Chapitre 10.3 : Fileya

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Alors que ses paupières se fermaient lentement sur ses yeux vitreux de fatigue, Fileya se concentra sur sa respiration pour rester éveillée. Elle décida de mouvoir ses iris dans ses orbites, pour les garder en activité. Ceux-ci se posèrent sur la statue de glace de Seven qui n'avait, fort heureusement, pas bougé d'un pouce. La magie en action autour de son corps était encore plus belle et brillante que celle d'Iakyndy ou encore d'Espaiceghia. Elle scintillait avec un éclat hors du commun. Sa surface était lisse, parfaite, sans défaut. Si son Hybride des glaces l'avait vu, Fileya savait qu'elle aurait été impressionnée, voire émue, par une telle merveillosité dont elle-même n'était pas capable, malgré ses pouvoirs rivalisant presque avec ceux des Dieux.

Alors... murmura la jeune fille, le souffle court. C'est... C'est fini... ? L'épreuve... Est-ce qu'elle est... est-ce qu'elle est terminée... ?

Sachant pertinemment que jamais Seven ne serait aussi facile à défaire, Fileya tenta de se remettre sur ses jambes, avec difficulté. Elle se servit de la rambarde d'escalier pour se hisser, mais son bras, ses cuisses et ses mollets n'avaient plus la force de supporter son poids, pourtant loin d'être excessif. Harassée par son manque d'énergie, la jeune Invoqueur s'échoua lamentablement sur les marches de pierre, son bâton de magicienne s'écrasant dans un fracas métallique un peu plus loin. Fileya tendit la main pour tenter de le récupérer, mais celui-ci retomba mollement le long de son corps, épuisé.

Alors que Fileya lâchait un souffle exténué, un puissant râle lui fit subitement dresser la tête. Les yeux écarquillés de terreur, Fileya sentit le cri le plus rauque et redoutable qu'elle n'avait jamais entendu résonner jusque dans le fond de son âme, à en faire trembler muscles et entrailles. La jeune Invoqueur en était certaine : la lamentation provenait des hauteurs.

Avec des frémissements parfaitement distincts, Fileya trouva la force de tourner la tête en direction des escaliers, vers les étages supérieurs. Ce cri, si puissant, si rauque, si guttural... Il ne pouvait appartenir qu'à une seule personne, qu'à une seule créature.

Brazéra.

Il lui était arrivé quelque chose.

En même temps que le cri que la créature mystique avait poussé, quelque chose, dans le cœur de Fileya, s'était comme brisé. Il lui avait semblé qu'on lui avait arraché son organe vital avec violence, et qu'on l'avait ensuite broyé avec une poigne sertie d'ongles aussi tranchants que les lames d'un poignard.

Son Hybride... avait été aussi froidement assassiné que River, et le lien qui unissait Maître et Créature s'était aussitôt rompu. Dans la même douleur que celle qui avait terrassé la puissante bête.

Quelques secondes après l'imposant cri, une secousse avait ébranlé l'entier de la Tour de Roche, dans un lourd fracas sonore. Comme si l'on avait subitement lâché un poids important sur le toit du bâtiment. Puis, ce fut le silence le plus total, de celui qui vous fait vous rendre compte qu'un drame venait de se produire, de celui qui était là pour vous faire comprendre que rien ni personne ne pouvait changer la fatalité qui venait de s'abattre sur une misérable vie qui n'avait très certainement pas mérité ce qui venait de lui arriver. Ce silence si pressant et inquiétant qu'il vous prenait à la gorge et vous faisait monter les larmes aux yeux encore plus puissamment que les résidus de fumée d'un incendie.

Brazéra... ? questionna la voix brisée et anéantie de Fileya, tout doucement, avant de reprendre, bien plus fort : Brazéra ! BRAZÉRA, JE T'EN SUPPLIE, RÉPONDS-MOI !

Malgré les longues secondes interminables à fixer les escaliers qui s'enfonçaient dans les hauteurs obscurcies, aucune réponse ne parvint à la jeune fille. Comme si sa voix, trop douce et trop frêle, n'avait jamais eu le loisir d'atteindre sa destination finale.

Rêves Envoles - Tome 3 : La Quête de l'Invoqueur [EN COURS]On viuen les histories. Descobreix ara