Chapitre 22 - Les souterrains

119 18 1
                                    

Ce Brigand m'intrigue: se serait-il retrouvé abandonné par ses camarades à cause de sa blessure à la jambe? C'est plus que probable.

En attendant, il est la victime idéale. Je m'éloigne un peu, afin de ne pas éveiller ses soupçons. À Tal-Jinn, se faire poursuivre par un groupe d'hirondelles peut être synonyme de mauvaise nouvelle. Je lance aux deux Sylphes derrière moi:

« Pour le moment, nous allons nous contenter de le suivre. »

Elles acquiescent d'un signe de tête. Je me retourne, et focalise mon attention sur le voleur pour ne pas le perdre de vue. Il remonte lentement la rue, clopin-clopant. Finalement, après seulement quelques virages, je le vois disparaître à l'ombre d'un cul-de-sac étroit.

Je décide d'opter pour une forme plus adaptée à l'espionnage: l'hirondelle que je suis se laisse tomber au sol et c'est un petit matou au poil couleur sable qui se réceptionne souplement au sol. Derrière moi, deux autres félins se faufilent dans l'impasse.

Tapies derrière un monticule de déchets, nous observons le Brigand. Enfin, c'est ce que je voulais que l'on fasse. Mais il n'y a plus personne.

Intriguée, je remue mes vibrisses et m'approche à pas feutrés du fond du cul-de-sac. Avec un peu de chance, l'homme nous as peut-être repérées, et veut nous tendre une embuscade. Dans ce cas, je me ferai un plaisir de lui tomber sur le râble pour lui soutirer des informations à grand coup de claques griffues.

« Chef, murmura Glys en pointant de ses oreilles le fond enténébré de la ruelle, il n'y a pas une trappe là-bas?

- Exact, bien vu. Allons voir ça. »

Effectivement, la Djinn avait vu juste: il y avait une trappe en bois, à demi-dissimulée sous une couche de sable. Si le Brigand n'avait pas pris la peine de mieux la cacher, personne ne se serait douté que cette impasse comportait un passage vers les souterrains. Enfin, si je m'en serai douté au bout d'un moment.

Mais vous m'avez compris.

Je reste immobile quelques instants, les sens aux aguets, m'assurant que le voleurs'est éloigné. Puis je reprends ma forme humaine, et soulève avec luxe de précautions le panneau de bois. Il s'ouvre sur un carré de noirceur, d'où s'élève un nuage de sable à l'odeur rance.

Sur ma droite, je vois les pupilles de Thym s'arrondir, et le pelage de Glys se hérisser. J'aurai certainement eu la même réaction qu'elles si j'avais conservé mon apparence de chat. À la place, je me contente de grimacer. Les sous-sols ont un effet néfaste sur les Sylphes.

Dans certaines contrées, il existe encore d'immenses prisons souterraines où les Sylphes y sont enfermés: c'est le meilleur moyen de les rendre inoffensifs. S'ils y restent trop longtemps, il est possible qu'ils en meurent. Nous ne pouvons vivre qu'au grand air, comme les Efrits ont besoin de la présence du feu pour se guérir ou les Marids de l'eau.

Je calme ma respiration, et essaie de garder une façade paisible face aux deux petites élémentaires.

« N'ayez crainte, je ne vais pas vous demander de vous rendre à l'intérieur. Néanmoins, ajoutais-je en voyant leurs mines rassurées, je vais avoir besoin de vous. Vous allez discrètement monter la garde, et murmurer un message d'alerte au vent si jamais d'autres Brigands retardataires arrivent. Comme ça, je serai prête à me défendre au cas où. Compris?

- Oui, s'exclama Glys d'un air sérieux, chef! »

Thym hocha le museau tout aussi solennellement.

Je leur fait mon plus beau sourire et saute dans le noir, espérant que l'atterrissage ne sera pas trop rude. Par chance, ce n'est pas trop haut: je pourrai toucher la trappe en levant les bras. D'ailleurs, je referme cette dernière, comptant sur les deux Sylphes pour qu'elles la recouvre de sable.

On ne voit rien, là-dedans. Mon cœur bat la chamade, et l'étrange impression qui m'enserre les boyaux ne cesse de croître au fur et à mesure que je progresse. Le fumet encore frais d'un humain vient chatouiller mes narines. Le trajet n'est pas linéaire: je sens sous mes mains, qui longent les parois de pierre, que le chemin se sépare en plusieurs embranchements.

Mais ces différents accès ne m'intéressent pas: je suis la piste du voleur, progressant avec prudence. Rien ne m'indique qu'il n'y a pas d'autres personnes dans ces tunnels.

L'odeur de décomposition est vraiment étouffante. Je commence à trembler. Je redouble d'efforts et poursuis mon chemin. Sous mes pieds, je sens de temps à autre que le sol s'enfonce pour former de larges rigoles déformées par le temps.

C'est dingue à quel point on peut se sentir bête quand on cherche quelque chose dans le noir. On n'y voit goutte, et je ne vois aucune barrière magique émettre une lueur. D'un côté, je me passe très bien de cette lumière, cela signifierait sinon la fin de mes recherches: je ne pourrai aller plus loin. Par chance le dôme n'a pas l'air de passer sous terre.

Je pourrais très bien prendre l'apparence d'un chat pour mieux y voir, mais ça ne m'avancerai pas à grand-chose: je piste une odeur, pas une image. Le fait de ne rien voir me permet de me concentrer sur mon odorat.

Après un temps indéterminé à déambuler dans le noir, j'aperçois un fin rayon de lumière filtrer à travers les épaisses ténèbres. Je m'en approche avec précipitation, me délectant de l'air frais qui m'entoure au fur et à mesure que j'avance.

Finalement, après une volée de marches grossièrement taillées dans la pierre, je me retrouve face à une vieille porte en bois. J'ignore quel miracle l'a préservée aussi bien du temps. Je pose ma main sur la poignée et ouvre délicatement la porte.

Elle grince légèrement, et révèle un paysage plongé dans l'ombre de hautes falaises de terre rouge. Ces dernières sont séparées par la Rivière Ocre, le prolongement du Fleuve El-Geyo. Je dois donc me trouver non loin de Tal-Jinn, dans les Canyons du Nord. Malgré la chaleur étouffante de ces derniers temps, l'herbe qui s'épanouit près de l'eau est d'un vert profond.

Le Brigand à la patte folle est introuvable. Il a du rejoindre ses copains quelque part dans les canyons.

Une idée traversa mon esprit.

Mais bien sûr, songeais-je soudainement, ces souterrains, ce sont les anciens égouts de Tal-Jinn! Maintenant que j'y pense, je me rappelle que les humains avaient abandonnés le projet car il était trop coûteux.

Après cette découverte relativement inutile, je jette un coup d'œil au ciel. Ce dernier est d'un splendide bleu indigo. Ce qui signifie que c'est l'après-midi. Je passe ma main sur mon menton, perplexe. Je ne pensais pas avoir mis tant de temps dans ces souterrains... Glys et Thym doivent s'inquiéter pour moi.

Bien décidée à ne pas rentrer trop tard, je repars aussitôt dans les égouts. J'avais prévu de me ressourcer un peu mais je n'ai pas de temps à perdre.

De nouveau à l'intérieur, je referme la porte, me plongeant dans la pénombre. Le malaise qui m'avait quittée revient immédiatement. Cette impression d'être prise au piège me rend malade.

Et de ce fait, je perd un temps fou à retrouver mon chemin.

 Alors que je commençais à m'affaiblir de plus en plus, un message d'alerte me parvient, porté par un souffle de vent infime. Je reconnais la voix de Glys. Quelque chose approche. 


-------------------

[Natural Landscape - by Anita Dorcet]

Il y a donc bel et bien un moyen de s'échapper... Mais Kalahares ne semble pas en état de rentrer par elle-même, sans compter que quelque chose, ou quelqu'un, approche. A votre avis, de quoi s'agit-il?

N'oubliez pas le ptit vote si cette histoire vous plaît, merci ;) Bonne journée!

DjinnsWhere stories live. Discover now