Chapitre 2.2 : Yume

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Le sourire de la femme à la peau basanée finit pourtant par s'estomper. Ses iris lagon se voilèrent de ce que Yume traduisit comme de la tristesse. Elle détourna finalement les yeux du jeune homme et, avec une vitesse étrangement lente, elle retourna près de son plat, dont les interstices du couvercle sur la marmite laissaient échapper de grosses volutes de vapeur, qui eurent tôt fait de réchauffer la pièce.

― Je suis bien contente d'avoir un fils aussi gentil et serviable que toi, confia-t-elle à demi-mot, ses paroles autant légères que les ailes d'un oiseau, qui comprend que sa pauvre mère ne peut pas tout faire toute seule à la maison.

Yume sentit son cœur battre follement dans sa poitrine, jusqu'à remonter dans ses tempes. Une avalanche d'émotions le submergea aussitôt, mais il fut pourtant incapable de les laisser s'exprimer. Doutes. Joie. Peur. Réconfort. Et sans doute plein d'autres encore... En état de choc complet, le jeune homme ne trouva quoi répliquer. Tout ce qu'il parvint à faire fut d'agrandir ses yeux à la fois de surprise et d'incompréhension.

Maintenant, il comprenait. Il saisissait mieux pourquoi cette femme était son portrait craché. Il s'agissait de sa mère. Sa véritable mère, celle qu'il n'avait jamais eu la chance de rencontrer. Celle dont la présence lui manquait chaque seconde. Celle qui n'avait jamais été là pour veiller sur lui, pour le guider, pour le réconforter... Car sa présence lui avait été si injustement arrachée.

Yume savait. Sa mère avait été assassinée. Les gouvernantes de l'orphelinat le lui avaient dit, le jour où elles avaient enfin estimé qu'il était parfaitement en âge de comprendre ce genre de choses bien trop traumatisantes. Ce que le jeune homme ignorait, c'était pourquoi. Qui avait bien pu commettre un acte aussi horrible ? Sa famille avait-elle des problèmes avec quelques tierces personnes ? L'Épéiste n'en saurait peut-être jamais rien. Et rien ne pouvait lui serrer davantage la poitrine à cette idée.

Les larmes aux yeux, Yume grinçait des dents. Il aurait souhaité pouvoir se lever. Se jeter dans les bras de cette femme qui lui adressait son plus beau sourire. Le sourire d'une mère aimante. Tout ce qu'il put faire, ce fut la dévisager en silence. Avec émotion. Avec émerveillement. Et serrer si fortement les poings à s'en faire blanchir les phalanges.

Mais pourquoi ? Pourquoi la Déesse lui montrait-elle l'apparence de sa mère, celle dont lui-même ne se souvenait même plus ? Qu'essayait-elle de lui exposer ? Qu'essayait-elle de lui dire ? Qu'essayait-elle de lui faire comprendre ? La petite Déité essayait-elle simplement de lui procurer un test ? Examinait-elle sa capacité à rester de marbre face à un membre de sa famille disparue à jamais ? Dans ce cas... Yume pouvait affirmer qu'il avait échoué dans son épreuve.

Le choc laissa finalement place au doute. Baissant légèrement la tête, Yume se méfia. Oui. Ceci était un test, justement. Comment pouvait-il être sûr et certain que cette femme qu'il avait sous ses yeux embués de larmes était réellement sa mère biologique ? Comment la Déesse aurait-elle pu savoir à quoi elle ressemblait ? Peut-être l'avait-elle simplement inventée de toutes pièces. Yume ne devait pas oublier qu'il avait sauté dans une barrière magique, le menant tout droit dans cette illusion aux proportions bien trop réalistes à son humble avis.

Yume entendit une porte grincer dans son dos. Curieux, le jeune homme tenta de tourner la tête, mais celle-ci refusait toujours de lui obéir. Il essaya également de déplacer son regard, mais la nouvelle personne qui faisait son entrée devait sans doute se trouver trop loin de son champ de vision pour être perceptible. Cependant, quand il vit l'ombre de la fenêtre s'obstruer légèrement par deux fois, le meilleur ami de Fileya comprit que non pas une, mais bien deux silhouettes s'avançaient dans sa direction.

Intérieurement, Yume se sentit bête d'avoir cru un seul instant à cette illusion stupide.

Face à lui s'accroupit un homme d'une musculature semblable à l'ancien Épéiste. Il se laissa tomber devant Yume avec nonchalance, une jambe allongée sous la table et l'autre rabattue contre son torse, où il vint déposer un bras ballant. Ce qui frappa en premier Yume fut ses cheveux très courts, à peine perceptibles sur le haut de sa tête. Ils étaient si blonds qu'ils viraient presque sur du blanc. Exactement comme lui, ses pupilles étaient aussi éclatantes que la surface miroitante d'une lagune baignée par les rayons du soleil en azimut.

Rêves Envoles - Tome 3 : La Quête de l'Invoqueur [EN COURS]Where stories live. Discover now