Chapitre 12

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Ouvrant les yeux avec difficulté quand l'alarme habituelle retentit dans les dortoirs, je me lève et je m'habille en vitesse, chancelant sous l'effet du réveil trop brutal. Ana doit être levée depuis un bon quart d'heure déjà et se vante sans discontinuer, au comble de sa joie apparemment.

– Ce soir, je ramène une irospice pour l'étudier, vous allez voir ! J'ai trop hâte !

Je grogne et sors du dortoir des filles pour aller vers le premier cours, sans attendre la rousse.

Elle est de toute façon trop occupée à faire l'intéressante !

Korty sort au même moment du dortoir des garçons en face, et on se fixe un instant, le temps que l'information monte à notre cerveau encore endormi. Puis il semble enfin me reconnaître, et se met en route en même temps que moi. Je remarque que le bleu laissé par son adversaire la veille a gonflé. Ça en plus de sa cicatrice, on pourrait croire que les blessures apprécient son visage.

– Salut. Dit-il en passant ses doigts dans ses cheveux encore marqués par le sommeil, qui lui donnent un aspect plutôt comique. Hola... tu as l'air mal lunée. Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que tu sois comme ça dès le matin ?

– C'est Ana. Elle m'agace un peu, l'irospice la met dans un état pas croyable.

Il rit et on se rend ensemble dans la salle de tirs, sans déjeuner. Ceux qui le veulent peuvent aller chercher un morceau de pain le matin, mais il n'y a pas de déjeuner à proprement parler. Seul le repas du midi et du soir sont offerts. Évidemment, ce n'est pas très plaisant de commencer la journée par des bruits tonitruant, mais c'est comme ça. C'est un bien maigre prix à payer pour aider ma famille. D'ailleurs, je sais que dans quelques jours, nous pourrons écrire une lettre à nos proches. J'ai tellement hâte de raconter tout ce que je vis ici depuis ces six mois, que je sens mon cœur s'emballer rien qu'en y pensant. Ma première permission ne sera pas avant que je sois devenue un soldat officiel, mais je me demande ce que je ressentirai à ce moment-là.

En imaginant ce que je pourrais leur écrire, mes songes s'arrêtent soudain sur ce qu'il s'est passé hier. Je perds mon sourire et fais la grimace.

Pas moyen que je leur parle de « ça » !

Je serre le poing et me force à penser à autre chose. Mais en arrivant à destination, je ne peux pas m'empêcher de regarder partout avec méfiance, un peu effrayée à l'idée de rencontrer mon père au beau milieu de mon travail. Comment réagirait-il ? Est-ce qu'il viendrait me voir ? Ou est-ce qu'il ferait comme moi, l'ignorant ? En y réfléchissant bien, je n'ai pas grand-chose à craindre. Que peut-il me faire ? Même s'il apprenait ma présence ici, il n'aurait aucune raison de me causer du tort. Nous continuerions simplement de nous éviter, comme nous l'avons toujours fait. Peut-être même qu'il m'a reconnue, dans ce couloir, et qu'il n'a rien dit.

– Hé !

Je sursaute et me retourne comme si on m'avait pris sur le fait, surprise. Me regardant avec interrogation, Korty attend que je le rejoigne à quelques mètres. Mes doigts crispés sur les bords de mes manches lâchent prise, et je me remets en marche.

– Sérieusement Mily, il se passe quoi ? Tu es tout le temps dans tes rêves depuis quelques jours.

Je ne réponds rien et le rejoins, crispée et morose. J'aurais voulu pouvoir me changer les idées, ne pas penser à tout ça, mais c'est trop tard maintenant. Je me sens triste et fatiguée, je n'ai pas envie de parler. Me contentant de secouer la tête, j'essaie de lui faire comprendre que je ne veux pas en parler.

– Allez, tu peux bien me dire pourquoi tu fais la tête non ? Continue le balafré, avec son insistance habituelle.

Je grogne et lui jette un regard noir avant de chercher du regard une place libre ou m'installer pour tirer. Comme il semble vouloir s'appesantir, me suivant de près, sur le point d'ouvrir sa bouche, je parle plus méchamment que je ne le voudrais.

Nucléaires 1 : EffacéeWhere stories live. Discover now