Cécité [TOME 2]

Chapitre 8 | Marinette

Je consulte l'heure sur mon portable, les muscles endoloris, couchée sur le lit de mon studio, le regard rivé vers le plafond. Des lunes vertes, bleues et roses défilent lentement, entrecroisées d'astres de mêmes couleurs. Un cadeau de mes parents lors de mon déménagement, une veilleuse creusée d'étoiles, jamais utilisée jusqu'à ce soir.

Un bâillement me déchire les mâchoires.

– Je suis crevée.

Mon kwami se pose sur le haut de mon pyjama, au niveau de ma poitrine. Sa petite tête me sourit.

— Tu vois, tu as réussi à venir à bout de cette journée !

Son enthousiasme me met du baume au cœur, j'aimerais partager son avis, mais tout n'a pas été aussi rose. Après l'enregistrement au studio, Adrien n'a pas répondu à mes messages, ne s'est pas présenté à ses rendez-vous de l'après-midi. J'ai dû me confondre en excuses, prétextant un contretemps, une rage de dents et une poussée de fièvre fulgurante. Tout ça, c'était le boulot de Nathalie, mais personne ne l'a prévenue des changements du planning.

Pour finir, j'ai proposé à Alya de se retrouver à la fin de ses cours pour partager un café en terrasse. Entre ses cours et Nino, elle parvenait difficilement à tenir le Ladyblog à jour. Les visites chutaient au fil des mois. Alors quand un fan a posté une photo de Chat Noir en train de se pavaner en ville, elle a sauté sur l'occasion pour écrire un article. Le matou profitait de son après-midi à prendre des selfies avec ses adorateurs. Je me suis retenue de me plaindre de son comportement, au risque de tout dévoiler à ma meilleure amie.

— J'ai demandé à Plagg de parler à Adrien, soupire Tikki, comme si elle avait lu dans mes pensées. Je ne sais pas si ça va changer grand-chose, mais je l'espère.

— Adrien fait tout ce qu'il veut.

S'il a envie de tout plaquer sans prévenir personne, il en a le droit. Après tout, c'est Adrien Agreste, une figure nationale dans le milieu de la mode. En dépit de mon amour pour lui, je suis un poil jalouse.

— Tu comptes vraiment jouer les mannequins pour le père d'Adrien ?

De l'inquiétude transparait dans sa voix, je tiens à la rassurer.

— Je ne sais pas encore, Tikki. De toute façon, je ne retirerai jamais mon costume, hors de question qu'il découvre qui je suis derrière Ladybug. Je n'accepterai qu'à condition qu'il réintègre Rose dans la société et que Yan puisse participer à l'élaboration de cette collection.

Une pierre, deux coups, c'était l'idée. Elle m'était venue alors qu'Adrien soulignait l'improbabilité de la situation. Pourquoi pas après tout, si je pouvais trouver une solution aux problèmes que j'avais créés ?

— Adrien ne va pas aimer que Yan s'incruste dans ses plans.

Je secoue la tête, sentant les muscles de ma nuque brûler par ce simple mouvement.

— Je le rassurerai, il n'y a rien du tout entre Yan et moi. C'est mon ami.

Cela parait si évident quand je le dis à voix haute, si seulement Adrien pouvait le comprendre, lui aussi. Mes yeux se ferment sous la fatigue, j'éteins la veilleuse et m'emmitoufle dans la couverture.

Le lendemain, toujours pas de messages d'Adrien. Sous l'impulsion d'un SMS de Yan, je décide de déroger au programme du matin pour rendre visite à mes anciens collègues, à la tour Agreste. La météo est clémente. Emprunter ma ligne de métro habituelle me donne des papillons dans le ventre, j'ai l'impression de remonter le temps l'espace de quelques heures. Au pied de l'immeuble, je lève les yeux, plissant les paupières à cause de la lumière.