Chapitre 4 - Le malentendu

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Shad n'en revenait pas: il venait de passer une journée entière à voyager sous le soleil, puis avait attendu des lustres pour saisir la bonne occasion, et voilà qu'une autre voleuse vient lui mettre des bâtons dans les roues!

Et fringuée comme une débauchée, en plus de ça!

Sans attendre, malgré l'étrange impression qu'il ressentait en regardant les yeux de la jeune femme, il l'attaqua: il était hors de question qu'il la laisse faire. Son poignard était déjà dans sa main, il n'eut pas de mal à le brandir.

Une bref rixe, un étrange fourmillement dans l'air, et l'instant d'après, il était enserré dans une étrange enveloppe écailleuse qui l'empêchait de faire tout mouvement. Il paniqua, complètement perdu.

C'est quoi ce délire?!

L'adolescent se débattit vainement, et tenta de hurler, sans grand résultat. Il sentait son cœur se soulever, et comprit subitement qu'il était au-dessus du vide. Avant même qu'il n'ai le temps d'avoir le vertige, la créature le balança sans ménagement au sol.

Son crâne percuta rudement le sol, et il vit trente-six chandelles.

Par réflexe, il se remit debout malgré sa vision trouble, les membres et la tête douloureux, et se jeta sur la créature en hurlant. À nouveau un coup de vent, qui porta sa voix bien loin au-dessus de sa tête, et l'envoya à terre.

Une serre dorée se planta brutalement dans la terre et l'immobilisa pour de bon. Il fallut à Shad un petit temps de flottement avant de comprendre qui était en train de l'agresser.

Un Djinn! Inutile de lui faire face alors. Reste calme. Attends de voir comme tournent les choses...

Shad détendit tout ses muscles, admettant sa défaite. Mais il tenait toujours son arme en main. Pendant un court instant, il se dit que c'était Chahine qui avait envoyé son Efrit de compagnie pour le tester, mais jamais cette idiote de créature n'aurait eu autant de force.

Une gueule reptilienne se pencha au-dessus de lui, l'air mécontente. Dans un claquement de crocs peu rassurant, le dragon déclara:

« Dis donc, tu n'es pas très discret pour un voleur! Quelle idée de hurler ainsi, juste à côté du camp! Heureusement que j'ai pu emporter ta voix loin de l'oasis, parce que sans ça, tu fichais en l'air mon plan. Maintenant, petit, explique-moi ce que tu fichais ici. »

La voix féminine qui s'échappait de la gueule de l'horrible bête rendait la situation cocasse: la Sylphe devait également s'en rendre compte, car elle changea subitement de forme.

C'est donc une jolie voleuse entièrement vêtue de noir qui s'assit en tailleur aux côtés de Shad.

Ce dernier, essayant de ne pas trop prêter attention à l'attrayante apparence de l'esprit, se redressa en étouffant un juron. Il se trouvait dans une clairière qui jouxtait le camp, faiblement illuminée par les torches qui éclairaient ce dernier.

Un peu plus loin, la terre était jonché de dattes, pour un grand nombre à moitié dévorées.

Certainement des singes, songea Shad.

Il se tourna vers la jeune femme, qui continuait à le dévisager. Ses yeux d'un gris impressionnant le scrutaient avec plus de curiosité que d'agressivité; seule pointait dans ses prunelles une lueur d'agacement.

« Bon alors, grommela la Djinn en brisant le silence, tu sais parler, oui ou non? Et arrête de me regarder avec des yeux de... pois chiche!

- Mais les pois chiches n'ont pas d...

- S'en fiche, l'interrompit l'autre, c'était juste histoire de t'insulter. Maintenant que j'ai la confirmation que tu sais te servir de la parole, réponds-moi. »

Shad ne put s'empêcher de sourire: lui qui avait toujours pensé que les élémentaires étaient des créatures vulgaires et cruelles, il se trompait! Cette Sylphe avait du caractère, c'était sûr, mais ne semblait pas lui vouloir du mal. L'air doux et vaguement niais qui se peignait sur les traits de la voleuse le conforta un peu plus dans cette idée.

Ou alors, douta-t-il un instant, elle tente de m'amadouer. Les Djinns sont les maîtres de l'illusion. Je suis de toutes façons incapable de faire autre chose que de me plier à sa volonté, pour le moment...

Il décida donc de raconter dans les grandes lignes son plan. Emporté par l'air de plus en plus intéressé de la Sylphe, Shad fini par tout lui raconter, ce qu'était sa vie, et ce qu'il avait l'intention d'en faire à présent.

Elle l'écouta sans broncher, puis, quand il acheva son récit, déclara:

« Sympathique histoire. D'après ce que tu me racontes, Chahine n'est pas seulement un chef: c'est un tyran. Moi, pour toutes les horreurs dont il était capable, je l'aurai bien mangé. Enfin bon, ça, ça dépend des goûts.

- Tu as déjà mangé des humains? le questionna Shad en resserrant un peu plus son emprise sur son poignard. »

La Djinn sourit, sans pour autant faire aucun geste. L'adolescent eu subitement l'impression que l'air était alourdi par un vent humide et étouffant. Après un petit moment de silence tendu, la voleuse lui répondit:

« En vérité, non. Mais j'en ai déjà tué. Ne t'inquiètes pas, et inutile de t'assurer que tu pourrais éventuellement te servir de ton arme: je n'aurai aucun mal à l'envoyer valser bien haut dans le ciel. Et puis, je ne tue que par nécessité. Toi, un gamin de dix ans à tout casser...

- Seize, s'offusqua Shad, j'ai seize ans.

- C'est pareil, fit la Sylphe en haussant les épaules, une année de plus ou de moins... Enfin bref, je n'ai pas vraiment besoin des richesses de ce noble, en tout cas bien moins que toi. Va donc lui faire les poches, mais un conseil: reste loin de Tal-Jinn pour le moment. Si Chahine apprend ta trahison, tu ne vas pas rester vivant très longtemps, aussi doué et habile sois-tu. »

Shad acquiesça, sans rien dire de plus. Il était trop surpris qu'une telle créature lui donne des conseils.

La jolie voleuse se leva d'un bond souple, et commença à s'éloigner d'un pas tranquille. Avant qu'elle ne soit trop loin, Shad l'interpella:

« Au fait, comment tu t'appelles? »

Le jeune garçon savait pertinemment que les Sylphes n'avaient pas de nom de famille. Mais ils utilisaient souvent le nom du lieu auquel ils étaient le plus lié. Shad pourrait au moins s'y rendre, un jour, pour la remercier.

La Sylphe se retourna, lui adressa un petit sourire, puis annonça:

« Kalahares.

- De...?

 - De Tal-Jinn. Tu connais, fit-elle d'un air malicieux, non? »


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[Golden dragon - by telthona]

Et voici donc le premier échange entre Shad et Kalahares. Alors, si vous auriez été à la place de la Sylphe, vous aussi vous auriez laissé le trésor à un inconnu? Ce qui est sûr, c'est que la générosité de Kalahares sera profitable pour notre jeune voleur!

Pensez à laisser votre avis, ça fait plaisir de voir que vous appréciez mon histoire :)

Bonne journée!

DjinnsOnde histórias criam vida. Descubra agora