Serial Lover [Romance]

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Lorsqu'elle avait créé ce compte, "Serial Lover", jamais elle n'aurait pu imaginer l'ampleur qu'il avait prise.

De mémoire, dans son lycée, il était environ deux-mille-cinq-cents élèves. Dans la soirée du jeudi au vendredi, Alix avait franchi la barre des deux mille followers. Comme quoi, c'est toujours les choses les plus imprévisibles qui deviennent intéressantes...

Après qu'elle eut écrit le message pour résumer toutes les infos qu'elle avait pu collecter, les commentaires avaient explosé de partout, son téléphone vibrait en permanence, sans repos, sans arrêt. Sa messagerie privée était complètement envahie, des centaines de personnes lui demandaient de l'aide. Certains visages lui étaient familiers, comme ceux de gens de la classe, ou bien des amis de ses amis. Il lui semblait même avoir aperçu Louis, au milieu de cette vague, mais la fatigue avait devancé sa curiosité. Elle ne devait pas se mêler aux histoires de ses potes. Seule Millie devait être au courant de son activité sur Insta, car la nouvelle se répand comme une trainée de poudre, puis explosera comme une dynamite en mettant tout le monde au courant.

Le miroir de la salle de bain reflétait sa tête et le maquillage de Joker qu'elle était en train de faire. C'était étrange de se voir ainsi, comme une autre personne, un masque. Alix n'aimait pas les masques. C'est vicieux, ça peut exploser à tout moment, et ça empêche de voir le vrai visage des gens. Elle n'a jamais porté de masque, car son identité toute entière est un masque en soi. Derrière le compte Insta, elle porte un masque, c'est vrai. Mais ce masque-là est différent, il est visible, tout le monde sait que ce n'est pas vraiment elle, c'est un pseudo, des messages écrits pour faire sérieux, des photos trouvées sur Pinterest pour que les gens se disent "ah, c'est grave beau". Elle mit en arrière ses cheveux grâce à un bandeau rouge et noir, puis claqua la porte de la pièce en bougeant son visage pour tenter de rendre le maquillage plus supportable.

Il devait être environ quinze heures, la semaine touchait presque à sa fin ; et sa sentence pour ses notes catastrophiques ne faisait qu'approcher. On était vendredi, elle devait rejoindre Millie dans à peine deux heures pour sa super "nuit halloweenesque", comme elle l'avait appelée. Son père et son frère était tout les deux avachi devant la télévision, chacun un bol plein de pop corn dans les mains, a commenter chaque passage sans arrêter. Les gens qui parlent tout le temps durant les films, ça l'énerve, ils cassent tout, c'est la raison pour laquelle elle ne regarde jamais rien avec sa famille. Ils sont tous les deux à fond dans le programme, aucun des deux ne dévia le regard, Alix saisit la télécommande qui gisait sur la table et mit pause. Noah poussa un grommellement et se retourna en même temps que son père, tous deux indignés. La lycéenne les coupa avant qu'ils ne puissent protester.

— Trois secondes, promis, et après je remets votre série. Papa, tu pourras me déposer dans une heure et demie dans le centre-ville ?

Son père la fixa.

— Pourquoi tu veux aller au centre-ville ? Et c'est quoi, ce maquillage ? Ajouta l'adulte.

— Je vais faire Halloween, rétorqua-t-elle. Et il est très bien, mon maquillage.

Noah ouvrit la bouche en ricanant sarcastiquement.

— Ouais, tu ressembles à un cadavre. Et flash info, tu fais pas peur en cadavre.

— Ferme-la, Noah, rétorqua-t-elle. Pardon papa mais vraiment, il est trop pénible.

Son père ne releva pas le vocabulaire, demandant juste avec son regard : "Remets la série, s'il te plait." Voyant que ça ne suffisait pas, il s'exprima par la parole :

— Alix, je t'emmènerai en ville, mais c'est ta dernière sortie, d'accord ? Après, tu resteras à la maison pour réviser et nous voir aussi, ajouta-t-il.

Sa fille acquiesce vivement, relance leur épisode, le temps d'atteindre la mezzanine, elle les entend déjà tout commenter. Son livre glisse sous sa main et elle se cale entre le mur et la fenêtre, les genoux repliés contre son torse et les yeux rivés sur le texte écrit en pattes de mouche.

***

Le moteur de la voiture bourdonna un peu plus fort, puis s'arrêta quelques secondes après qu'ils se furent garés. Alix ouvrit la portière et se jeta à l'extérieur, son maquillage tirant toujours sur la peau de son visage. Elle avait envie de se gratter entre le haut de son nez et le coin de son œil gauche, mais ce simple geste aurait gâché le maquillage sur lequel elle avait bien passé une heure – voir plus ! Son père lui rappela les règles : pas de cigarette, l'appeler pour rentrer, toujours rester en groupe, puis partit en lui adressant un large sourire. Au loin, elle distingua les silhouettes de ses amis, se précipita vers la bande avant qu'ils ne partent sans elle. Millie fonça vers elle en l'enlaçant, Alix lui rendit son étreinte puis son regard croisa celui de Maddie. Le lien qu'elles avaient en début d'année s'était abimé par la distance, ça la rendait triste, car Maddie était quelqu'un d'incroyablement intéressant et sympathique. Elle lui adressa un petit signe de la main, son amie lui répondit d'un sourire poli. Millie la lâcha, puis Louis tira son avant-bras pour l'emmener parler.

— Eh, Alix ! Dis-moi, ça fait un bail, non ?

— Hum... une semaine tout pile. C'est pas si long, remarqua la rouquine.

— Quoi, nan mais tu rigoles ? C'est hyper long ! S'indigna le jeune homme en faisant une mimique offusquée. Par contre, ton costume est genre... trop beau. On dirait une vraie star, genre un film. Maquillage de pro !

— Bof, c'est mal fait, rétorqua-t-elle. Et puis les traits au niveau des yeux sont pas symétriques, on voit que ça.

— Tu rigoles, j'espère ? C'est incroyable !

Millie passa entre les deux interlocuteurs en claquant des doigts, coupant court à leur conversation.

-Grouillez vous, on doit partir maintenant. Sinon, les gosses vont récupérer toute la bouffe.

Alix attrapa les bras de ses amis et les tira en avançant.

— D'accord, s'exclama-t-elle. Montrez-moi donc en quoi consiste votre chasse au bonbec !