Chapitre 13 - Vieille connaissance

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Vous ne pouvez savoir à quel point je suis heureuse d'être sortie de cet enfer! J'ai encore un peu de mal à réfléchir avec bon sens...

J'ignore si c'est dû à ma longue captivité ou au (farouche) baiser de Shad. L'une comme l'autre m'a beaucoup perturbée. Il faut dire que je n'ai jusqu'à maintenant eu aucun véritable contact avec un humain... Enfin.

Pour essayer de me changer les idées, dès que j'ai eu la force nécessaire pour me transformer à nouveau, j'ai tout de suite bondit sur les premiers singes qui passaient dans le coin, sous la forme d'un agile léopard.

Visiblement, ça n'a pas eu l'air de dégoûter Shad. Tant mieux, je peux comprendre qu'on ai du mal à avaler une figue après avoir vu quelques morceaux d'intestins voler un peu partout.

À présent nous sommes tout deux allongés dans l'herbe, savourant un instant la fraîcheur de l'ombre des arbres.

Il faut dire que le soleil est déjà haut dans le ciel, et la température est insupportable. Alors que je me demandais bien ce qu'on allait faire maintenant, la voix de Shad interrompit le fil de mes pensées:

« Tu m'expliques pourquoi tu n'as pas fait exploser cette barrière dès que l'on t'a jeté dans le temple? Tu aurais eu la force nécessaire, non? »

Je reste un instant silencieuse. J'ai la réponse, mais je n'ose pas vraiment la lui donner. Je finis par soupirer, et lui dit:

« Je ne m'en pensais pas capable. Pour tout t'avouer, je crois que sans toi, je n'aurais jamais pu réussir... »

Mon honneur vient d'en prendre un coup, je le concède. Un moment de flottement passe entre nous, mais finalement Shad a la bonne idée de changer de sujet:

« Je vois encore la tête de Chahine! Ton idée de les attendre sur le toit pour leur voler des bijoux, c'était tellement fourbe!

- J'ai surtout eu de la chance d'entendre leurs voix depuis l'autre côté du fleuve, le vent venait vers nous.

- Tu as une bonne ouïe, me fit remarquer le voleur, est-ce que c'est commun à toutes les catégories de Djinns? »

Je gonfle légèrement le poitrail, et d'une voix tout à fait modeste, je lui répond:

« Sans prétention, je dirais que, vu que les Sylphes sont les Djinns les plus exceptionnels d'entre tous, non. Les Marids et les Efrits entendent aussi bien qu'un vieillard sénile comparé à nous. Nous avons le pouvoir de contrôler les vents, avec les paroles qu'ils apportent. Tu vois, là, le courant d'air qui rampe près du sol m'amène le bruit feutré d'un chat sauvage qui... Tu m'écoutes?

- Mh? Désolé, mais ta vanité m'endort un peu. Ça ne te dérange pas si je pique un somme deux secondes? La nuit a été longue. »

Je manque de lui filer une baffe, mais m'arrête dans mon élan et ma main atterrit près de sa tête. Penchée sur lui, je le regarde. Il dort déjà, pelotonné contre un palmier à la manière d'un chat. D'un gros chat. Je n'ai pas envie de lui sortir une bonne demi-douzaine de répliques stylées si c'est pour qu'il me réponde par des ronflements.

Je me remets debout et m'éloigne donc en marmonnant. Instinctivement, je me dirige vers le désert.

Moi? Vaniteuse? Nan mais il se prend pour qui lui!

Je marche un peu, et finis par me percher sur une roche qui saillait au-dessus du sable chauffé à blanc.

Alors que je concevais mille et une façons perfides de réveiller Shad tout à l'heure (l'idée de le balancer dans le point d'eau prône pour le moment), un fourmillement familier vint perturber l'air.

DjinnsWhere stories live. Discover now