Chapitre 6 - Mauvaise pioche

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« La bibliothèque va fermer. »

Shad se réveilla en sursaut, surpris par la voix aigrie de la femme. Il cligna plusieurs fois des yeux, égaré. Puis il réalisa qu'il s'était endormi sur son livre, bercé par la douce odeur de papier et par l'agréable chaleur de la pièce.

Il se leva, et jeta un coup d'œil à la fenêtre: le soleil n'allait pas tarder à se coucher, et le jeune voleur avait l'intention de partir le lendemain matin, dès l'aube.

Tout en piochant au hasard la première carte venue, Shad repensa aux propos tenus par Maître Gimund dans son livre. L'homme vouait un grand respect pour les Djinns, et affirmait avoir eu la chance d'en côtoyer.

Tous les croquis sur les murs de la pièce, qui étaient d'ailleurs d'une grande précision, avaient été faits par ce dernier.

Dommage qu'il n'ai pas donné les noms des esprits avec lesquels il conversait, songea Shad en contemplant les innombrables fresques, peut-être que Kalahares les connaissait.

Le jeune voleur haussa les épaules, et s'engagea dans les escaliers. Il aurait bien l'occasion de revenir dans cette bibliothèque pour en savoir plus.

Une fois sa carte achetée, il sortit de la tour et se dirigea vers la modeste avenue où il avait loué sa chambre dans une auberge. Comme il l'avait prise pour deux jours, il s'était octroyé le luxe de cacher le restant de bijoux sous le matelas du lit.

En espérant que les possesseurs de l'auberge ne soient pas trop méticuleux dans leur ménage...

Shad, l'air rêveur, se laissa un instant porté par les multiples bruits de Tal-Jinn qu'il connaissait si bien: le tintement des sabots et des roues des charrues sur les pavés inégaux, les interpellations des marchands, les rires des gamins des rues, le piaillement des hirondelles et le brouhaha incessant de la foule.

L'adolescent réalisa soudainement qu'il allait quitter sa ville natale demain, et n'allait peut-être pas la revoir avant longtemps. À cette idée, son cœurse serra. Bien qu'il y avait vécu une vie miséreuse, c'était ici et nul part ailleurs qu'il se sentait le plus heureux.

En lui, plusieurs émotions se faisaient face: à la fois impatient de se lancer seul dans l'inconnu, Shad redoutait également de ne pas être assez âgé ou expérimenté pour traverser le désert.

Ses doutes furent vite oubliés: une fois qu'il passa le seul de l'auberge, l'ambiance qui y régnait à l'intérieur l'interpella.

Il y avait bien plus de monde qu'à l'accoutumée. Les cris et rires qui animaient la grande salle d'habitude avaient laissés place à un silence ponctué de murmures.

« Qu'est-ce qu'il se passe? demanda Shad au premier homme qu'il croisa.

- Toi, t'es pas un habitué de l'Alouette, lui répondit l'autre en lui adressant un sourire édenté, je me trompe? Tous les trois jours, y'a un tournoi de cartes qui est organisé. On peut parier ce qu'on veut, du moment qu'on ne le regrette pas trop après: la patronne veut point de bagarre dans son établissement.

- Je vois. Dites, tout le monde peut participer?

- Bien sûr, mon p'tit. Mais t'emportes pas trop, hein. Ça n'est qu'un jeu. »

Shad acquiesça, salua l'homme et fonça à l'étage, là où se trouvait sa chambre. Il dégota dans ses sacs des colliers suffisamment beaux pour attirer un parieur envieux, mais pas assez pour trop se faire remarquer.

L'adolescent voulait juste jouer une partie pour se détendre, quitte à perdre un bijou.

Tout était plongé dan sune épaisse fumée de cigares, mêlée d'une forte odeur de sueur. La grande salle était plutôt accueillante pour les habitués des tavernes noyées dans l'alcool que l'on trouvait dans les bas-quartiers.

DjinnsWhere stories live. Discover now