Chapitre 18

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Une main dure et ferme me relève du sol en m'attrapant par le bras, et m'assoit sur une chaise sans douceur. Je me sens comme une poupée de chiffon devant l'aisance avec laquelle je suis déplacée contre mon gré. Après plusieurs secondes, j'ose enfin lever les yeux et regarder le propriétaire de cette main, n'essayant même pas de cacher mon dégoût envers lui.

Quelque part, je suis un peu soulagée qu'il ne soit pas réellement mon père.

– Tu te défends plutôt bien. Observe-t-il d'une voix calme en observant l'effacé que j'ai frappé, qui a la lèvre ouverte.

L'homme porte une main à ses lèvres d'un air humilié et regarde au sol pour ne pas manquer de respect à son supérieur. Visiblement, le général Debon Swash inspire la crainte plus que le respect.

– Mon général... Bredouille le blessé en baissant les yeux, cherchant comment s'expliquer.

– Sortez, ne me dérangez pas dans ma discussion.

Ne sachant que faire d'autre, les effacés s'inclinent respectueusement et s'en vont. Je serre les dents, préférant encore leur présence dans la pièce que la seule compagnie de cet homme. D'ailleurs, je sens mon estomac se tordre en lui jetant un nouveau coup d'œil, il n'a pas beaucoup changé en une dizaine d'années. A part les nombreuses rides qui sont apparues sur son front et ses joues, il reste la même personne à la carrure imposante et à l'air sévère. Ses yeux foncés et ses cheveux grisonnants ternes et courts me rappellent qu'il n'a aucune ressemblance physique avec moi. Zéra, en revanche, lui ressemble un peu dans la forme du visage et dans la couleur noire de ses iris.

Assez hésitante, je finis par le regarder dans les yeux sans détourner le regard, refusant de me rabaisser face à lui. Son expression est froide, dénuée de toute chaleur ou émotion. Je m'efforce tant bien que mal de ne pas penser au pire ni à ce qu'il m'arrivera par la suite, pour l'instant je dois déjà gérer ma situation.

Après que le dernier de mes escorteurs est parti, le général prend une chaise en face de moi et s'assoit tranquillement. Croisant ses mains sur la table, il finit par prendre la parole, sa voix rocailleuse me donne un frisson de stress dans tout le corps.

– Je n'aurais pas imaginé te revoir un jour.

Je garde le silence, préférant ne pas répondre. Si je dis quelque chose, je crois que je ne réussirais pas à garder mon semblant de calme.

J'aurais préféré que ça se fasse en d'autres circonstances.

– Qu'ont pensé Lydie et Zéra de ton départ ?

Je baisse la tête, sentant un sentiment de colère et de rage m'envahir. Il cherche à me faire culpabiliser ou regretter mon choix, à me perturber. J'ai envie de lui cracher que ça ne le regarde plus depuis qu'il nous a abandonnées, de lui faire ravaler sa fierté et ses petites astuces psychologiques. Mais je dois passer par-dessus de sa tentative et ne pas renchérir, réfléchir à mes paroles.

– ... Elles étaient tristes. Zéra m'a demandé de rester. Et maman m'a dit que je n'étais pas obligée de partir, que je serais toujours la bienvenue à la maison.

– Je vois. Souffle-t-il en agissant comme s'il me comprenait.

Un sourire compatissant se forme sur ses lèvres, mais les yeux de mon interlocuteur brillent de fureur. Je crois que je commence à comprendre où il veut en venir avec cette discussion inutile. Je me trompe, ce n'est pas seulement pour me déstabiliser, il n'est pas complètement hypocrite : c'est pour savoir si sa femme et sa fille pensent toujours à lui. Évidemment, je ne suis pas comptée comme telle... Des phrases amères, de reproches, menacent de franchir mes lèvres. Je finis par ne plus résister à l'envie.

Nucléaires 1 : EffacéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant