Chapitre 3

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Le lendemain matin, mon réveil me tira brusquement de mes songes. Je pris quelques instants, laissant mon cœur ralentir, observant mon nouvel environnement. Lissa m'avait vraiment gâtée.

Un énorme lit King Size trônait au milieu de la pièce. La tête de lit était en bois et des motifs de flammes y étaient gravés. Les murs étaient tapissés de noir et les éléments de décoration constituaient un dégradé de bleu. Un bureau était disposé en face d'une grande fenêtre qui donnait sur les jardins, à côté d'une immense bibliothèque qui recouvrait un pan entier de mur. Un coin détente terminait la pièce, avec des fauteuils et des poufs moelleux. Sur une petite table trônait une tourne-disque, surmonté d'une enceinte Bluetooth plus moderne. Deux portes discrètes menaient vers ma propre salle de bains et mon dressing. Mais ce que je préférais dans cette chambre, c'était le balcon.

Je me levais et m'y dirigeais, savourant la caresse de l'air frais sur mon visage. Je m'appuyais contre la rambarde et laissais le paysage champêtre apaiser mon cœur meurtri. Le vent soufflait doucement dans l'herbe, la faisant onduler comme des vagues. Le parfum des fleurs venait chatouiller mes narines, leur couleur illuminant mon champ de vision. Pour la pure londonienne que j'étais, c'était un changement radical mais bienvenu. Je m'étais perdue dans mes pensées quand la voix de ma tante retentit.

- Summer ! Ton petit-dej va refroidir !

- J'arrive ! m'écriais-je.

J'enfilais rapidement un slim et un sweat large et la rejoignais au rez-de-chaussée. Un café fumant, un jus de fruits frais et tout un tas de victuailles m'attendaient. Je l'embrassais sur la joue et m'installais à ma nouvelle place. Je bus une gorgée de café et interrogeais Lissa sur le programme de la journée.

- Que dirais-tu d'un peu de shopping ?

- Tu ne crois pas que mon nouveau dressing est déjà bien assez plein comme ça ? ricanais-je.

- Moui, ce n'est pas faux. Je pensais te faire visiter un peu la ville, ton lycée, les meilleurs bars, ce genre de choses. Qu'en penses-tu ?

- Super programme ! Ça me permettra de prendre un peu mes marques.

- C'est bien ce que je pensais. Prends ton temps, on partira quand tu seras prête.

Une heure plus tard, nous étions en plein centre-ville d'Edimbourg. J'étais fascinée par cette ville, dont chaque ruelle cachait un petit trésor. J'observais les gens qui se promenaient le long du Royal Mile. Cette rue, qui reliait le château d'Edimbourg et le palais d'Holyrood, était remplie de passants qui flânaient entre les boutiques ou qui retrouvaient des amis pour boire un verre. Mon cœur se serrait lorsque je voyais des familles, que ce soient des bambins qui serraient le cou de leurs parents avec leurs petits bras potelés, ou bien des ados qui traînaient des pieds, ils me rappelaient ce que j'avais si brusquement perdu.

Le tonnerre gronda au loin et je soupirais pour me ressaisir. Ce n'était pas le moment de perdre le contrôle et de gâcher la journée en laissant ma magie si difficilement contrôlable influencer la météo. Lissa avait dû sentir mon désarroi car elle passa son bras sous le mien et commença à me raconter des anecdotes historiques et personnelles à propos de chaque bâtiment que nous dépassions. Elle me guidait vers le château, où nos ancêtres avaient vécu pendant quelques temps. Ce qui nous octroyait le privilège d'y avoir un crypte, une salle de cérémonie et un accès VIP. Ce qui s'avérait bien pratique pour éviter de longues files d'attente. Je n'avais encore jamais eu l'occasion de visiter le château. Les rares fois où j'étais venue en Ecosse durant mon enfance s'étaient limitées au manoir de Lissa ou à la propriété de mes grands-parents. C'était là que j'avais rencontré un fantôme pour la première fois, quand j'avais six ou sept ans, et il m'avait filé une sacré frousse. Je n'en avais jamais parlé à personne, bien que j'en a revu quelques-uns depuis, et j'étais certaine que le château n'en manquait pas. Je ne fus pas déçue.

Lorsque nous pénétrâmes dans le hall, j'aperçus une dizaine de silhouettes scintillantes qui vaquaient à leurs occupations. Malgré leur présence qui me donnait habituellement le sentiment d'être sur des charbons ardents, je me sentais étrangement calme et sereine, comme je ne l'avais jamais été. Je jetais un coup d'œil à Lissa qui me regardait avec un sourire en coin. Une lueur d'amusement brillait dans ses yeux gris.

- On est bien ici, pas vrai ? demanda-t-elle en arquant un sourcil.

- Mais tellement ! Ce château est un véritable anxiolytique à lui tout seul !

- Allez viens, dit-elle en ricanant. Allons faire un peu de tourisme avant de passer aux choses sérieuses.

Ce fut mon tour de lever un sourcil, mais elle se contenta de secouer la tête, toujours avec son petit sourire en coin. Je renonçais à comprendre te la suivais dans les dédales du château. Les pièces étaient plus somptueuses les unes que les autres et j'étais vraiment admirative du travail effectué par les conservateurs. Tout semblait parfaitement d'époque, les peintures et les tapisseries avaient été habilement restaurées.

Maintenant que nous étions seules dans les parties interdites au public, je m'autorisais à glisser les doigts le long des tissus, dont la douceur me surpris. J'appréciais vraiment cette visite qui m'avait fait beaucoup plus de bien que je n'avais osé l'espérer. Mais mon répit fut de courte durée. Lissa m'interpela et me fit signe de la suivre. J'emboîtais le pas à sa longue silhouette, dans des couloirs de plus en plus sombres et profonds. La seule touche de couleur était la chevelure rouge sang de ma tante.

Nous nous arrêtâmes devant une simple porte en bois, au moment où j'allais l'interroger sur notre destination. Toujours sans un mot, Lissa passa la main sur le panneau, qui s'ouvrit sans un bruit. Je n'eus pas besoin de la sentir sur ma peau pour comprendre que ce lieu était chargé de magie. Lissa s'effaça pour me laisser le passage et, intriguée, j'entrais dans ce que j'identifiais rapidement comme une crypte. J'agitais les doigts et les torches s'enflammèrent le long des murs. J'observais les lieux en silence, avec une certaine cérémonie. Une fois encore, je glissais mes doigts sur les plaques de marbre qui déclinaient l'identité de ceux qui y reposaient et m'imprégnais de leur énergie. La main de ma tante se glissa dans la mienne et elle me guida dans le labyrinthe des tombes. J'avais saisi les raisons de notre visite dès que j'avais pénétré les lieux, mais cela n'empêcha pas les larmes de noyer mon regard lorsque nous arrivâmes à destination.

Devant moi, une plaque indiquait Jasper et Léonore Kane. Je tombais à genoux en sanglotant. Nos traditions ne comprenaient pas de cérémonie d'enterrement. Les corps des Mages étaient directement téléportés dans la crypte familiale, selon des règles qui m'échappaient complètement. Une occasion de leur dire au revoir à ma façon, voilà ce que m'accordait ma tante, et je lui en était éperdument reconnaissante. D'une main tremblante, j'invoquais une couronne de roses blanches, les fleurs préférées de ma mère, et les miennes. Lissa ajouta sa touche personnelle avec une branche de lilas violet, en souvenir de l'arbre sous lequel elle aimait tant jouer avec mon père, lorsqu'ils étaient enfants. Nous restâmes ainsi un long moment, moi, sanglotant bruyamment, et elle, laissant couler ses larmes silencieusement, une main posée sur mon épaule. Puis, sans un mot, nous nous téléportâmes jusqu'au manoir.


L'Héritière PerdueWhere stories live. Discover now