Chapitre 31 | Adrien

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Face au miroir des toilettes pour hommes de l'hôtel, j'ai l'impression de ressembler à un pingouin, une pâle copie de moi-même. J'aurais dû m'en douter : mon père avait déjà prévu chaque tissu que je porterai pour m'éviter de gâcher sa soirée. La liberté, oui, mais à ses conditions.

Outre l'apparence grotesque de mon reflet, je ne peux m'empêcher de penser à la véritable nature de cet événement : briser les espoirs de Yan définitivement. Auparavant, l'idée m'aurait séduit, j'en aurais peut-être été l'instigateur, mais là, c'était trop.

Je m'observe une dernière fois et ébouriffe mes cheveux pour me donner l'air moins lisse avant de m'échapper des toilettes. À la sortie, je croise Nathalie qui m'attendait.

Il veut vraiment à me garder à l'œil, hein ?

— Adrien.

Cette fois, je ne peux contenir mes ressentiments à leur égard.

— Quoi encore ? Il me rappelle de me tenir à carreau toute la soirée ? Inutile, j'ai lu son mot.

Une putain de lettre déposée sur mon bureau pendant que je dormais. Une liste des choses qu'il attend de moi : aborder telle personne, me méfier des informations divulguées par une autre. Il n'a même pas eu les couilles de venir m'affronter. Il est sûrement « trop occupé par les préparatifs » comme m'a répondu Nathalie quand j'ai demandé à le voir.

Nathalie évite soigneusement mon regard.

— Désolée, je voulais juste solliciter votre aide.

Et comme je me sens coupable de lui avoir mal parlé, elle ponctue :

— Vous et moi uniquement, il n'y aura personne à impressionner.

Je me pince les lèvres, le malaise se creuse, je m'empresse de m'excuser.

— Je... Je suis désolé Nathalie, je ne suis un peu sur les nerfs en ce moment. C'est d'accord, je veux bien vous aider.

Un léger sourire frôle son visage puis reprend son sérieux habituel. Je l'accompagne jusqu'à une pièce excentrée de la salle où devra se tenir le discours de mon père. Elle ressemble à un petit jardin d'intérieur composé de fauteuils en cuir crème et de loupiottes qui rendront mieux une fois le soir venu. Des dessertes remplies de verres et d'accessoires nous attendent près de la porte.

— Qu'est-ce que je peux faire ?

— Vous pouvez m'aider à disposer la décoration.

Je l'observe pour voir comment elle s'y prend et l'imite. Mais rapidement, je comprends qu'elle n'a pas vraiment besoin de moi pour cette tâche.

— Est-ce que vous sortez avec vos amis ?

Voilà où elle voulait en venir. Maintenant qu'elle ne gère plus mon programme selon les désidératas de mon père, Nathalie doit croire que je passe l'intégralité de mon temps enfermé dans ma chambre, alors que je me balade souvent en costume de Chat Noir.

— Parfois, ils sont pas mal occupés par leur boulot.

J'ai dû échanger une fois avec Nino par téléphone, mais vu qu'il était avec Alya, je n'ai pas voulu les déranger.

Quant à Marinette... C'est Marinette. Quand je pense à elle, je me sens soudainement d'humeur loquace.

— Nathalie, est-ce que je peux vous poser une question personnelle ?

Cécité [TOME 2]Where stories live. Discover now