Chapitre 2.1 : Yume

10 1 3
                                    

Comme lorsque l'on a l'impression de tomber dans le vide au moment où l'on parvient enfin à attraper un sommeil tant espéré, Yume ouvrit brusquement les yeux. Sa première réaction fut de serrer les poings sur ses cuisses, persuadé qu'un combat épique l'attendait dans cette épreuve que lui avait spécialement concoctée la petite Déesse. Cependant, quand il comprit qu'il était assis sur ses genoux devant une table de bois qu'il identifia être en cèdre, le jeune homme sentit toute sa fougue s'envoler, de la même manière qu'elle aurait pu être emportée par un ouragan en pleine tempête. Les sourcils froncés d'incompréhension, il essaya de s'acclimater autant que possible à tout ce nouveau décor complètement inédit.

Yume tenta dans un premier temps de se lever, mais, curieusement, ses jambes refusèrent de lui obéir.

« Super, se plaignit-il en son for intérieur, tout en déglutissant avec difficulté. J'espère qu'elle m'a pas imposé une séance de torture ou je ne sais quoi. Cette position me donne un mal de chien ! »

Le jeune homme analysa plus en profondeur son tout nouvel environnement, essayant de faire abstraction de la douleur causée par cette situation inconfortable, tout son poids s'étant centré sur ses mollets et tibias. Le blondinet était assis sur un coussin moelleux qui, la Déesse soit louée, allégeait quelque peu sa peine. En dessous se situait un tapis de basse qualité, tissé dans ce que Yume identifia être de la soie Dragumienne : idéale dans les lieux rêches des volcans, mais certainement pas de tout confort dans une maison toute simplette comme celle dans laquelle il se trouvait manifestement !

Yume nota la présence d'une porte en bois en face de lui. À en croire les ombres qui effectuaient des aller-retour à travers l'embrasure de celle-ci, elle devait très certainement donner sur l'extérieur. Si elle n'était pas fermée à clef, le jeune homme savait qu'il aurait toujours l'opportunité de s'enfuir par ici, au cas où les choses tournaient à son désavantage.

Enfin, sur le mur de droite s'enfonçait un couloir obscurci, à demi caché par un vieux rideau délavé, qui avait sans doute tout perdu de sa majesté d'autrefois. Il devait mener dans d'autres pièces de l'habitacle.

Serrant les poings sur les cuisses tout en grimaçant à cause de la douleur qu'il n'arrivait réellement pas à laisser de côté, le meilleur ami de Fileya baissa son regard sur la table. Sur celle-ci se trouvaient quatre bols vides ainsi qu'une paire de baguettes, dont un placé face à lui. Allait-on l'inviter à manger ? Yume sentit son ventre crier de contentement. Il était vrai qu'il n'avait rien de bien consistant dans l'estomac depuis le fastidieux dîner de Léterno de la veille. Ce n'étaient pas les quelques baies sauvages que le samouraï solitaire leur avait dénichées qui avaient pu réduire au silence ses gargouillements matinaux. Devant chaque bol se tenaient également, vides eux aussi, des gobelets en terre cuite.

Yume ne put empêcher un pli d'incompréhension de se faire une place entre ses deux yeux. Cette mise en scène était quelque peu... étrange. Qu'est-ce que la Déesse lui avait finalement destiné ? Son épreuve était-elle de résister à la tentation de la gourmandise ? Non. Yume se doutait que l'esprit de cette dernière, bien que dans un corps d'enfant, fusse aussi simplet. Elle avait dû lui réserver quelque chose de bien plus terrible. L'ancien Épéiste devait s'attendre à tout.

Yume n'avait pas réellement fait attention aux sons qui l'entouraient depuis son réveil. Inspirant puis soupirant pour tenter de trouver une concentration maximale, il parvint enfin à percevoir un fort crépitement sur sa droite. Intrigué, le meilleur ami de Fileya détourna lentement la tête dans cette direction. Cette fois-ci, ses sourcils se froncèrent définitivement d'incompréhension. De dos à lui, une femme était manifestement aux fourneaux. Son bras droit ainsi que ses épaules remuaient légèrement, aussi le jeune homme saisit avec une aisance enfantine que cette personne cuisinait. De la vapeur s'échappait au-dessus de son visage, ce qui lui donnait l'air de réfléchir avec beaucoup trop d'instances, de ces personnages de fictions qui voient leur cerveau surchauffer à force de trop s'en servir. Mais ce qui frappa sérieusement Yume chez cette femme, ce fut les vêtements qu'elle portait. Même s'ils étaient de couleur rouge, Yume reconnut la tenue dont était affublée la silhouette : elle arborait un ensemble similaire à celui de Fileya, celui qu'elle utilisait tous les jours quand elle était encore une Invoqueur de Fikternand ! Tout corroborait. Ces mêmes manches flottantes. Cette même robe lisse, comme faite de papier, tombant toute droite sur les jambes, laissant à peine percevoir des bottes de cuir. Même le gros nœud qui permettait de relier la jupe et les tissus en croix sur la poitrine !

Rêves Envoles - Tome 3 : La Quête de l'Invoqueur [EN COURS]Where stories live. Discover now