je vais me contenter d'avancer, d'entrer, et de voir comment les choses vont tourner.

Mon index presse la sonnette d'entrée. Etant donné que je connais déjà le code chiffré du portail entourant la maison, je n'ai pas eu besoin de contacter ceux qui se trouvent à l'intérieur.

Maintenant que j'attends que l'un des domestiques ouvre, je regrette de m'être aventuré ici. Qu'est-ce qui m'a prit ? Pourquoi est-ce que je me suis mit en tête de revenir ici ? Ça fait trop longtemps, j'ai peur qu'en me voyant, je sois renvoyé sur le champ. Je ne garde aucun bons souvenirs maintenant des moments que j'ai passé ici, malgré qu'à l'époque, j'estimais que c'étaient les meilleurs que j'avais jamais vécu.

Alors que je continue de me questionner mentalement, la porte s'ouvre à moi. Un enfant fortement typé -j'hésite à dire s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille étant donné la longue masse de tresses africaines qui peuple sa tête- affiche un sourire incomplet. Je le fixe un instant, ne sachant que dire, jusqu'à ce qu'il me montre son impatience.

- T'es qui toi ?

Même si ce gosse fait la moitié de la taille de la porte, je trouve sa façon de me parler étrangement intéressante. J'en ai presque une certaine admiration.

- Je pourrais te poser la même question.

-Sauf que je l'ai posé en premier.

Il s'avère que le gamin en face de moi est donc un garçon. Très bien.

- Je dois t'accorder ça en effet.

- Donc, quand est-ce que tu réponds à ma question ?

Ce n'est que maintenant que je remarque que ce gamin tient une manette de jeux vidéos entre ses mains. A tous les coups, j'ai dû interrompre sa partie, et apparemment, il veut se débarrasser de moi au plus vite pour retourner à ses affaires.

Je lui tends quand même la main.

- Hunter Sierra, je cherche Mme Dushnell.

Le garçon se gratte le menton. Puis un regard sceptique lorgne ma main. Il ne me fait pas confiance, et j'ignore pourquoi.

- T'es un agent secret ?

Je m'attendais à tout sauf à cette question là.

- Non, qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- Parce que j'ai jamais entendu parler de toi et que ma mère en engage quelques fois.

De mieux en mieux cette discussion.

- Tu es son fils ?

C'est quand même ça qui me choque le plus. Apprendre qu'elle habite toujours dans la baraque volumineuse de sa grande tante et qu'elle engage à sa guise des agents ne m'étonne pas tant que ça. Mais apprendre qu'elle a un petit gamin prétentieux, me fait doucement rire. Elle qui parlait de ne jamais entamer de grossesse, c'est raté.

- Quand elle en a pas honte.

Ce petit jeune homme est plein d'entrain on dirait. Maintenant que j'y pense, il ressemble assez au portrait de sa mère. Ce constat ne me rassure pas pour autant. Il mastique un chewing-gum énergiquement ce qui commence soudain à m'agacer aussi. S'il il était un peu moins lui et un peu plus son père (Dieu sait de qui il s'agit), peut-être que je le trouverais mignon.

Qu'est-ce que tu racontes Sierra, tu détestes les mômes. Tous les mômes. Surtout ce môme.

Son sourire me fait me poser des questions sur la nature qu'il entretient réellement avec sa mère. Est-ce qu'il s'agit d'un petit capricieux et gâté ? Ou de quelqu'un de juste en colère comme moi ? Quoi qu'il en soit, j'ai le semblant de quelques secondes, l'impression de voir mon "moi" à son âge.

Voyant que je ne fais pas évoluer notre discussion, le petit se charge de me réveiller.

- Donc, t'as quel genre de problème avec ma mère ?

Je me ressaisis. Mais de quoi, je ne sais plus trop.

- Pourquoi il s'agirait forcément d'un problème, je veux juste lui parler.

Son soupire me donne moi aussi envie de l'imiter. Cette conversation ne mène décidément à rien.

- Parce que ma mère est dingue. Complètement tarée. Papa dit que l'un de ses chronosomes, est défectueux, et que c'est à cause de ça qu'elle est bipolaire.

- Quoi ?

Je suis tellement surprit que je ne pense même à lui faire remarquer qu'il vient de mal prononcer un mot.

- Je suis vraiment obligé de me répéter ? Parce que j'en ai pas envie, pas du tout du tout.

J'ai besoin d'un temps pour assimiler tout ce qui vient de sortir de la bouche de ce gosse à l'esprit très ouvert. Mais ce que je me refuse à comprendre, c'est cette bipolarité. C'est une première, je ne m'en serais jamais douté. Tant de choses s'expliquent, tant de choses s'emboîtent dans ma tête. Mais j'aurais dû le comprendre plus tôt.

Dans le doute, je pense qu'en même à me renseigner sur un point.

- Depuis combien de temps est-elle bipolaire déjà ?

- Depuis longtemps ! Depuis que maman a ses règles au moins.

Je n'avais pas besoin d'avoir ce détail pour que ma théorie se confirme. Je me mets à culpabiliser. Sauf que je ne devrais pas, rien n'est de ma faute. Elle me faisait croire des choses, voir des choses, c'est normal que je sois tombé dans le panneau un peu plus à chaque fois. Peut-être qu'une partie d'elle m'appréciait finalement.

Je suis aussi étonné que ce gamin de quoi, sept ans, sache déjà ce que sont des règles. J'espère que ces connaissances sur le système féminin s'arrête ici.

- Ronnie, pourquoi tu restes tant de temps à la porte. Ferme-là bon sang, y a des courants d'air dans toute la maison !

- J'y peux rien moi, y a un mec bizarre qui me lâche pas !

Avant que je n'ai le temps de me justifier envers le fameux Ronnie, une silhouette apparaît derrière lui.

Mon cœur ne fait qu'un bond dans ma poitrine. Je suis propulsé dans mon corps juvénile et incompris, à ce que je considérais comme l'apogée de mon adolescence.

- Oh mon Dieu !

Je suis content de voir que je fais cet effet-là. Voir une femme, ouvrir grand les yeux en laissant un minimum de ses lèvres entre-ouvertes, ça flatte énormément l'ego. Je regagne un peu de confiance. C'est moi qui mène la danse aujourd'hui, les choses se passeront comme je le prévois, je l'espère. Cependant intérieurement, je suis toujours tétanisé.

- Euh Ronnie chéri, retourne à ton stupide jeu, je m'occupe de la situation.

Ronnie affiche une tête de vainqueur, comme enlevé d'un poids énorme. Je me renfrogne sans bien m'en rendre compte. Les enfants ont le don pour vexer sans même chercher à le vouloir.

- Cool maman, marre-toi bien avec ce type.

Ronnie disparaît derrière la grande porte en fredonnant un air urbain que je m'étonne à reconnaître. Ce n'est plus qu'elle et moi maintenant. A mon plus grand malheur.

- Salut Hunter.

- Reese.





JE SAIS, je suis méchante ( encore une fois )!

Mais croyez-moi, j'ai mes petites raisons... 

Dîtes-moi si ce chapitre vous a plu, surprise, ou bien s'il vous a fait vous poser des questions...

kisses

HunterWhere stories live. Discover now