Nucléaires 1 : Effacée

Chapitre 16

Le reste de la journée passe lentement, ponctuée par la visite de Korty et Ana, et les allers retours fréquents de l'infirmière de service qui m'a apporté le repas. Cette dernière me jette un regard à mi-chemin entre le dédain et l'inquiétude à chaque fois qu'elle passe, ayant surement peur de me retrouver à nouveau sur le haut de l'armoire, en train de « casser » leur matériel. A un moment, l'infirmier que j'ai vu en me réveillant entre dans la pièce, et me fait une nouvelle prise de sang, m'expliquant qu'ils en profitent pour faire l'examen médical semestriel auquel personne n'échappe pour me faire gagner du temps. Cette fois-ci, je ne m'inquiète pas vraiment. J'ai déjà fait un de ces examens en arrivant, et il ne s'est rien passé. Pourtant, j'avais déjà ces vertiges et ces hallucinations avant de m'engager, même si elles n'étaient jamais allées aussi loin qu'aujourd'hui. Je pense donc que ça ne me causera pas de problèmes particuliers.

Lorsque le soir tombe, je m'affale sur mon lit, la tête tournée en direction de la petite fenêtre, ou les dernières lueurs du jour passent, éclairant la pièce d'une couleur orangée apaisante.

Si seulement il y avait plus de fenêtres, dans le dortoir par exemple...

Je me sens sereine. Peut-être que c'est à cause de ce qu'on m'a injecté ce matin ? En tout cas, j'arrive beaucoup mieux à penser calmement à tout ce qu'il s'est passé ces derniers jours. Et depuis ce midi, j'ai beaucoup réfléchi à la possibilité que l'irospice n'ait pas eu de problème, et qu'elle ait en réalité fonctionné normalement. Si c'est le cas, ça ne peut vouloir dire qu'une seule chose : que les autorités dans la coupole mentent. Je ne suis pas un monstre. Je suis peut-être un peu bizarre par moments, mais qui ne l'est pas ? Et je ne pense pas avoir un jour songé à faire du mal à quelqu'un comme ça, pour le plaisir. Je ne suis pas plus forte que les autres, je n'ai pas de talent quelconque... je suis banale, au plus haut point. Alors si quelqu'un vient me prouver que je suis une extérieure, soit il se trompe, soit l'ensemble des habitants de Hadassa croit à une légende. Au fond de moi, je sais que Nor ne tiendra pas sa langue. Elle finira d'une façon ou d'une autre par parler, ce n'est qu'une question de temps. Après tout, que vaut la menace d'Ana ?

Reste à voir qui pourrait bien croire une histoire comme ça. Et il y a encore des chances que l'irospice ait finalement eut un problème, aussi. Mais...

Mes pensées se dirigent vers mon père, que j'ai revu pour la première fois en des années il y a quelques jours à peine. Et soudain, mon cœur se met à battre plus rapidement.

Lui, il sait surement la vérité. Il y a certainement une raison pour laquelle il me déteste autant. Et il pourrait peut-être profiter de cette histoire pour m'atteindre, s'il l'apprenait. Il semblait avoir un haut grade, il doit en avoir le pouvoir.

J'essaie de trouver un plan de secours, au cas où les choses tourneraient mal. Mais qu'est-ce que je pourrais faire, si ça arrivait ? Qu'est-ce que je devrais faire pour éviter cette situation ? M'enfuir dans la ville ou dans les bas quartiers de Hadassa ? Ce serait vraiment compliqué au vu de toutes les mesures prises pour empêcher les habitants de venir dans les bordures de la ville. Je n'arriverais surement même pas à passer le premier mur. Ils me traqueraient et retrouveraient ma trace, sans aucune difficulté, et je ne pourrais sûrement même pas rentrer chez moi, puisque je risquerais de mettre ma mère et Zéra dans une mauvaise posture. M'enfuir en ville est tout bonnement trop compliqué, quasiment impossible. Et l'extérieur... Ce n'est même pas la peine d'en parler. Je ne connais rien au monde à l'extérieur de la coupole, à part pour les quelques informations qu'on a daigné nous enseigner en cours. De plus, l'air y est irrespirable, ça ne servirait à rien d'échapper à une mort par exécution pour finalement aller mourir en dehors de la ville. De ce que j'ai retenu, l'air irradié peut affecter quelqu'un en à peine quelques heures. Je n'aurais même pas le temps de profiter de ma sortie. Ou alors il me faudrait utiliser un masque et une combinaison de protection, comme les effacés en portent lors de leurs missions. Mais pour m'en procurer une, je ne saurais pas par où commencer.