Chapitre 5 | Marinette

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Accrochée à une rambarde de la tour Eiffel par le fil de mon yo-yo, je surplombe la capitale. La météo est calme, les Champs-Élysées se prolongent vers l'horizon, de minuscules points se déplacent d'un côté à l'autre de la grande avenue. À cette distance, on dirait des fourmis. Le soleil décline dans mon dos. Ses rayons chauds me lèchent les joues et me tirent un soupir agréable. Je ferme les yeux.

Après mon entrevue au studio de Yan, j'ai convenu d'un rendez-vous avec Adrien en fin de journée, prétextant de la paperasse à remplir pour réfléchir. Au final, j'ai passé plus de temps à me lamenter qu'à travailler.

Plus je songe à ma situation, plus de nouvelles interrogations viennent s'ajouter aux précédentes ; Yan a-t-il compris que j'étais Ladybug ? Certes, il se montrait super sympa avec moi avant, mais, depuis que je l'ai sauvé du Papillon, ses gestes s'étendent aussi à la superhéroïne.

Dans un équilibre précaire, je dresse ma main dans le prolongement de mes épaules. Le bracelet d'Adrien scintille sous l'éclat du ciel parisien. Je fixe le bijou jusqu'à ce que ma vue se trouble de petits points colorés.

Ma contemplation s'interrompt au son distinct du bâton de Chat Noir dans mon dos. Il reste silencieux, je perçois ses pas jusqu'à la rambarde. Le fil de mon yo-yo se replie, me séparant du vide au-dessus duquel je flottais. J'attends le dernier moment pour faire pivoter mon talon et faire face à son visage aux traits attristés.

— Tu m'as manqué.

Dans un geste naturel, il entrelace nos doigts et m'attire contre lui. Je me laisse emporter par son étreinte, yeux clos, joue collée contre son torse. Mes mains descendent le long de son dos, frôlent ses hanches puis se posent sur le rebord métallique. À cette distance, personne ne peut nous voir. C'est sûrement pour cette raison que Chat Noir referme aussitôt une griffe sous ma mâchoire pour m'embrasser.

Durant quelques secondes, le tourbillon de questions s'arrête. Il n'y a plus que lui, moi et nos bouches qui pressent l'une contre l'autre. À notre image, elles se quittent une seconde pour se rejoindre celle d'après.

— Si seulement tout était aussi simple, murmuré-je entre deux baisers.

Chat Noir recule, assez pour me laisser voir tout son visage, mais pas assez pour décoller sa griffe de mes omoplates.

— Je suis désolé pour ce matin, j'ai dit à Chloé de se mêler de ses affaires.

Notre petite bulle de réconfort éclate, le temps est venu d'avoir une discussion sérieuse avec lui. Le fil de mon yo-yo défait, je me hisse sur la plateforme et l'invite à me suivre. Le soleil disparait sous une épaisse couche de nuage. Le bleu nocturne se mélange aux vagues oranges du soir. Les bras croisés, je peux sentir le haut de mon corps se tendre à l'idée de tout lui dire.

— Est-ce que tu crois que c'est une bonne idée ?

Il penche la tête, l'une de ses oreilles se baisse.

— De travailler ensemble ? Bien sûr que oui. Ce n'était que le premier jour, puis la présence de Chloé n'a pas aidé. Mais ne t'en fais pas, elle ne devrait plus t'embêter !

Je force un sourire en réponse ; je doute que Chloé change totalement de comportement parce qu'il le lui a demandé. Cette fille n'écoute qu'elle-même. Néanmoins, la raison de notre rendez-vous est tout autre.

— Ce n'est pas de ça que je voulais parler.

Je n'ose pas le confronter.

— Alors de quoi ?

Cécité [TOME 2]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt