Chapitre 8 - Visite surprise

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Shad me salua, puis disparu dans l'ombre d'une ruelle. Je regardai encore un instant l'endroit où la noirceur voluptueuse de la nuit l'avait englouti, puis adopta la forme d'un élégant chat blanc qui alla se blottir sur un toit.

 Le matou leva les yeux vers le ciel piqueté d'étoiles, et soupira.

La ville dormait encore, le jour n'allait pas se lever de si tôt. J'avais à moi encore quelques heures mortes pour méditer, avant de me faire une petite visite touristique.

Je repensais à Shad... Ce garçon était encore un peu naïf et trop gentil, mais je l'aimais bien. Il n'avait pas parlé de vengeance quand j'avais évoqué Chahine pendant notre voyage. Déjà un bon point, car ce sentiment est typique chez l'espèce humaine.

Il est courageux, aussi. Ou inconscient, à voir. En tout cas, il n'avait pas semblé apeuré à l'idée de revenir à Tal-Jinn. Pas même de la façon dont je l'ai fait, d'ailleurs... Il fallait dire que les portes étaient fermées, et qu'il fallait bien passer par-dessus la muraille.

J'espère que les quelques gardes qui faisaient leur ronde à ce moment-là sur les remparts n'auront pas à faire un rapport détaillé de ce qu'ils ont vus. C'est-à-dire un gecko géant qui marchait sur deux pattes, portant un adolescent d'une patte et une grosse pierre de l'autre.

Avec cet ustensile, je me suis simplement assurée qu'ils ne donnent pas l'alerte. Au moins, ils dormiront bien cette nuit.

Moi, maintenant que je suis dans ma ville si chère à mon cœur, je ne sais pas par où commencer: j'aimerai revoir tous les bâtiments que j'ai érigé à la force de mes bras (ou plutôt de ceux des Djinns inférieurs qui étaient sous mon service).

Je dois dire, sans me vanter, qu'il y en a d'innombrables. J'ai contribué à la construction du palais royal, des murailles, et des tours les plus opulentes. Rien que ça.

Alors que mes rêvasseries m'entraînaient doucement vers le sommeil, une puissante décharge d'énergie me réveilla en sursaut. Aussitôt, le chat scruta les alentours d'un œil alerte et banda ses muscles, prêt à l'action.

L'air s'était subitement chargé d'une pression indescriptible que je connaissais bien. Ma gorge se noua. Un Djinn de type supérieur, suffisamment fort pour perturber l'atmosphère, s'approchait de moi.

Le suspens ne dura pas longtemps: un grand lion ailé se posa avec souplesse sur le toit où je me trouvai, et me salua d'une belle voix suave:

« Salut à toi, Kalahares. »

Le chat remballa vite fait griffes, crocs et poils hérissés. Celui qui se tient devant moi n'est autre que Témès, l'un des plus puissants Marids que je connaisse. Il est le gardien attitré de Tal-Jinn depuis que cette dernière existe, et surtout, le Djinn protecteur de la lignée royale. On a même érigé un temple en son honneur dans le palais royal, le chanceux.

J'adopte une forme un peu plus conséquente, histoire d'arrêter de me sentir minuscule. C'est donc un léopard avec de très jolies tâches qui s'incline respectueusement devant le Marid.

À côté de lui, je suis respectueuse, mais pas insignifiante. J'ai un minimum de fierté, tout de même.

Ce coco-là, je le connais depuis quelques années déjà: ont bossait ensemble sur les chantiers de la ville. Enfin, disons qu'il me donnait des ordres, que je faisait semblant d'appliquer en refilant le boulot aux moins gradés que moi.

Il en impose, en plus d'avoir très bon goût dans son apparence et de se battre redoutablement bien. Ne vous y trompez pas, je ne suis pas sous son charme. Il en faut plus que ça pour séduire la légendaire Kalahares.

DjinnsWhere stories live. Discover now