— Maddie ? S'écria l'étonnée en ouvrant la porte, l'envoyant claquer sur le mur du côté gauche. Elle émit un petit son, semblable à un aïe, juste après le bruit.
Désolée, je voulais pas te faire peur, s'excusa la jeune femme qui se tenait debout dehors, affrontant la pluie et le vent qui lui coupaient le souffle.
-Ah, oui... Euh, attends, rentre, tu vas attraper une connerie ! Alix lui fit signe de rapidement pénétrer dans la pièce, puis tendit le bras assez loin pour attraper la grosse poignée et refermer l'entrée, de façon totalement dépourvue de douceur. Tu... tu fous quoi ici ?
La principale intéressée ôta ses bottines de cuir pleines de boue tout en lui répondant.
— Ah, je voulais te parler d'un truc. Je fais pas confiance au gars pour ce genre de choses, et le courant passe pas super avec Millie. Toi, t'es gentille et compréhensive, alors...
Elle remarqua le regard hésitant de son hôte et se corrigea :
— Bah après si je te dérange c'est pas grave, désolé de te déranger, je voulais pas...
— Nan nan t'inquiète, répondit Alix en grelottant à cause des fines gouttes de pluie qui parsemaient ses jambes découvertes. Par contre, c'est le bordel... et c'est vraiment petit. Je pensais pas que quelqu'un viendrait, avoua-t-elle.
— T'inquiète, j'ai l'habitude, Ria, lui dit son amie. Ma chambre, c'est genre une épave : rien qu'ouvrir la porte demande la force d'un bodybuilder.
— Oulà, j'ai pas hâte de voir ta chambre alors, réagit son interlocutrice en enfilant un pull léger fait de maille noire qui reposait sur une chaise de bois. Bon, donne ta veste que je la range. Tu veux un truc à boire ? Je vais me faire un chocolat, donc si t'en veux un...
— Oh ouais ! Si tu savais comme je rêve d'un chocolat chaud, fit Maddie en bavant presque. Attends, je vais t'aider !
Les deux lycéennes consacrèrent presque une demi-heure à la confection d'une boisson brûlante parfaite : assez épais, le chocolat fumait dans les grandes tasses originaires du parc animalier de la région de naissance d'Alix. D'adorables petits chamallows formaient une association de blanc et de rose qui fondait presque sous l'effet de la chaleur, avec une sorte de petit chapeau de chantilly qui les surplombait.
— Ça a l'air trop bon !
Maddie tendait son bras devant elle en observant la tasse sous tous les angles.
— On goûte ?
— Ouais !!
Elles se fixèrent un instant, puis détournèrent le regard en posant leur lèvre sur le rebord chaud du récipient. Elle poussa un "hmmm" de même d'emblée, accordant le prix de la meilleure boisson de tous les temps à son chocolat. Alix le posa à contrecœur sur la table basse, faisant tomber par maladresse quelques gouttes sur le sol. Elle considérait ce geste comme une sorte d'invitation qu'elle envoyait à son ami pour se confier ; l'adolescente ne voulait pas lui forcer la main ou la bloquer. Un petit temps fut nécessaire avant que la principale intéressée n'ouvre la bouche :
— Bon, va falloir que je t'explique pourquoi je suis là, quand même. Tu sais, je me suis mis en couple avec (j'ai oublié son nom mdrr). Je l'adore et franchement, c'est un mec super.
— Mais ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
— Eh bah... je suis en couple avec un autre mec. Depuis 6 mois. Je l'aime plus et il a déménagé en Suisse, sauf que je me retrouve bloquée et que je sais pas comment lui expliquer que je le quitte.
— Ah ouais. Nan là c'est chaud.
Et puis j'ai grave peur... J'ai peur de mal le quitter, de lui faire du mal, d'être une connasse qui change de mec comme de vestes, s'énerva-t-elle. Je me sens hyper mal.
— Attends, tu lui parles souvent ?
— Un peu, il me raconte son week-end et me souhaite bonne nuit tous les soirs. Et en ce moment c'est calme, juste après qu'il ait déménagé on se parlait plus par message qu'on se parlait en vrai avant.
Elle soupira en s'enfonçant de plus belle dans le canapé, comme si elle souhaitait se faire avaler pour disparaitre dans les méandres de cuir et de coton.
— Bon, t'inquiète pas, on va arranger ça.
— Zh oui ? S'écria-t-elle en se redressant. L'espoir brillait dans ses yeux telle une pierre précieuse rincée à l'eau claire. Mais comment ?
— Je sais pas encore. Mais il me faut juste un truc de ta part : une lettre d'adieu pour ce pauvre gars. Le reste, je m'en occupe. Demain matin, tu pourras te lever l'esprit tranquille et passer ta journée avec Max sans tracas. Fais confiance à l'expert !
— Ok ok, ria t'elle. T'as une feuille et un stylo par contre ?
***
2 h 00 du matin, et Alix était là, des feuilles et des écrans éparpillés partout autour de son corps fatigué. Ses yeux ne se fermaient plus tant elle se sentait impliquée dans son rôle, néanmoins ils devaient se plisser pour qu'elle réussisse à déchiffrer quelque chose avec la lumière faible qui lui servait d'éclairage de fortune. Elle analysait tout : le caractère du pauvre garçon, ses possibles réactions, ses soucis, et les différentes façons qu'elle avait d'aborder la chose. Au moins 5 brouillons de textes s'étalaient sur ses draps humides de sueur, ainsi que son ordi – le moteur de recherche qui l'aidait, en supplément de ChatGPT – et son téléphone, où elle avait créé un compte Instagram anonyme. Aucune description, aucune photo de profil, juste un pauvre "Désolé23" en nom d'utilisateur, ainsi qu'une amie : Maddie.
La jeune fille avait la fâcheuse impression de tourner en boucle.
— Alix ? Pourquoi t'es encore debout ?
Oh non. Son père se tenait là, un verre d'eau à la main, les yeux encore secs d'avoir oublié d'enlever ses lentilles. La concernée camouflait ses recherches sous un plaid, puis tira le rideau qui séparait son lit du reste de la chambre.
— Comme d'hab, soupira-t-elle. Je lis un peu pour essayer de m'endormir.
L'adolescente agita son livre abimé en guise de preuve.
— Ok ma chérie, bâilla-t-il en ouvrant ses bras. Tu descends me faire un câlin ?
Elle sourit en acquiesçant, puis se plongea dans les bras chaleureux et tendres. Elle releva la tête, il lui posa un doux baiser sur le front puis partit, lui adressant un vague "essaye de dormir !"
— Mon pauvre papa, si tu savais ce que je faisais, souffla-t-elle en regagnant son matelas encombré. Bon. Va falloir que je choisisse une version à envoyer à Antonin.
De nouveau plongé dans son travail, son esprit et ses yeux étaient rivés sur les différents messages qu'elle avait rédigés plus tôt dans la soirée. Les premiers ? Trop directs, trop simples. Il ne fallait pas simplement lui briser le cœur, il fallait lui briser avec empathie et classe. Un seul se démarquait : le sixième. Cette énième version possédait le tact mais l'empathie, prenait ses émotions au sérieux, évoquait ses ressentis, l'encourageait à tourner la page. Simple mais bien fait, il ne lui reste plus qu'à envoyer la lettre de Maddie – qu'elle avait prise en photo par prévenance – et réécrire le message sur Insta. Environ un quart d'heure, puis quelques heures si possible de sommeil. Les cliquetis répétitifs qu'émettait le clavier de son ordinateur gardaient un côté apaisant qui n'allait pas tarder à l'endormir. Ou alors était-ce l'abus de lumière bleue ? Même Alix n'en savait rien. Elle cliqua avec molleur sur "envoyer", puis s'écroula volontairement au milieu de sa litanie d'oreillers moelleux. Pour la première fois depuis longtemps, son sommeil ne se fit pas prier, et elle divagua dans ses songes les plus profonds, les feuilles volantes et l'ordinateur toujours ouvert sur la page d'envoi.
BINABASA MO ANG
Serial Lover [Romance]
RomanceAlix a quinze ans, des cheveux roux, un teint brillant, un regard vert menthe et un sourire de fée. Les apparences, c'est la clé pour survivre dans ce monde où elle a déjà bien trop vécu de choses pour une ado. Son enfance, c'était la violence toxi...
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