Chapitre Cinquante-cinq

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Je fixe le peuplier en face de moi. Sous la pluie, il est magnifique. Ses branches se battent avec l'averse pour ne pas s'écrouler complètement. Je préfère me bloquer cette image dans la tête plutôt que le visage du nom que ma mère vient de prononcer.

Je soupire à nouveau.

- J'en ai aucune idée.

- Comment ça ? Il n'est pas avec toi ? 

- Non.

J'ai parlé trop vite, et trop fermement. Elle va se douter de quelque chose. Elle va savoir que c'est lui mon problème, que c'est de lui dont il fallait que je m'écarte à tout prix. 

En m'affalant dans la hamac que j'ai installé dans mon coin véranda, je rêvasse un instant. Est-ce qu'il pleut aussi fortement là où il se trouve ? Est-ce qu'il pense autant à moi que moi je pense à lui ? Je déteste me l'avouer mais c'est la vérité. Ca me rend dingue. Je pense à lui presque tous les jours. Inlassablement. J'aimerais être assez forte pour passer au-delà de tout ce qui me maintiens captive de mes pensées traîtresses, réellement. Ca me paraît presque impossible.

Presque. Parce que je l'ai déjà fait. Et qu'il n'y a aucune recette miracle à l'oubli et l'absence. Le temps suffit simplement à vous adapter à une autre vie sans. Tôt ou tard, j'entrerai dans cette autre vie. Je suis hyper pressée d'y arriver. L'idée me fait à moitié sourire.

En attendant que le thé refroidisse, je me prélasse en écoutant ma mère railler une fois de plus.

- Non ? Mais pourquoi ?

- Parce que les choses ont fait qu'il n'est pas à mes côtés en ce moment, voilà tout.

Pas la peine de tergiverser sur ce sujet, je décide d'en aborder un autre.

- Parle-moi de ton Harvey, maman.

C'est presque une supplique. Elle l'ignore immédiatement.

- Ca peut attendre. En plus, Harvey dort en ce moment. Je veux savoir pourquoi tu n'es plus avec ce bel et intelligent homme. Et ne t'avise pas de me mentir, Rain.

Je déteste l'interrogatoire dont cette conversation commence doucement à ressembler. Je pars dans l'idée de lui clouer le bec une fois pour toute. Après m'être éclaircie la gorge, je me reprends.

- Je savais que ce serait un homme occupé. J'avais raison. On n'est pas allé très loin ensemble et heureusement. J'aurais dû attendre une éternité avant de construire quelque chose de solide avec lui, on aurait même jamais eu d'enfants.

Ma mère manque de s'étouffer avec quelque chose qu'elle semblait manger. Je me crispe inconsciemment. 

- Quoi ? Tu veux des enfants Rain ? 

- Ce n'était qu'un exemple. Je n'en veux toujours pas, désolé. 

Je sais qu'elle rêve d'être grand-mère un de ces jours. Je maudis ce jours d'ailleurs. Mais étant donné que je ne compte pas le faire arriver, tout va bien. Il est tout simplement hors de question que je donne naissance à un enfant. Je ne veux pas donner vie à quelqu'un qui pourrait assister aux horreurs de notre monde. Et en particulier les horreurs qui m'habitent. Et puis,j'aurais malheureusement de grands problèmes pour trouver un moyen de l'élever correctement.

Le grain d'espoir de ma mère se meurt aussi vite qu'il est apparu. Pardonne-moi maman.

- Evidemment, tu es butée comme enfant, c'est incroyable !

- Si tu le dis.

- Ce que je dis, c'est surtout que tu viens de perde quelque chose. Il avait l'air de quelqu'un de bien pour toi. Tu as besoin que l'on te protège, Rain, tu es précieuse enfin. Il aurait convenu.

HunterWhere stories live. Discover now