Personne ne le saura jamais.

-Eh, Ivy, tu m'écoutes  ?

Bruce claque des doigts devant mon nez, me faisant sursauter. Je me redresse sur ma chaise, mal à l'aise. Mon café vient d'arriver, chaud.

-Désolée. Tu disais  ?

-J'ai un plan pour vendredi soir. Une soirée, pas loin d'ici. Ça te dit  ?

-Bien sûr  !

J'accepte sans réserve. Une soirée est l'un des meilleurs moyens afin énerver mes paternels. Surtout avec des inconnus. Une fête, cela signifie de l'alcool, des joints, de la cigarette, du monde, du chahut... tout ce qu'ils haïssent, en somme. Tout ce qui est contraire à la «  bonne famille » que nous sommes.

La porte du café s'ouvre, faisant tinter les breloques suspendues au-dessus, et je tourne la tête, attirée par le bruit. Aussitôt, je reporte mon attention sur Bruce, qui m'explique un je ne sais quoi sur son cours de mythologie ancienne.

-Qu'est-ce qu'il y a  ? demande-t-il en fronçant les sourcils.

-Rien, vas-y, continue.

Je porte ma tasse à mes lèvres et avale une grande gorgée afin de ne pas avoir à répondre à ses futures questions sur mon trouble apparemment perceptible. Seulement, le liquide brûlant me pique la gorge et la langue, et j'agite inutilement ma main, comme si ce geste pouvait suffire à faire partir la douleur.

Les yeux de Bruce dévient dans mon dos, et son regard s'écarquille légèrement.

-Nate Mackel, ici  ? J'y crois pas, souffle-t-il, et je comprends alors que j'ai vu juste.

-Tu le connais  ?

Il reporte ses orbes sur moi avant de hausser les épaules et de prendre une gorgée de sa boisson.

-Bien sûr. J'étais au lycée, avant, tu sais, se moque-t-il.

-Mais il doit passer inaperçu, personne ne doit le connaître  ! protesté-je. Il ne parle à personne.

-Maintenant, oui, mais avant, je peux te dire qu'il était connu dans l'établissement.

Il s'arrête à nouveau, comme pour faire durer le suspense. Ma curiosité est attisée par sa phrase.

-Tu peux être un peu plus précis, s'il-te-plaît  ?

-Il était capitaine de l'équipe de basket du lycée, avant. Un des meilleurs joueurs. Il était drôle, gentil. Ce n'était pas spécialement le populaire cliché des films américains, mais tout le monde l'aimait bien. Et puis, vers la fin de l'année dernière, il a changé d'un coup. Il ne prononçait plus un mot, s'éloignait des autres, passait son temps seul. Il n'a jamais voulu l'expliquer à qui que ce soit. Il a lâché sans raison l'équipe de basket la veille de la finale du tournoi. Tu te rends compte  ? C'était le match le plus important de l'année  ! L'équipe du lycée, les Rudbeckiansker Tigers, était face à son pire ennemi, et lui, c'était le meilleur pilier  ! Et bam, d'un coup, il s'est enfui. Je ne te raconte pas la haine que les joueurs ont eu envers lui, à ce moment-là. Sans parler du coach... Il est entré dans une colère noire et –

-Je me fiche de ton équipe de basket, le coupé-je, exaspérée. Que s'est-il passé, ensuite  ?

Bruce reste me regarder quelques secondes, perturbé que je l'aie arrêté dans son élan. Mais sa nature bavarde ne tarde pas à reprendre le dessus.

-Donc, les vacances sont passées, et personne ne l'a revu. Certains se demandaient même s'il n'avait pas déménagé loin d'ici. Il ne répondait pas aux messages, il avait comme disparu.

HOMELESS (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant