Chapitre 19 - Le roi Ismeth

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Shad leva les yeux vers les hautes tours du palais royal, qui se perdaient dans les ténèbres de la nuit. Il se frotta le visage du revers de la main, autant pour retirer les grains de sables sur ses joues que pour chasser la fatigue qui alourdissait ses paupières. La pointe acérée d'une lance lui rentra entre les côtes pour l'inciter à avancer.

Le jeune homme jeta un regard aux gardes. C'était déjà un exploit d'avoir réussi à les convaincre de le laisser entrer. Il le devait en grande partie aux quelques pièces d'or qui étaient venu appuyer ses propos.

Ne manquait plus que de réclamer une audience de toute urgence au roi Ismeth.

Au détour des hauts palmiers, on entendait les fouets claquer et des tigres rugir. Ces derniers, qui d'ordinaire dissuadaient les voleurs de venir se promener dans les jardins, étaient tenus à distance par des dresseurs pour éviter à Shad et son escorte de terminer en croquettes.

Tandis qu'ils traversaient les somptueux jardins en direction de l'entrée du palais, Shad repassa en tête une énième fois ce qu'il avait l'intention de dire au roi. Il en était à réviser la tournure de phrase pour sa cinquième excuse consécutive, qui viendrait juste avant son quatorzième compliment, lorsque les portes du palais s'ouvrirent.

Il oublia tout son texte à la vue de la créature qui se tenait entre les deux imposants panneaux de bois.

C'était un Sphinx, immense, qui balayait de son regard brûlant le groupe d'hommes postés au pied des marches. Ses muscles épais roulaient sous son pelage bleu nocturne, et les plumes de ses larges ailes avaient laissé place à des milliers de lames redoutablement affûtées. L'air s'était considérablement alourdi, comme avant un orage.

Quelle classe, s'extasia Shad les yeux écarquillés, c'est donc lui ce fameux Témès!

L'un des deux soldats qui accompagnait le voleur déclara d'une voix froide, impassible, visiblement habitué à ce genre de spectacle:

« Cet homme est venu nous voir en nous demandant s'il était possible...

- S'il était possible de voir le roi Ismeth, compléta l'esprit en observant Shad d'un œil mauvais, je suis au courant, j'ai l'ouïe fine. Vous pouvez retourner à vos postes, merci. »

Les deux soldats s'empressèrent de repartir, laissant le jeune homme seul face à Témès. Ce dernier tourna vivement la tête vers le ciel, plissa les yeux, puis reporta son attention sur Shad.

« Il se fait tard... Vous, fit l'esprit en grondant, vous avez intérêt à avoir un argument indiscutable si vous souhaitez repartir en un seul morceau. Suivez-moi. »

Le jeune homme s'engagea à la suite de l'élémentaire sans piper mot, se contentant de le suivre docilement. Shad prit tout de même la peine de lever les yeux pour contempler l'immense salle qui s'ouvrait à eux, claire et ordonnée. Même de nuit, elle était illuminée par la chaude lumière des torches.

C'était certainement là que le roi devait tenir ses réceptions: de grandes tables en bois précieux étaient disposées sur le sol de marbre, chaque rideau était brodé d'or, et de multiples tableaux représentant les portraits des différents rois ou nobles de Tal-Jinn trônaient sur les murs. Des domestiques s'affairaient en silence aux quatre coins de la pièce.

« Le grand roi Ismeth insiste tout le temps pour laisser nos portes ouvertes à ceux qui sont dans le besoin, déclara Témès pour combler le silence, mais si vous saviez le nombre d'idiots qui me dérangent pour des broutilles... Souvent, c'est avec les tigres qui sont dans les jardins qu'ils terminent leur soirée. »

Shad avala difficilement sa salive. Le message était on ne peut plus clair.

Plus il avançait, plus la magie qu'opérait le palais sur lui se tarissait. Bien vite, l'image des taudis et des enfants mourants de faim se superposèrent aux vases d'argent et aux meubles en merisier finement sculptés. Le luxe et la richesse que dégageait la décoration du palais finit pardonner la nausée au voleur.

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