Chapitre 7 | Adrien

80 7 8
                                    



Marinette veut rencontrer mon père.

J'ai beau me répéter cette phrase en boucle depuis la fin du tournage, ils me paraissent irréels. Le gorille m'accueille en bas du plateau, prêt à m'escorter jusqu'au restaurant où mon paternel m'attend — pour déjeuner. Rivé sur les paysages de la capitale derrière la vitre arrière, j'essaie de calmer le torrent d'interrogations qui m'emporte : pourquoi Marinette songe-t-elle à s'engager dans la société Agreste en tant que Ladybug ? Est-ce qu'elle a changé d'avis sur notre couple de célébrités ?

« Tout va parfaitement bien ! »

J'enfonce ma joue dans mon poing, je suis le seul à ne pas supporter cette distance entre nous. À chaque fois qu'elle entre dans mon champ de vision, que son ton joyeux ou son rire atteigne mes oreilles, je ressens l'envie de la presser dans mes bras pour l'empêcher de fuir. Mon autre main gravite au niveau de la poche de mon jean, caressant distraitement la bosse formée par mon téléphone. Je ne peux même plus lui envoyer de messages, au risque que quelqu'un comme ce crétin de Yan finisse par le lire. Assise à l'avant, la voix monotone de Nathalie s'élève.

— Adrien, nous sommes arrivés. Votre père vous attend à l'intérieur.

En effet, la limousine stationne aux abords d'une enseigne « Le Petit Paris » aux dorures aussi imposantes de ma famille. Je m'échappe du véhicule, adressant un bref signe de la main vers la fenêtre teintée côté conducteur puis rentre dans l'établissement.

À l'entrée, un responsable arpente la salle pour m'escorter jusqu'à la table du fond, à l'abri des autres clients fortunés. Entièrement vêtu du blanc, mon père ne se fatigue même pas à se lever pour me saluer et m'indique d'un geste précis de prendre place sur la chaise en laine vierge noire face à lui. Un gobelet d'eau en cristal remplace l'habituel verre de vin. Tant de matériaux riches que n'importe qui s'exalterait devant le mobilier de cette salle.

— Bonjour, Adrien, j'espère que l'enregistrement s'est bien passé.

Son ton neutre m'intime qu'il n'ait pas vraiment envie de savoir le nombre de fois où j'ai songé à virer Chloé Bourgeois du plateau.

— Très bien, père. Votre matinée ?

— Parfaite, en tout point.

Pour quelqu'un qui vient de vivre une matinée parfaite, il demeure complètement stoïque. À vrai dire, je n'ai aucune idée des activités auxquelles il s'adonne. Peut-il qu'il enchaine les rendez-vous d'affaires, ce qui expliquerait pourquoi je ne parviens jamais à le contacter en dehors des moments où il a besoin de moi. Nous nous jaugeons en silence le temps qu'un serveur en costume trois-pièces prenne ma commande, je désigne un plateau de fromage pour ravir Plagg. Autant qu'un de nous profite de ce lieu d'exceptions. Mon père se lasse en premier de notre jeu de regards.

— Adrien, permets-moi de te demander de reconsidérer ma proposition.

Il n'a pas besoin de la détailler pour savoir à quoi il fait allusion.

— Pourquoi voulez-vous que Ladybug devienne votre égérie ? Pourquoi maintenant ?

« Pourquoi maintenant que je suis en couple avec et pas avant ? » Ses traits figés m'empêchent de comprendre dans quel état il est.

— Écoute-moi attentivement, Adrien. Si ton amourette — ou quoi que tu puisses avoir — avec Ladybug se confirme, alors elle sera amenée à rejoindre notre famille. Tu n'es pas sans savoir les responsabilités que cela incombe : la popularité, les contrats, les galas, les relations professionnelles. Vous ne serez pas qu'un simple couple : vous serez l'image des Agreste.

Cécité [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant