Chapitre 7

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Je me rassois correctement à ma place, ça y est, je suis vraiment partie.

J'ai un horrible goût amer dans la bouche, et mes yeux sont maintenant tout gonflés et sûrement rougeoyant.
Me tortillant sur mon siège pour trouver une meilleure position, j'essuie mes joues au cas où il resterait encore une larme. Après avoir jeté un coup d'œil aux personnes autour de moi, je vois que la fille rousse que j'ai vu dans la file d'attente a déjà engagé la conversation avec la personne à côté d'elle et je décide de l'imiter un peu plus tard, ne voulant pas être vue comme la paysanne n'ayant jamais discuté avec d'autres personnes que ses proches –ce qui est tout de même la réalité.

Mais pour l'instant, j'ai juste envie de tranquillité, de calme. J'ai besoin de faire le point sur ma situation, de prendre des repères même si l'avenir devant moi est encore assez vague. Au fond de mon cœur, je sens déjà comme une sorte de terreur tapie dans l'ombre qui attend juste le bon moment pour ressortir. Des questions sans réponse claires continuent de me faire trembler.

A quoi ressemble le monde extérieur ? Est-ce que tous les effacés doivent sortir de la coupole, ou seulement certains ? Et si je mourrais pendant une mission, qu'est-ce qu'on ferait pour aider ma famille ? Est-ce que je vais être détestée par les gens de la ville maintenant ?

Je pousse un profond soupir et cale mes mains l'une sur l'autre pour m'empêcher de ronger mes ongles déjà abîmés à cause de ma nervosité. J'ai fait ce qu'il fallait, c'est tout. C'était la bonne chose à faire, pas besoin de regretter cette décision pendant des lustres.

Ayant pris assez de temps pour me calmer, je regarde qui est assis à côté de moi. Le camion est rempli de recrues, seul un effacé à l'air sévère est là pour nous accompagner. Je remarque que la plupart doivent être assez jeunes, il doit y avoir un tri selon la condition physique pendant l'inscription. Voilà pourquoi la femme me détaillait de cette façon. Deux personnes m'entourent : d'un côté un homme blond intimidant, qui doit avoir été accepté pour sa condition physique plus que pour son âge. De l'autre, un garçon qui semble avoir mon âge à la peau mate, avec une longue estafilade sur la joue, pour l'instant distrait par le paysage. Je l'observe –sa cicatrice, pas lui d'un air curieux. Elle descend depuis son œil droit jusqu'au coin de sa bouche, vraiment voyante.

Il doit s'apercevoir que je le fixe car il se tourne brusquement vers moi, me faisant sursauter au passage. Je détourne ma tête en espérant qu'il n'essaie pas de m'interpeller, pas encore prête mentalement pour discuter.

– ... Bonjour ? Dit-il soudainement en souriant d'un air mal à l'aise.

Je regarde autour de moi, cherchant à qui il s'adresse avant de stresser intensément en me rendant compte que c'est à moi, et sûrement parce que j'ai regardé sa cicatrice avec un manque de discrétion et une impolitesse à toutes épreuves.

Bon. C'est loupé pour mon moment calme de réflexion.

– Ho ! Heu... salut. Dis-je un peu en retard, extrêmement embarrassée.

Il me tend la main et se présente amicalement. Je la lui serre d'un geste pas très assuré.

– Korty, et toi ?

– Mily. Vraiment désolée pour... heu...

Je baisse les yeux d'un air désolé, n'osant même plus le regarder en face maintenant, ne voulant pas reposer mes yeux sur sa balafre par accident.

– Ce n'est rien, j'ai l'habitude. Soupire-t-il d'un ton ne cachant qu'à moitié son agacement, levant les yeux au ciel.

Bravo Mily ! Continue comme ça et tu ne te feras aucun ami. Pensé-je... tout en pensant que d'un autre côté, ce n'est pas si grave que ça, puisque dans ce camion nous sommes tous rivaux en quelques sortes. De ce que je sais, puisque les effacés peuvent monter en grade, c'est une compétition permanente entre tout le monde. J'ouvre ma bouche pour m'excuser encore une fois, puis abandonne en comprenant que ce serait futile. Je finis par lui poser une question un peu bateau, essayant de noyer le poisson.

Nucléaires 1 : EffacéeWhere stories live. Discover now