Serial Lover [Romance]

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La théorie des couples solides, selon Alix, était une des inventions humaines les plus stupides que la terre ait portées. Parce que les sentiments changent constamment, en coup de vent, et c'est naturel, indéniable. Un jour, on se réveille avec l'envie de voir ailleurs ; et on ne peut rien y faire, car on le sent au fond de nous que l'amour pour cette personne est parti.

Le principe s'applique dès le collège, quand de vrais sentiments peuvent parfois surgir : on ferait tout pour être avec cette personne, ne jamais la quitter. Mais la peur de savoir si l'on aime vraiment est elle-même capable de tout briser. Et puis une fois que l'on a une chance, que l'on peut enfin être heureux avec notre premier amour... parfois, ça part, comme ça. Et ont culpabilisé.

Puis ensuite, on grandit. Exactement la figure de cas que nous avons observée ici. On a envie d'explorer le monde, de nouvelles choses, mais des fois on est rattaché à une personne comme une bouée de sauvetage et sa ficelle. Alors on part seul vers un nouvel horizon, vers de nouvelles personnes, puis l'on revient le matin pour embrasser notre bien-aimée comme si de rien n'était. Puis un jour quelqu'un voit un baiser, deux mains enlacées... et tout éclate d'un coup.

Sauf que là, c'est pas pareil.

Diego et Lisa se sont quittés avant-hier soir, sans en informer personne. Eux deux, c'était le couple du lycée, tout le monde les connaissait. Depuis la 4ᵉ, jamais ils ne se sont quittés ou rafistolés : solide, présent, un exemple incroyable, en somme. Quand on pensait à Diego, on pensait à Lisa. Quand on parlait de Lisa, on parlait de Diego. Les parents se connaissaient et se voyaient presque chaque week-end, le mariage était presque programmé. On parlait du premier amour parfait, de la vie de rêve, de deux adolescents à la relation plus robuste que certains parents. Et ça s'est brisé, d'un coup. Comme ça.

La meilleure amie de Lisa a été la première à deviner. Premier message. Car même elle n'avait aucune idée de pourquoi ils ont cassé, qui est partie... une maladie, une tromperie, un manque flagrant de sentiments ? Ensuite, l'info a fuité du côté de Diego : sa grande sœur qui l'a entendu chialer au téléphone. Les amis ont commencé à en parler, l'info s'est répandue en quelques heures et plusieurs personnes ont décidé de passer sur le compte Serial Lover, cherchant une personne comprenant un minimum la situation. Le dernier message, Alix l'avait gardé pour elle : c'était Lisa. En personne. Dedans, elle expliquait plein de choses, des ressentis, qui a quitté qui, l'histoire. Le message, l'adolescente l'avait reçu plus tard dans la soirée, après que Millie et Maddie aient fini de lire les messages en faisant des têtes de plus en plus choquées à chaque mot. Les deux lycéennes avaient élaboré des théories de plus en plus farfelues et étaient parties en quête d'infos complémentaires, alors qu'Alix répondait avec minutie à chaque SMS pour elle-même cultiver quelques indices. Les deux amies avaient quitté la caravane tard, vers 22 heures trente, laissant la jeune fille en plan avec un surplus d'infos, ainsi qu'un père un peu trop curieux.

— Il se passe quoi, mon chat ?

— Rien, t'inquiète, soupira la fille en pliant les couvertures de façon machinale. C'est une histoire de couple.

Son père ria en lui tapotant l'épaule.

— Ah, ma fille est une entremetteuse ! Fais gaffe, ajouta-t-il, car faut pas te retrouver au milieu de ce genre de drama.

— T'en fais pas, je gère ! S'exclama Alix en posant les plaids sur le canapé.

Elle se hissa sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur la joue.

— Bonne nuit, papa, souffla l'enfant d'un ton fatigué.

***

Quand son réveil sonna, Alix eut l'impression qu'une décharge électrique venait de la traverser toute entière. Elle se rétracte au maximum sous sa couette pour y cacher sa tête en grognant tel un ours en hibernation. La lumière vive pénétra ses pupilles et la jeune fille grommela de plus belle. Elle dut attendre cinq bonnes minutes avant de se faire engueuler :

— Oh, Alix ? Grouille-toi ! Cria Noah en sortant de la salle de bain, les cheveux trempés.

— Naaan... rétorqua sa sœur. Vas-y sans moi. Dis que je suis morte. Tuée par les 5 évals qui m'attendent.

Son petit frère soupira, puis arriva soudainement au sommet de la mezzanine et tira la couverture.

-AH ! Ça va pas la tête ? S'écria Alix en se redressant. J'te jure cours, sinon tu vas crever avant l'heure.

L'adolescent la fixa de ses immenses yeux bleus avant de descendre en quatrième vitesse l'échelle. Il s'arrêta un instant devant la table, avant de saisir un objet rectangulaire et de l'enfourner au fond de sa poche. Alix mit un instant à comprendre.

— PAPA ! Hurla-t-elle en remettant en place son pyjama. Noah n'a pris mon tel !

Elle vit son père arriver, tout serein, une tasse de café brulante dans sa main droite.

— Pourquoi vous criez encore, du matin ? Alix ?! Mais faut que tu partes dans dix minutes, pourquoi t'es encore en pyjama ?

— Mais il m'a volé mon téléphone ! S'indigna la jeune fille.

— Bon, va te préparer toi. Et toi, ajouta l'adulte en regardant Noah, tu poses ce téléphone maintenant.

Le jeune homme murmura quelques mots fleuris avant d'obtempérer à contrecœur ; il joua avec ses mèches humides en baissant la tête. Sa sœur fit claquer ses pas en attrapant des habits au hasard, puis tira le rideau d'un regard meurtrier pour se changer. Elle se hâta en vérifiant cinquante fois l'heure, puis ne prit même pas le temps de boire avant d'enfiler son sac sur son épaule et de fermer la porte, son frère sur les talons. Il lui tendit son portable en susurrant entre ses dents des excuses à la sincérité non prouvée. Elle l'attrapa avec fermeté puis attendit quelques secondes qu'il prenne la parole. La nervosité le rongeait, elle le voyait : il mordillait sa lèvre, triturait son jean, ouvrait puis refermait ses lèvres gercées.

— Bon, crache le morceau. Tu veux quoi ?

Il respira un instant puis écarquilla les yeux en débitant sa réponse.

— C'est qui Diego et Lisa ? Je les ai vus dans les messages de ton tel.

— Personne, répondit la lycéenne en tirant la hanse du sac du garçon. Allez, dépêche-toi ! Attends, quoi ? T'as lu mes messages ?

***

La sonnerie hurla dans les oreilles d'Alix ; le ciel était dégagé, le soleil brillait si fort que certains ôtaient même leurs vestes. La jeune fille lança son sac contre le poteau qui marquait le rang de sa classe puis accourut auprès du reste du groupe. Une foule s'amassait autour d'un adulte, assis sur un banc ; il était petit, plein de bourrelets mis en évidence par son costume trop serré, et tenait un micro dans ses mains. Un effet Larsen leur broilla les tympans. Une dame, assez grande avec de longs cheveux blonds, s'avança.

— S'il vous plait, s'il vous plait, taisez-vous !

Le silence se fit dans l'assemblée. Seuls quelques murmures se dissimulaient dans la horde.

Elle salua poliement le directeur, puis s'assit à ses côtés alors que l'homme se levait. Millie donna un petit coup dans les côtes d'Alix.

— Il va encore nous faire un discours barbant, souffla-t-elle en tressant ses cheveux châtains. Tu vas voir, c'est grave chiant.

En effet, la prise de parole du directeur fut longue ; il butait souvent sur les mots, perdait les élèves en cours de route. Beaucoup soupiraient d'impatience en regardant discrètement l'heure sur leur portable.

— Et pour finir...

Toutes les têtes se relevèrent.

— Bonnes vacances !