Chapitre 21

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La peur me prend tout mon air. Si je respire ici, est-ce que je meurs ? Je me contorsionne pour tenter de respirer correctement, sous le regard étonné des deux enfants. De toute façon je n'ai pas le choix : j'ai déjà respiré pendant que je courais, et il va bien falloir que je reprenne ma respiration à un moment donné. Je prends donc mon courage à deux mains, complètement pétrifiée, et inspire avec hésitation. Peut-être que la réaction se fait sentir au bout de quelques minutes ? En tout cas pour l'instant, rien ne se passe. L'air me semble tout aussi respirable que celui de la ville.

Je soupire de lassitude après avoir attendu un moment. Je m'en doutais. L'enseignement de l'air contaminé et mortel pour les humains est encore un mensonge, tout autant que les croyances à propos des habitants de l'extérieur. Je devrais être furieuse... Mais à cet instant, je suis simplement soulagée d'être en vie.

Soulagée et apaisée par le paysage nouveau qui se profile devant moi, je regarde pour la toute première fois un ciel d'un bleu azur, qui n'est pas flouté par la coupole. Des nuages blancs et nets filent dans les airs. Pour la première fois, je sens un vent puissant caresser ma peau et bousculer mon corps. L'herbe naturelle, pas celle tondue et clairsemée de Hadassa, ondule au vent. Quelques mètres plus loin, un rassemblement d'arbres aux feuilles qui me sont inconnues se dresse.

Sentant mes émotions me submerger, je reste debout sans savoir comment réagir, perdue.

Je n'aurais jamais pu imaginer que le monde en dehors de Hadassa serait si vaste.

J'ai passé ma vie à faire des allers retours entre la maison et nos champs. Jamais je ne me suis éloignée de plus de sept kilomètres de chez moi, et jamais je n'ai vu autant d'espace vide m'entourer. A quel point mon espace de vie était ridiculement minuscule à côté de tout cela, je ne m'en étais jamais rendue compte, et je n'y avais même jamais réfléchis.

En me rendant compte que ma vue se brouille, je suis prise d'un fou rire et me laisse tomber sur le sol moelleux en riant. J'étends mes bras de chaque côté de mon corps et attrape des touffes d'herbe grasse, euphorique. Puis je me laisse rouler dans la pente douce jusqu'à ce que je sois à bout de souffle. Alors je reste là, couchée sur le sol, un sourire béat sur le visage. Les enfants ne tardent pas à se mettre dans la même position que moi en ricanant, l'air amusés par mon attitude étrange.


*

La nuit est maintenant tombée. Le garçon m'a montré comment allumer un feu avec des feuilles venant d'un arbre étrange, qui une fois coupées laissent couler un liquide s'enflammant au contact de l'air. Nous sommes maintenant tous assis en rond autour du petit feu de camp, et les petits me parlent d'eux pour la première fois.

– Comment est-ce que vous vous appelez ? Demandé-je enfin pour rompre leur silence continu.

– Je suis Abiya. Dit la petite en regardant le feu. Et voici mon frère Tequoa.

Je m'en doutais, ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau.

– Et toi ? Me questionne la petite fille d'une voix aiguë, l'air stressée.

– Mily.

La petite me regarde et puis fronce ses sourcils, voulant visiblement me poser une question.

– Pourquoi tu as agi si bizarrement tout à l'heure ?

Je pousse un soupir et reporte mon regard vers le feu en réfléchissant à ce que je peux lui dire. Pour eux, c'est la ville qui leur semble étrange et inconnue. Pour moi, c'est le seul endroit que j'ai pu connaître.

– Heu... Eh bien il y a plein de gens qui ne sont jamais sortis des coupoles.

– On sait ça. Me répond le garçon. Mais toi, les gardiens te traitaient d'extérieure.

Nucléaires 1 : EffacéeWhere stories live. Discover now