Chapitre 2 - Le pacte

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Le silence. Ponctué du claquement régulier des chaussures sur le sol.

« Dis-moi gamin, c'est quoi ton nom, déjà?

- Shad, chef. »

Nouveau silence. Le petit groupe marchait dans une rue plongée dans l'ombre. Seules quelques rares lueurs dans les maisons donnaient un peu de relief et de couleur à la ville endormie.

Chahine marchait en tête, aux côtés de l'enfant. Derrière eux cinq hommes armés les suivaient, guettant le moindre danger. Le meneur n'arrêtait pas de tourner et retourner la bague entre ses mains, impressionné.

Son petit singe de compagnie lorgnait le bijou avec envie. Un si beau saphir irait peut-être bien avec son pelage roux...

Les chaussures crissaient sur les pavés couverts par une épaisse couche de sable, après le passage de la tempête. Par chance, cette dernière avait été exceptionnellement faible. Seules quelques tuiles mal attachées s'étaient envolées, et étaient retombées un peu plus loin.

Il ne manquait plus que de souhaiter bonne chance à ceux qui voulaient les retrouver.

Après un temps de réflexion très bref, Chahine s'était dit que garder le petit garçon avec lui était une très bonne idée. Il le questionna à nouveau:

« Comment tu t'y prends?

- Les gens barricadent leurs portes, répondit le gamin d'un air détaché, renforcent leurs serrures, mais ne pensent jamais aux fenêtres. Elles sont trop fines pour qu'un voleur puisse s'y couler. Mais moi, j'y arrive! Et là je peux piquer tout ce que je veux. J'ai pris beaucoup de risque, vous savez. J'avais jamais été aussi loin dans les quartiers chics pour trouver cette bague. En plus...

- J'ai compris, l'interrompit Chahine, c'est bon. Dis-moi plutôt: pourquoi tu ne fais pas ça plus souvent? Tu pourrais être riche... »

L'homme jeta un coup d'œil à Shad; pour un orphelin sans éducation, il avait du répondant. Le gamin s'expliqua:

« Une fois, y'a pas longtemps, j'ai trouvé un beau collier en perles, dans une maison très chic. J'ai voulu le vendre à un marchand, mais il a ordonné à un de ses hommes de m'assommer, et il s'est enfui. Quand je me sui sréveillé, j'avais plus le collier. Je préfère voler de la nourriture, ça attire moins de soucis. »

L'homme sourit pour lui-même: il avait songé, au début, à faire la même chose avec Shad. Mais ce gosse avait un talent qu'il serait dommage de gâcher. Aussi, lorsqu'ils arrivèrent dans une des nombreuses planques des Brigands de la ville, Chahine s'arrangea pour trouver une chambre rien que pour Shad. Il lui assura qu'il aurait le droit de s'y rendre quand il le souhaiterait, et qu'il serait nourrit au moins deux fois par jour.

Cette dernière annonce enchanta l'enfant. En échange, il devait rapporter à l'homme d'autres bijoux et objets précieux.


Les années qui suivirent, Chahine s'enrichit considérablement. On aurait pu trouver cela curieux, car l'homme possédait déjà plusieurs réseaux de maisons closes, trafiquants de drogue ou de pierres précieuses, sans compter ses hommes qui pillaient chaque jour les bas-fonds de la ville...

Mais rien de tout ce qu'il avait était capable d'égaler en valeur les biens dérobés par son petit voleur de talent. Ce dernier allait même jusqu'à piller les maisons des plus grandes figures de la ville, ou le roi lui-même.

Shad, bien qu'il n'était plus assez fin pour passer entre les fenêtres, avait développé une habileté et une discrétion presque félines. Son talent était à son apogée, et le jeune homme avait déjà eu l'audace de voler une parure du roi Ismeth en personne. Chahine l'avait revendu à un noble corrompu d'une contré voisine pour une somme astronomique.

DjinnsWhere stories live. Discover now