Cécité [TOME 2]

Chapitre 11 | Marinette

— Je vais chercher les boissons, tu viens m'aider Rose ?

Attablée dans un pub bondé, j'observe mes deux amies se fraient un chemin vers le bar. Vissée à son portable, Monica nous jette un regard amusé avant de se lever à son tour, comme si une mouche la piquait.

— Elles croient que je n'ai pas vu le beau gosse qui sert les cocktails ? À tout de suite !

Yan me lance un œil interrogateur. Je hausse les épaules. Sa technique pour me laisser seule avec lui manque de subtilité. Les larmes sont retombées, je me sens fatiguée, prête à m'endormir. La vibration régulière des basses dans mes jambes me fait l'effet d'une berceuse.

— Tu veux que je te ramène ? me propose mon ami, tête penchée sur le côté. Je leur dirai que tu étais épuisée, elles ne t'en voudront pas.

Je refuse. Mon studio vide et silencieux ne me séduit plus maintenant que je les ai rejoints. Je dodeline des épaules dans l'optique de réveiller mes muscles.

— Ça ira, il me faut juste un petit remontant !

D'ailleurs, je trouve le sujet de discussion parfait pour me tenir en haleine.

— Monica m'a raconté pour la fenêtre.

Yan ne se laisse pas déstabiliser, il étire ses lèvres, sa dentition éclatante émerge timidement.

— Sans blague, c'est une surprise.

Il en reste là, je poursuis :

— Apparemment, tu refuses de lui dire qui est le coupable.

Il plonge sa main à la base de ses cheveux de corbeau, observant les corps en mouvement à quelques mètres de notre table. À quoi peut-il bien penser ? Mes méninges se mettent à tourner intensément pour rassembler les pièces du puzzle. J'ai l'impression d'être Ladybug en quête d'un objet akumatisé.

— Ça a un rapport avec la lettre déchirée ?

L'ancien assistant-styliste tique, il se raidit avant de se détendre et me regarder, amusé.

— Peut-être bien. J'ai promis de ne rien dire, et je sais garder une promesse.

J'aurais beau le cuisiner par la suite, il ne lâchera rien, pas le moindre indice pour me mettre sur la piste de celui qui a vandalisé les toilettes pour hommes de la tour Agreste. Les filles finissent par revenir, les bras remplis de verres, bien trop pour le nombre que nous sommes.

— Qu'est-ce qu'on fête ? demandé-je en me décalant du banc pour accueillir Rose entre Yan et moi.

Sophia éclate de rire, visiblement, ce n'est pas le premier bar qu'ils visitent ce soir.

— Faut-il une raison pour passer un moment entre amis ?

Je ne la contredis pas et accepte un cocktail où s'entremêlent orange et rose décoré de parasols fluorescents. Nous trinquons ensemble, nos verres tintent les uns contre les autres et l'ambiance bat son plein. J'oublie les tracas de la journée, je m'amuse avec mes copines, capture cet instant magique dans mon téléphone et me laisse entrainer dans des TikTok. Rien de tout ça n'a d'importance ; je me sens revivre.

Désorientée, je ne sais dire qui a décrété la fin de la soirée. Obnubilée par les sillons du bitume, je ne me dirige pas chez moi. Des portes grincent, des ombres se faufilent, mon genou percute un canapé au beau milieu d'un salon. Des étoiles brouillent ma vue, j'en ris.