Djinns

Chapitre 17 - Le plan

Shad resta longtemps seul dans la ruelle, droit comme un i, ne sachant que faire. Le parfum envoûtant de la Sylphe, et la vision de cette dernière qui venait s'enfuir troublaient son esprit.

Qu'est-ce que tu viens de faire?

Le jeune homme avait passé tellement de temps à chercher une réplique glamour qui serait idéale à caser dans ce genre de moments fatidiques, où tout semblait perdu... Kalahares n'était peut-être pas du genre romantique.

Alors qu'il était aux prises avec ses tourments intérieurs, l'odeur nauséabonde d'un cadavre de rat vint lui chatouiller les narines.

Il s'éloigna un peu du cul-de-sac, contourna quelques monceaux d'ordures et songea:

Non, tout compte fait, c'est plutôt l'endroit qui n'est pas adapté pour embrasser une si jolie femme...

Shad secoua la tête, chassant ses pensées. Ce n'est pas le moment. Il abandonna ses soucis mineurs pour faire un récapitulatif de la situation.

Chahine possédait un puissant talisman capable de détruire la ville, et Shad était à présent seul au beau milieu d'un quartier miséreux contrôlé parle chef des Brigands.

La nuit porte conseil, songea-t-il en contemplant un instant l'éclat glacé et lointain des étoiles, on verra bien ce qu'on fera demain.

Alors qu'il était enquête d'une auberge où dormir, Shad déboucha dans une rue plus large, et surtout plus animée.

Des bâtiments qui longeaient l'avenue s'échappait une chaude lueur orangée qui venait se déverser sur les pavés et donner un peu de relief à la ville. L'odeur de l'alcool et de la viande grillée embaumait l'air, se mêlant au parfum de la cendre. Les tavernes étaient encore ouvertes, et sur leur seuil s'entassaient plusieurs groupes de truands qui venaient de dilapider leurs maigres bourses dans les boissons.

Certains dansaient sur le trottoir, d'autres chantaient à tue-tête des chansons dont eux seuls comprenaient les paroles, et les plus éméchés se traînaient contre les pavés, n'arrivant même plus à tenir debout. Un peu à l'écart, quelques belles-de-nuit, comme les habitants avaient coutume de les nommer, regardaient la scène d'un air amusé.

Elles lançaient des clins d'œil aguicheurs aux soiffards, s'avançant dans la lumière pour dévoiler le peu de tissu coloré qui couvraient leur corps. Les malheureux ivrognes, qui au bout de deux pas perdaient l'équilibre et s'effondraient, étaient réduits à observer avidement de loin les prostituées.

« Joli tableau. »

La voix fit sursauter Shad. Une silhouette délicieusement familière se tenait juste à côté de lui.

« C'est très bien tout ça, fit Kalahares d'un air moralisateur, mais ça ne nous avance pas. On a du pain sur la planche! »

Le ton plus que forcé de la Sylphe fit sourire Shad. Il voulut lui faire une remarque, mais le regard assassin qu'elle lui lança incita Shad à ne pas faire de commentaire sur ce qu'il s'était passé un peu plus tôt.

Ses ailes dorées étaient discrètement repliées sur son dos, et le jeune voleur remarqua qu'une série de poignards venaient décorer sa ceinture. La Sylphe avait certainement une idée en tête.

Elle lui empoigna le bras et l'incita à la suivre. Shad reconnu le chemin qu'il venait de faire en sens inverse il y a à peine quelques instants, et qui menait chez le repère du chef des Brigands.

« Écoute, lança-t-elle d'une voix enjouée tandis qu'ils longeaient à vive allure les bâtiments miteux, on ne va pas perdre de temps. Pour le moment, on ne peut rien tenter tant qu'on ne sait pas où se trouve le talisman. Je te propose que tu te rendes au palais pour convaincre par je ne sais quel moyen que Tal-Jinn est en danger. Avec un peu de chance, si plus de soldats patrouillent ou si aucune sortie de la ville n'est autorisée, ça réduira les déplacements de Chahine. Moi, je continue de le surveiller. »

Le voleur s'arrêta net, caressa son menton d'un air perplexe et s'imagina le plan. Il y avait tant de facteurs, tant de possibilités qui pourraient le faire échouer, que Shad préféra y réfléchir un moment.

C'est bien mais...

Shad tergiversa un instant de trop: la réplique cinglante de la Sylphe le força à avancer:

« Ne te fatigue pas à réfléchir avec un cerveau que tu ne possède pas. »

Le voleur se tut pendant une bonne partie du trajet, mais il finit par questionner Kalahares:

« Euh, ce ne serait pas plus avisé si on échangeait les rôles? Le roi Ismeth accordera certainement plus de valeur aux propos d'une Djinn qu'à un simple voleur comme moi... Et si jamais le roi ne me croit pas...

- C'est un risque à prendre. Néanmoins, si Chahine ou Jurios, passaient à l'action, je serai plus apte à les espionner ou à les suivre que toi. Sans vouloir te vexer, s'empressa-t-elle d'ajouter en voyant la mine contrariée du jeune homme, je ne pense pas que tu sois capable de pister un Efrit. Ils sont rapides. »

Shad hésita un moment, mais comme il n'avait pas de meilleure idée, il acquiesça sans rien ajouter.

Était-ce le hasard, ou un coup de chance, mais au moment même où ils bifurquèrent à l'angle d'une rue pour arriver devant le cul-de-sac, ils virent un petit singe roux muni de larges ailes s'envoler prestement.

Kalahares réagi au quart de tour: elle déploya ses ailes et murmura à Shad:

« On se retrouve devant le palais! »

Et elle disparut dans le ciel, portée par la brise qui s'amplifia brusquement.

« Bon, murmura Shad pour lui-même, je n'ai plus qu'à réveiller le roi Ismeth, provoquer un bazar monstre pour que l'on puisse ouvrir les portes du palais, mettre en rogne Témès pour avoir réveillé son adoré maître, et leur déclarer sans aucune preuve tangible que Tal-Jinn est menacée par un vieux balafré et un singe débile. Génial. »

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[Dusk - by TitusLunter]

Et ça y est, le plan est mis en marche! A votre avis, est-ce que Kalahares va réussir à rattraper Jurios? D'ailleurs, où l'Efrit va-t-il se rendre...?

Quant à Shad, il a une mission des plus dangereuses: il va devoir se retrouver confronté à Témès, qui n'est pas du genre très aimable quand il s'agit de réveiller son roi à des heures impossibles...

Merci pour vos lectures.